Trust fut sans doute le plus grand groupes de rock français. Téléphone était trop soft, Bijou trop has been , Noir Désir trop proche de la variété. Cela ne m’empêche pourtant pas d’apprécier certains albums de ces groupes mais, contrairement à eux, Trust n’avait pas à rougir face aux géants anglophones.
Sortie en 1979, leur premier album mêlait la colère subversive du mouvement punk et la puissance du hard rock, pour former un pavé balancé à la figure de l’establishment Giscardien. Bon Scott, le premier chanteur d’ACDC sympathisera d’ailleurs rapidement avec la bande de Bernie. C’est lui qui aura l’idée des cœurs à la fin d’’Antisocial‘, et qui adaptera quelques textes du groupe pour leur permettre de conquérir le marché anglais.
Consécration ultime, Trust fait la première partie de la tournée américaine d’Iron Maiden dans les années 80. La légende dit que les français volèrent le show au groupe Anglais. Ce passage ne sera pas sans conséquences puisque, quelques années plus tard, le groupe de trash Anthrax enregistrera sa version d’‘Antisocial’.
Le groupe va finalement se saborder lui-même et, dès 1984, ses membres ne se parlent plus. Un an plus tard, la séparation est actée, et laisse au public un gout d’inachevé. Car, si le groupe avait survécu à ses dissensions, on peut facilement imaginer qu’il aurait conquis le pays de l’oncle Sam. Au lieu de ça, il faudra se contenter du statut de groupe culte, ayant touché du doigt le graal, un soir en première partie de Maiden.
Et, à partir cette date, Trust se reforme plusieurs fois, pour quelques concerts, ou pour produire des albums pas toujours brillants. Dernier exemple en date, »13 à table » pâtit de la présence d’un DJ, qui détruit toutes traces d’énergie à grand coups de mixs dégueulasses.
Nous voila donc 10 ans plus tard face à son successeur, redouté par certain, attendu avec impatience par d’autres. Inutile de maintenir un faux suspens, cet album est une réussite, et sans doute leur meilleur depuis »Europe et haine » .
A la production, Mick Fraser offre au groupe un son énorme, digne de ce qu’il à fait sur »Ballbreaker » d’ACDC. Sauf qu’ici le groupe joue live ! Et c’est cette sincérité qui fait la différence. Comme l’expliquait Nono, Trust à passé des heures à jammer en studio, jusqu’à ce que le plaisir de jouer ensemble donne naissance à ces 13 titres enregistrés en une prise.
Ce procédé permet au groupe de renouer avec une énergie spontanée, que l’on croyait perdue depuis des années. Pariant sur un hard rock rythmique et puissant à la ACDC, Trust montre que, même en 2018, il reste un grand groupe.
Semblant retrouver sa hargne au milieu de ce déluge salvateur, Bernie hurle ça colère contre le « F Haine » , la présidentielle de 2017 etc. Il faut dire que sa plume est de nouveau féconde, et flirte parfois avec la superbe libertaire de la grande époque. On risque d’ailleurs d’entendre encore longtemps parler de ses coups de gueules sur « Ni Dieu Ni Maitre », « Democrassie » , ou « Fils de Putes, Têtes de Liste ». Sans disséquer les idées de ce bon vieux Bernie, il faut avouer que sa prose a retrouvé une puissance fédératrice irrésistible.
Par contre Bernie, les chœurs féminins c’est classe chez les stones, superbe dans les mélodies floydiennes , mais dans le hard rock ça ne peut que diminuer l’impact de tes coups de gueules. Mais bon, tu as eu la bonne idée de les limiter à quelques apparitions furtives, ça leur permet de ne pas faire de dégâts.
On peut aussi regretter que le blues « J’men Fous pas Mal » fasse redescendre la pression à mi-parcours. Mais, la encore, la composition est loin d’être honteuse. Les passages espagnoles un peu pompeux de « Caliente » auraient aussi pu faire mal, s’il n’étaient pas soutenus par une guitare d’une telle puissance.
En 2018 Trust à enfin renoué avec un hard rock simple, direct, et furieusement efficace. Dans le même sang n’est certes pas parfait, mais il contient sont lot d’hymnes colériques. Le grand retour de Trust à bien eu lieu.