Quelques mois après la sortie de Pulsations — mini-album en concert — Tire le coyote nous enrôle maintenant dans sa Dynastie, son sixième album studio en carrière, paru le 4 octobre 2024. À peine deux ans et demi se sont écoulés depuis l’album Au premier tour de l’évidence. L’artiste y livre une nouvelle collection de chansons pavées sur le terrain connu de la poésie et de la mélancolie, mais dans un désir d’exploration où l’énergie rock domine un peu plus sur le folk.
Le nouveau disque s’ouvre sur Avalanche, adaptation libre d’une chanson de Leonard Cohen, exercice que notre principal intéressé s’est déjà prêté sur, notamment, une pièce de Lana Del Rey. Inusité; on le surprend même à chanter d’une voix plus grave, exceptionnellement pour ce titre. Benoit Pinette, de son vrai nom, cosigne la réalisation avec Marc-André Landry, son bassiste des dernières années. Ils nous emmènent vers une avenue inhabituelle où s’infiltrent des éléments électroniques, bien mise en évidence sur Les chemins de travers ou bien sur Toute garnie qui, quant à elle, tâte le rock progressif. Notons la présence de clavier mellotron et de piano rhodes, qui s’invitent pour rendre l’ambiance obscure, comme sur la chanson L’ailleurs qui révèle aussi un solo de saxophone. On assiste à une direction musicale plus audacieuse, certes, mais tout aussi captivante et qui ne dénaturalise pas son essence d’auteur-compositeur. Sa plume imagée, toujours si sensible et profonde, lance des vers moins percutants. Les textes plus impressionnistes amènent l’auteur-compositeur-interprète à aborder plusieurs thématiques comme la magnificence du territoire ou bien le culte de l’image sur la pièce Feux d’artifice, qui traduit avec précision ce que peut faire vivre, par exemple, la dépendance aux médias sociaux :
« Et pour moi l’indifférence
Est un réservoir à supplice
Qui souvent me malmène
Alors j’enrichis mes jours de plusieurs mises en scène »
–Feux d’artifice
Son œil fin observateur du ressenti, suscite la réflexion tout en visant la membrane de l’âme, et ce toujours jumelé de sa voix distinctive, haute perchée et bien au fait de son vibrato, mais plus posée qu’auparavant. Elle vibre sublimement dans ce refrain traduit à partir d’un passage du poème A Thousand Kisses Deep de Cohen :
« Car je t’entends dire :
« J’excelle à l’amour, j’excelle à la haine
C’est entre les deux que je paralyse
Que je paralyse » »
–Baldy
Avec ce sixième opus, Tire le coyote réussit le parfait équilibre entre l’exploration et la continuité en incorporant du rock à sa charpente folk. Dynastie est une œuvre digne d’un artiste à part entière dont le succès critique et populaire n’entrave d’aucune façon sa liberté créatrice. Intemporelle, sa poésie jaillit de sens et procure toujours ce plaisir de dénicher la phrase qui va cristalliser notre expérience d’écoute respective.
4.5/5