Wardruna à Rock Oz – « Jouer ici, ça a beaucoup de sens »

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À quelques heures du show de Wardruna, nous avons rencontré Einar Selvik, son fondateur. Une entrevue inspirante au cours de laquelle on a parlé de musique, du climat, mais aussi de l’expérience Vikings.


Comment ça va ? Vous avez fait bonne route ?

Oui, on est arrivés hier soir. Nos instruments sont rares donc c’est trop risqué de voyager le jour du concert. Si on perd les bagages, il n’y a pas de show, du coup on essaie d’avoir un peu de marge.

Vous avez pu vous promener un peu ?

Oui, c’est une région magnifique. Rien qu’en roulant c’était incroyable. Et bien-sûr, le lieu du concert est spécial.

 

Justement, qu’est-ce que ça vous fait de jouer dans ces arènes qui viennent d’une culture toute autre que celle que vous communiquez ?

Je ne dirais pas que c’est si différent culturellement parlant. Il faut regarder assez en arrière dans le temps. Même si ma musique a une enveloppe nordique, ce dont je parle, la tradition, l’origine de toutes ces choses sont similaires à d’autres cultures. Jouer ici, ça a beaucoup de sens à différents niveaux. On est chanceux de pouvoir jouer dans ces endroits fantastiques à travers le monde. Je pense que c’est important d’exploiter les énergies positives de l’espace autour de toi, qui plus est quand il complète la musique. C’est une énorme plus-value. On essaie de faire ça le plus souvent possible.

Einar Selvik, Wardruna – Rock Oz’Arènes 2019 © Davide Gostoli

Est-ce que le lieu du concert influence votre set ?

Parfois. Mais la plupart du temps, on fait notre truc. Cela dit, on ne fait pas beaucoup de concerts. Une des raisons, c’est que je n’ai pas envie d’en avoir marre de jouer ma musique. L’autre raison, c’est que chaque occasion doit être spécial, très intense. A chaque fois que tu joues quelque part, c’est différent. Je suis une personne différente aujourd’hui comparé à hier. Chaque soir tu as un public différent et, naturellement, ce qui t’entoure aussi. Donc même si on fait le même set, le ressenti est totalement différent.

 

J’ai vu que vous appeliez parfois vos concerts des ‘live ceremonies’, à quoi doit-on s’attendre du coup ?

Je crois que c’est une bonne manière de les définir. Il y a plusieurs niveaux. Beaucoup de personnes sont connectées à notre musique d’une manière personnelle, en partie parce que ce dont on parle est universel et intemporel. On parle de la relation des humains avec la nature, entre eux, et avec quelque chose qui nous dépasse, que ce soit spirituel ou philosophique. Je pense que dans les sociétés occidentales, on s’est éloignés de ça, on s’est séparés de la nature. Et je pense que beaucoup de gens veulent se connecter à quelque chose autour d’eux. Même si j’appelle ça une cérémonie, ça n’a rien de religieux, à moins que ce soit ce que le spectateur a envie de ressentir. Mais de mon point de vue, il est plutôt question de créer un endroit sacré, solennel, auquel les gens peuvent se connecter ou se perdre. Ça n’a rien avoir avec prêcher une vérité, le but, c’est vraiment de créer un espace pour s’évader pendant 1h30.

 

Est-ce que votre musique et la culture que vous transmettez à travers elle sont devenues un mode de vie ?

Oui, je crois que ça l’est pour beaucoup de gens. Je pense que beaucoup de monde est à la recherche de ses racines, pour se connecter à quelque chose qui vient de la nature. Les dieux n’existent pas dans les buildings et les objets, ils sont tout. Les dieux ou autre chose, ça dépend de toi. Personnellement, j’ai une vision du monde plutôt animiste. Tu peux regarder les choses d’une manière scientifique et les définir en termes de fréquences. Ou alors tu peux les voir d’un point de vue spirituel et dire que tout a un esprit, une énergie, peu importe comment tu veux l’appeler. C’est très connecté à la nature et je pense que chaque culture sur cette planète est née de ses environs, des ressources qu’il y a. C’est donc quelque chose d’universel.

 

« La perte d’animisme dans notre vision du monde s’est traduite en une perte de respect envers la nature. »

 

Vous parlez de se reconnecter à la nature, c’est un peu ce que les grévistes pour le climat essaient de dire. Quel regard portez-vous sur ces manifestations ?

C’est difficile car le climat a toujours changé. A mon avis, il y a, dans cette politique, des choses qui ne sont pas justes, d’un côté et de l’autre. Si tu regardes les chiffres, beaucoup de choses n’ont aucun sens. Mais c’est de la politique. Dès qu’il y a de l’argent en jeu, des deux côtés, ça devient difficile de déterminer ce qui est vrai ou pas. C’est un peu différent, mais, que le climat soit le problème ou pas, que l’humain soit responsable du réchauffement de la planète ne change rien au fait que nos sociétés, tant en occident qu’en orient, sont en train de ruiner la planète. On exploite des animaux, notre nourriture est industrielle. Je crois que depuis que dieu a été retiré de la nature et s’est fait enfermer dans des maisons et dans le ciel, on a perdu notre connexion à toutes ces petites choses qui nous entourent. La perte d’animisme dans notre vision du monde s’est traduite en une perte de respect envers la nature.

 

Parlons un peu de Vikings. En quoi c’était différent d’écrire de la musique pour une série plutôt que pour un album ?

C’est très différent. Le tempo par exemple. On avait l’épisode et tu écris en voyant les images. Sur la première saison, la production était un peu en galère pour la musique. Puis ils se sont rendu compte que la musique de Wardruna fonctionnait bien. Ils m’ont proposé de travailler avec le compositeur principal, Trevor Morris. J’ai fait ça pour quelques saisons. J’ai écrit pour des rituels, des enterrements, des batailles, j’ai fait des chansons à boire, etc. C’est une manière différente de s’exprimer. Tu dois être plus direct. Avec Wardruna, ça va beaucoup moins vite. Mais quand tu travailles pour une production TV comme celle-là, la deadline est toujours pour le jour précédent. C’était un vrai défi. Aussi parce que la plupart de ces compositeurs font du « drag and drop » avec leurs fichiers. Ils ont leur synthé et une assistance électronique qui fait presque tout le travail. Moi, je travaille avec des instruments qui ont leur propre volonté, leur propre nature. Donc, ces deadlines et ce type d’instruments, c’est un challenge. J’ai beaucoup appris de cette expérience.

Wardruna – Rock Oz’Arènes 2019 © Davide Gostoli

Quelle est la suite pour Wardruna ? Avez-vous un nouveau cycle d’albums en prévision ? Peut-être l’exploration d’une autre époque ?

Beaucoup de gens pensent qu’on fait de la musique Vikings, ce qui n’est pas le cas. On n’a jamais été définis par une période particulière. On utilise des instruments et des techniques de l’âge de pierre, de la période viking, etc. et aussi plus récents. L’expression, elle, est moderne. Pour moi, le but c’est de prendre quelque chose de vieux et d’en faire quelque chose de nouveau. Là, je travaille sur un nouvel album avec Wardruna et sur d’autres projets assez excitants. Mais je ne peux rien dire pour le moment. Enfin, si je pourrais t’en parler mais je devrais te tuer après (rires) !

Alors gardons le suspense (rires) ! Pour terminer, on a une petite question qu’on aime poser aux groupes étrangers : si vous ne pouviez en choisir qu’un, fromage suisse ou chocolat suisse ?

Ouh ! J’aime les deux ! Je préfère le chocolat norvégien alors je vais choisir le fromage !

 

La review du concert est disponible ici !

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