Home Live Reports Live reports Québec VOÏVOD SYMPHONIQUE – JOUER DANS SON PROPRE FILM DE SCIENCE-FICTION

VOÏVOD SYMPHONIQUE – JOUER DANS SON PROPRE FILM DE SCIENCE-FICTION

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Le 29 janvier 2025, la salle Wilfrid-Pelletier a tremblé aux sonorités électrisantes de Voïvod symphonique, un concert fort attendu par de nombreux « métalleux » de la première heure, prêts à accueillir le séisme musical imminent. L’improbable collaboration entre le légendaire groupe de métal québécois Voïvod et l’Orchestre symphonique de Montréal laissait anticiper une expérience scénique aussi ambitieuse que magistrale. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que le Daily Rock Québec a pu assister à cette première de deux représentations. On en ressort ébahi de cet électrochoc orchestral.

Dans une salle où se côtoyait les t-shirts à l’effigie du groupe originaire de Jonquière et d’autres spectateurs plus habillés, certains sous une forme hybride agencée avec veston, l’atmosphère dégageait un engouement palpable chez ceux et celles qui prenaient siège. Ce lieu atypique pour un spectacle de musique métal aurait pu semer une ambiguïté; les normes sociales diffèrent. Au lever du rideau s’installent sur scène les soixante-dix membres de l’OSM vêtue de leur tenue conventionnelle (les seuls à devoir suivre un code vestimentaire!) pour s’atteler à la tâche avec Dina Gilbert comme cheffe d’orchestre désignée, reconnue notamment pour avoir dirigé le concert 40 ans du Hip Hop québécois avec l’Orchestre symphonique de Québec (2023). Puis c’est au tour de la tête d’affiche de se montrer sous un accueil fervent d’un public qui semble déjà conquis. Le quatuor québécois de renommée internationale, soutenu de son armée de musiciens, entame l’aventure avec Experiment précédé d’un message d’introduction à l’écran au texte vert sur fond noir comme un vieux moniteur informatique. Ce premier échange entre les deux équipes captive immédiatement l’auditoire assez multigénérationnel.

On retrouve un groupe en pleine forme et un Denis « Snake » Bélanger, sourire aux lèvres qui, tout en chantant, interagit avec la foule aux yeux rivés sur le prodigieux ensemble musical. Beaucoup réagissent en levant le bras du « signe du diable », eux qui, limités aux conventions d’une salle aux places assignées, auraient eu d’autres réflexes dans une position debout. S’enchaînent Holographic Thinking suivie de la pièce culte The Unknown Knows. Entre celles-ci, le chanteur a pris la parole pour nous souhaiter la bienvenue dans le vaisseau symphonique auquel nous étions conviés tout en contextualisant le concept scénique. Devant un auditoire impatient d’entendre la suite, il s’exclame de fierté en disant que tout cela [Voïvod] a commencé dans un sous-sol de Jonquière.

Ainsi, douze pièces du répertoire de Voïvod — davantage de leur phase progressive que de leur période thrash metal — sont revisitées sous une mouture symphonique dont les adaptations signées par l’orchestrateur Hugo Bégin. Inspiré par les bandes sonores de science-fiction, le tout est accompagné d’un support visuel approprié pour chaque chanson sur écran géant où étaient projetées les illustrations créées par Michel « Away » Langevin, le batteur et porte-parole du groupe. Ce récit apocalyptique fut le fruit d’une conception vidéo par Noisy Head Studio. Derrière un enclos coupe-son, « Away » Langevin avec, en face de lui, son collègue Dominique « Rocky » Laroche à la basse, tous les deux gèrent la base rythmique avec rigueur et complexité.

Entre Forgetten in Space, où ont a profité de l’un des sporadiques solos de guitare du guitariste Daniel « Chewy » Mongrain, ou Pre-Ignition, le public attentif et admiratif a découvert la complémentarité des deux ensembles musicaux réunis de façon non conventionnelle. Nuclear War est la seule pièce issue de leur tout premier album War in Pain (1984) qui fut interprétée. Toujours d’actualité, Michel Langevin tenait à ce que ce titre soit joué avec l’OSM. Visiblement, sa version symphonique a amplifié son caractère alarmant. Car de cette jonction entre la musique métal et classique, la complémentarité s’est manifestée par un point commun essentiel : une compatibilité naturelle par la densité des mélodies et des rythmiques. L’admirable maestra à la gestuelle saccadée, parfaitement synchronisée au rythme des arrangements, dirige avec grand contrôle son orchestre. Cela a nécessité deux ingénieurs de son (Larry O’Malley pour l’OSM et Francis Perron pour Voïvod) pour bien équilibrer l’acoustique de sorte que l’un n’empile pas sur l’autre. L’ambiance a atteint son paroxysme pendant la pièce Fall où l’intensité du dernier mouvement a fait lever la foule pour une première ovation suivie des remerciements du groupe en n’oubliant pas d’honorer Denis « Piggy » D’amour, ex-guitariste et membre fondateur de Voïvod décédé en 2005. C’est à lui que le groupe doit l’innovation musicale qui leur est reconnue. Avec Astronomy Domine en guise de rappel, ils se sont réapproprié une fois de plus leur célèbre reprise de Pink Floyd avant de saluer le public en pleine et longue acclamation. Les quatre membres sont revenus sur scène pour récolter ce surplus d’applaudissements. Cette heure et demie de musique, sans entracte, nous a plongés dans une immersion totale à la vitesse d’un éclair, sans écoute passive possible.

Qualifier Voïvod symphonique de mémorable relève de l’euphémisme. La performance, sans failles, résulte d’une discipline exemplaire de la part du groupe pionnier du métal progressif. Cet évènement unique transcendait les genres respectifs, car, habituellement, les concerts pop de la programmation de l’OSM sont rattachés à des référents communs. En unissant ces deux entités nichées, on se demande qui démocratise qui! Il y a quarante ans, peu auraient osé imaginer cette collaboration. Si la réalité rattrape parfois la fiction, l’Orchestre symphonique de Montréal aura permis à Voïvod de jouer dans son propre film de science-fiction. Et c’est pleinement mérité.

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