Étirée sur près de 300 numéros, Hellblazer est une des plus anciennes et des plus endurantes séries de Vertigo, le label « adulte » de DC Comics. Relatant les aventures du sorcier John Constantine, créé dans les pages de Swamp Thing sous la plume d’Alan Moore, elle a vu défiler les noms de fameux scénaristes, comme Jamie Delano ou Brian Azzarello. Mais les deux auteurs dont le travail s’est le plus fait remarquer sont sans doute Garth Ennis (Preacher) et Warren Ellis (Transmetropolitan). Le second arrivant peu après l’exceptionnel run du premier (en cours de publication chez Urban), il avait fort à faire pour maintenir la barre au niveau auquel Garth Ennis l’avait hissée. Y est-il parvenu ?
Warren Ellis marque d’emblée un changement de ton par rapport à Garth Ennis. Là où ce dernier proposait des intrigues développant le personnage de Constantine et lui donnant, aussi surprenant que cela puisse paraître, un charisme certain derrière son masque de cynique égoïste, Warren Ellis concentre l’attention du lecteur sur les atrocités que Constantine semble attirer malgré lui. Le volume démarre ainsi sur la découverte d’un cadavre d’une femme, apparemment morte dans des circonstances sordides impliquant un magicien. Malgré le statut du criminel, Warren Ellis semble ne prêter que peu d’importance à la part « magique » de l’univers de John Constantine pour se pencher sur ce qu’il considère comme la véritable antre du mal : le cœur des hommes.
Les histoires mettent ainsi en scène des pervers, des sadiques et autres affreux en tout genre. Se dessine à travers cette direction un regard particulièrement cynique et désabusé sur l’homme, auquel le lecteur pourra ne pas adhérer. Le one-shot qui se penche sur les régulières tueries de campus américains est à ce titre particulièrement pessimiste, bien qu’on soit forcé de lui reconnaître une effroyable efficacité, assez déstabilisante. De même, l’écriture de Warren Ellis est, à bien des égards, plus vulgaire que celle de Garth Ennis et les répliques de Constantine auront rarement été portées par un langage aussi châtié.
Plus trash, plus noir et plus cynique que ses collègues, Warren Ellis fait plonger Constantine dans une horreur plus profonde car plus humaine. On trouvera sans doute des produits d’une modernité désabusée et désillusionnée pour apprécier le style, mais d’autres lui préféreront un Garth Ennis qui, même dans ses plongeons les plus profonds dans la noirceur (dans Preacher comme dans Hellblazer) ne perd jamais des yeux ce qui fait la beauté de l’homme.
Warren Ellis Présente Hellblazer
One-shot
Dessinateur(s) : John Higgins, Frank Teran, Timothy Bradstreet, James Romberger, Marcelo Frusin, Phil Jimenez
Scénariste(s) : Warren Ellis
Éditeur : Urban Comics
Collection : Vertigo Signatures
http://www.urban-comics.com/warren-ellis-presente-hellbalzer/