Trust aurait-il dû continuer après sa première dissolution dans les années 80 ? On peut se poser la question quand on regarde le parcours erratique qui fut le sien ensuite. Pourtant, le premier divorce entre le groupe et le public rock intervient assez tard, en 2008, lorsque 13 à table déverse ses diatribes politiques contre Sarkozy.
Ce qui choqua le publique à cette époque, ce n’est pas que les rockers s’étaient transformés en équipe de campagne pour Ségolène , c’est l’opportunisme qui se cachait derrière cette nouvelle musique. La réalité, c’est que Trust marche comme un canard sans tête depuis des années , mais le hard blues de « Europe et Haine » apportait encore son lot de frissons nostalgiques à son public.
En 2008 , les amis d’ACDC s’étaient transformés en chantre du hip hop , embauchant un DJ pour permettre à son chanteur mégalo de justifier ses délires. L’homme voulait laisser une trace dans l’histoire de la musique, et celle de parrain des rappeurs lui convenait à merveille. Produit par de jeunes illettrés, misogynes ou moralistes , cette musique ne peut se marier avec le rock fut-il contestataire.
Culte du riff , le hard rock ne doit sa grandeur qu’a un groupe de musiciens soudés autour d’une énergie qui dépasse leurs petits égos. Chanter en Rap , faire des textes une pièce centrale d’un groupe , c’est trahir un genre qui aura toujours plus de sens que la prose puérile de ces prêtres à capuches. Ces gens-là avaient tués le génie de la chanson française, et voilà que, pour un peu de lumière, Bernie les imitait de façon ridicule. L’homme avait compris que, désormais , c’est malheureusement les congénères de Joeystarr qui expriment la révolte d’une jeunesse noyée dans sa vacuité.
Heureusement, ce ne fut qu’une lubie passagère, qui eut au moins le mérite de faire passer « Dans le même sang » pour un grand disque . Certes, il était réussi , mais le qualifier de grand disque c’est oublié qu’il contient encore les germes de cette maladie qui grignota Trust en 2008 : la Mélenchonite.
Alors non, je ne vais pas faire une chronique politique, ce serait tomber dans le piège tendu par ces rockers démagogues , d’autant que Bernie a toujours eu ses idées un peu pompeuses. Ce que je déplore, et ce qui me fait comparer le groupe au comique troupier préféré des bobos, c’est que ces diatribes parasitent l’énergie d’un groupe qui , en plus , est plutôt en forme.
On aurait pu aimer « Fils de lutte », s’extasier de ses riffs ayant retrouvé le tranchant de la grande époque, hurler « Miss Univers », répéter en cœurs le refrain rageur de « On va prendre chère », si ses cœurs n’en faisaient pas des incitations à s’auto flageller.
Fils de lutte n’est pas un disque de rock , c’est un pamphlet musicale. Les paroles ne s’allient plus aux riffs pour saluer la puissance du heavy rock , elle se servent de cette puissance pour endoctriner les esprits faibles. On n’est d’ailleurs pas loin du prêche quand il reprend son chant rappé pour enchaîner les insultes vis-à-vis de ceux qui ont « Regardé leurs chaussures » , opposant les « Fils de luttes » aux fils de putes dans une prose qu’on aurait pu classer sous l’étiquette « Adibou reprend Marx ».
Quand je parle de Marxisme , je cite surtout la tendance Groucho , qui aurait sans doute rie en entendant ce petit commerçant de la révolte insignifiante mettre la Corée du Nord et l’Amérique dans le même panier foireux.
Trust est en pleine forme , ses musiciens sont toujours soudés autour de leurs amours de la musique , mais sa tête ne va plus. Atteint du syndrome Gilles de la Tourette , Bernie éructe si fort qu’il vous sera bien difficile d’apprécier la production exemplaire de Mick Fraser, et la force de ses instrumentaux.
« Pense à te faire opérer de la honte », nous lâches Bonvoisin au détour d’une énième diatribe. Il est vrai que , pour lui visiblement , l’opération a déjà eu lieu.