Après seize ans d’absence, Tindersticks a fait un retour très attendu à Montréal, le 1er et 2 avril derniers, au Théâtre Outremont. Un concert de près de deux heures, sans première partie, qui a pleinement satisfait les attentes des spectateurs. La représentation a su allier morceaux récents et emblématiques, tout en insufflant une touche appuyée de soul. Des titres des précédents albums Soft Tissue, The Something Rain, No Treasure But Hope et The Waiting Room ont été revisités, fidèles à l’univers mélancolique et raffiné du groupe.
Le concert débute avec le titre How He Entered. Dès les premières notes, la qualité sonore se distingue par sa clarté et sa précision. Le volume est ajusté à l’acoustique de la salle, offrant une écoute intime et confortable, idéale pour une musique aussi subtile où chaque nuance s’exprime sans compromis. Le public se laisse emporter aussitôt dans une ballade, une chanson lente et mélancolique, où chaque battement de la batterie résonne comme un cœur, tandis qu’au clavier, la mélodie reste minimaliste et poignante. La voix du chanteur principal, Stuart A. Staples, aux timbres profonds, marque les esprits d’une façon presque cérémonieuse. Décontracté et vêtu de son chapeau iconique à oreillettes : il joue de sa guitare acoustique, soutenue par la basse et la guitare électrique. Les cordes semblent effleurées dans leur interprétation, ce qui apporte de la légèreté à la composition. À la fin du morceau, le public reste suspendu, figé dans une admiration silencieuse, se demandant si le reste de la soirée pourra offrir une intensité égalée. Mon voisin de siège, un mélomane présent la veille, me gratifie d’un hochement de tête, visiblement ravi de partager cette expérience collective aussi bouleversante soit-elle.
La formation britannique revisite ainsi certains de leurs grands classiques avec une énergie renouvelée, offrant une nouvelle perspective sur des titres bien connus. Parmi les moments forts, Second Chance Man, Willow, Medicine et Always a Stranger ont marqué la soirée, mais c’est surtout For the Beauty qui a provoqué une ovation de la foule, qui s’est levée en guise de reconnaissance. Malgré des points forts indéniables, quelques réserves demeurent : les deux concerts ont été identiques, ce qui a déçu certains spectateurs espérant davantage de variation dans la sélection des chansons ou les arrangements musicaux. Également, l’absence de choristes et de cuivres, notamment sur Turn My Back ou New World, a limité l’effet gospel recherché de certaines chansons. Néanmoins, les musiciens ont créé une atmosphère envoûtante grâce à leur jeu statique et leur aisance sur scène, en parfaite harmonie avec leur musique organique.
L’éclairage, discret mais efficace, a soutenu la prestation en enveloppant la scène de teintes rouges, bleues et violacées, faisant écho aux pochettes des albums du quintette. L’approche misant sur des transitions en douceur a accompagné chaque morceau avec sobriété. De plus, la rotation des instruments parmi les musiciens multi-instrumentistes, avec Dan McKinna (bassiste) passant au clavier et David Boulter (claviériste) au xylophone, a enrichi la texture sonore et sublimé certains morceaux, illustrant la virtuosité et l’adaptabilité du groupe.
En somme, Tindersticks n’a pas seulement répondu aux attentes : ils ont transcendé leur art, l’élevant à un nouveau sommet. Après seize ans d’absence, ce spectacle restera gravé comme un instant inoubliable, intense et émouvant. Véritable voyage sonore : il a plongé le public dans une immersion rare, où chaque note résonnait avec une beauté poignante et une sincérité bouleversante.
Photo: Sarah Rudge
