Emmenés par un chanteur à l’énergie hallucinante, les Californiens se sont fait en l’espace de cinq ans les apôtres d’un rock seventies mâtiné de soul. De quoi faire passer les Black Keys pour des faux prophètes. Leur guitariste nous dit tout.
A quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de vous, comment vous définiriez-vous?
Nalle Colt: Je connais Ty (Taylor, le chanteur) depuis vingt ans. Je l’ai vu se produire sur scène bien avant la naissance du groupe. C’est un performer incroyable! La soul coule dans les veines. Quant à moi, je suis un rocker. Vintage Trouble est cet alliage de soul et de rock, une sorte de mariage entre Led Zeppelin et Otis Redding. Il ne nous a fallu que trois jours pour enregistrer notre premier album, ‘The bomb shelter sessions’, qui ne nous a coûté que mille deux cents dollars. Nous n’avions aucune autre prétention que de composer des morceaux à guitare, inspirés du blues.
Comment avez-vous rencontré votre manager, Doc McGhee, qui est le légendaire manager de Kiss?
Il a entendu parler de nous, car nous avions joué à Los Angeles pendant une année sans discontinuer. Il est venu nous voir et nous a demandé: ‘Où voulez-vous aller?’ Nous lui avons répondu que notre rêve serait de conquérir l’Angleterre, comme l’avait fait Jimi Hendrix. C’est amusant, car pour les groupes européens c’est exactement l’inverse, ils cherchent à percer aux Etats-Unis. Il nous a permis de nous produire dans la célèbre émission de la BBC, ‘Later with Jools Holland’.
Ce fut le déclic pour vous, n’est-ce pas?
Absolument! Nous étions des bleus à ce moment-là, très naïfs. Il faut savoir que cette émission est enregistrée à 100% dans les conditions du live. Plusieurs groupes y sont invités, et doivent attendre chacun sur une scène séparée. A tout moment, la production peut venir vous dire: ‘C’est à vous dans une minute!’ Le même soir, il y avait K.D. lang et les Fleet Foxes. Nous étions impressionnés. Lorsque vint notre tour, nous avons joué une version endiablée de ‘Blues hand me down’. C’était complètement fou, d’un instant à l’autre nous recevions des messages du monde entier. Les gens devenaient cinglés et se sont rués sur l’album. La semaine suivante, nous en avions écoulé cinquante mille!
Peut-on dire que votre style est un mélange de musique noire et de musique blanche?
C’est cela, nous écoutons beaucoup de musique des années 50 et 60, Chuck Berry, Jimi Hendrix, Otis Redding, T-Bone Burnett, Muddy Waters, les Stones, de la musique d’église, du gospel, des groupes du label Stax. Le lien entre tous ces artistes, c’est l’énergie. Notre prochain album aura les mêmes influences, car nous voulons rester fidèles à nous-mêmes. Mais probablement que notre son va changer un peu. Nous allons y apporter une touche de modernité.
Vous tournez sans arrêt depuis 2011. Est-ce une nécessité financière?
Le monde de la musique a considérablement changé. Cela devient très difficile pour les groupes de survivre. Nous tournons systématiquement neuf à dix mois par année, cela pour payer nos factures et avoir de quoi vivre. Mais cela n’altère en rien notre passion, nous nous donnons à chaque fois à 100% pour notre public, qui est comme le cinquième membre du groupe. J’espère que nous ne perdrons jamais le feu sacré. Cela dit, nous avons dû reporter l’enregistrement de notre prochain album plusieurs fois pour faire la première partie de légendes du rock: quand The Who, AC/DC ou Lenny Kravitz vous invitent en tournée, impossible de refuser.
‘Aimez-vous les uns les autres, prenez soin de Mère Nature et soyez gentils’: ce n’est pas courant de lire cela dans le livret qui accompagne l’album d’un groupe de rock.
Ces temps-ci, cela est vrai plus que jamais. Il n’y a qu’à voir ce qu’il se passe en Europe depuis deux ans. Nous croyons que la musique est susceptible de créer des liens entre les gens. Il est important pour nous de ‘prêcher’ le refus de la haine. Aux Etats-Unis également, les questions raciales sont plus que jamais d’actualité. Il nous faut absolument trouver une issue pour sortir de tout cela. Il est important pour nous de nous positionner, cela nous tient à cœur. Et nous espérons que de plus en plus de gens auront à cœur de prendre soin les uns des autres. Vous savez, il nous est arrivé de donner des concerts en Alabama, où nous avons été confrontés au racisme. Il y a des gens qui n’acceptent pas, dans le Sud, que nous ayons un chanteur noir. Mais nous n’avons pas cédé à la peur et avons confronté ces gens. Ils n’ont pas gagné.
Votre son est très organique et on peut entendre chaque instrument distinctement, un peu à la manière des Red Hot Chili Peppers. Vos albums ne sont pas surproduits. L’authenticité est-elle à la base de votre éthique de travail?
Le plus important, c’est l’espace. Tout est tellement formaté de nos jours, les radios imposent leur diktat. C’est effrayant, tout comme toute l’électronique qui se cache derrière les productions de rock. La difficulté pour nous, c’est de jouer de la vieille musique de façon organique, tout en sonnant assez moderne pour toucher les gens habitués à des sonorités d’aujourd’hui. Ce sera notre défi en 2018, lorsque nous travaillerons sur notre troisième album: réussir à créer, puis à conserver, un lien entre tradition et modernité. Car notre but est de devenir mainstream, de toucher le plus large public possible sans nous renier.
Qu’est-ce qu’une bonne chanson pour vous?
Une bonne chanson doit avoir un feeling, un fil rouge. Elle doit permettre à l’auditeur de s’évader, de se perdre dans la chanson. J’espère que nous y sommes parfois parvenus, comme sur ‘Not alright by me’ par exemple. C’est une belle chanson qui a du sens.