Est-ce qu’aller voir un concert de rock un Vendredi Saint c’est pécher ? Si oui, hail Satan, parce que putain, ça en vaut la peine.
La soirée de pécheur.esses s’ouvre avec Kamikaze Girls, duo rock alternatif-fuzzy-noisy-riot grrrlesque anglais qui joue pour la première fois en Suisse romande – et, suissitude aidant, doit demander au public de s’avancer vers la scène, parce qu’on est une nation d’anxieux.ses qui laisse volontiers cinq mètres de vide devant la scène (mais qui obéit promptement, par contre).
La voix se perd dans le mix au début du set et pourtant, le groupe est captivant dès la première minute. Avec trois instruments, chant inclus, nulle part où se cacher : la rythmique et les textures sont suffisamment intéressants pour y pallier sans même que ce soit remarquable. ‘I Don’t Want to be Sad Forever’, qui clôture leur set, est une pépite absolue d’honnêteté émotionnelle – « I don’t want to be sad forever, but I know that I probably will be », un sentiment que les dépressif.ves qui me lisent ne connaissent certainement que trop bien.
Linda Livingstone, frontwoman extraordinaire, explique que le groupe avait prévu de faire le plus long hiatus depuis sa création afin de se ressourcer avant d’être contacté par The World Is A Beautiful Place, et s’est retrouvé à faire la meilleure tournée de sa carrière. Une décision rien de moins qu’évidente, tant les deux groupes se combinent et se complètent à la perfection.
Transition aisée pour TWIABP, donc, qui défend ce soir son dernier album, ‘Always Foreign’ (Epitaph, 2017), aussi politisé que ‘Seafoam’ de Kamikaze Girls est personnel. Groupe protéiforme, six personnes sont sur scène ce soir-là, et chacune d’entre elles irradie clairement la passion ; comme quoi, certain.es musicien.nes de métier savent conjuguer job et plaisir sans passer en mode pilote automatique. Comme sa première partie, TWIABP trouve son sens dans la communauté, et le partage est total et la pureté désarmante.
La setlist est parfaite et implacable, faisant se suivre I Can Be Afraid of Anything et Marine Tigers, gros sanglots garantis et pourtant, le show est placé sous le signe de l’espoir, se terminant sur Getting Sodas comme une réponse à I Don’t Want to be Sad Forever : « and when our voices fail us, we will find new way to sing / the world is a beautiful place but we have to make it that way. Whenever you find home, we’ll make it more than just a shelter, and if everyone belongs there, it will hold us all together. If you’re afraid to die, then so am I ».