L’affiche de la soirée à la Villa Tacchini concoctée par Antigel nous donnait l’eau à la bouche. The Veils, plutôt rare sur scène, emmené par son leader charismatique Finn Andrews était annoncé dans la salle du Petit-Lancy, précédé de Laure Betris, artiste fribourgeoise éclectique.
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Laure Betris est entrée tôt dans la musique, adolescente, au tournant du millenium. Après avoir notamment chanté et joué de la guitare dans le groupe Skirt, elle se lance en solo et emprunte le pseudonyme de Kassette. Elle sera notamment repérée sur Couleur 3 et se produira régulièrement en concert. Entre temps, elle reprendra son nom et forme depuis 2022 un duo original et attachant avec le batteur et chanteur Yann Hunziker. Puisant dans ses racines moyen-orientales et fribourgeoises, Laura Betris chante en araméen mais aussi en patois du Pays-d’Enhaut en plus d’une majorité de titres en français. A la Villa Tacchini, ce mélange de cultures riche et séduisant a plu au nombreux public qui pourra apprécier prochainement le duo en acoustique dans de petites salles en Romandie.
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Aussi à l’aise aux claviers qu’à la guitare électrique, acoustique et au chant, Finn Andrews est un artiste charismatique. Avec son timbre de voix entre Richard Ashcroft (The Verve) et Matt Berninger (The National), il incarne littéralement chaque titre, corps et âme. La setlist de ce soir fera la part belle au nouveau et délicat album (‘Asphodels’, V2 – 2025) mais ira également puiser des perles musicales dans les six albums précédents.
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C’est d’ailleurs avec quatre chansons du dernier opus que débute le concert des Anglo – Néo-Zélandais. L’aérien ‘Mortal Wound’ est une invitation à entrer dans l’univers du groupe, les notes de piano s’égrènent entre deux accords de violon, juste parfait. On poursuit dans l’intimité d’un songwriter à la Leonard Cohen, piano – chant et violon, sur ‘The Dream of Life’. L’intro en douceur de ‘The Ladder’ et ses belles harmonies vocales prennent leur envol avec le rythme discret de la batterie, emportant au passage les fans enchantés. Quant à ‘O Fortune Teller’, ce titre tout en retenue évoque la délicatesse de Tindersticks.
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Avec ‘Swimming With the Crocodiles’, on retrouve l’un des tubes du groupe, rythme chaloupé qui fait onduler la salle. Dans la foulée, le très beau ‘Birds’ nous envoûte avec sa mélodie simple et efficace, ses harmonies vocales et guitares aux tonalités 60’s. ‘Not Yet’, fiévreux, saccadé, révèle un Finn au chant torturé et très expressif – le parallèle avec Nick Cave saute aux yeux – avec le soutien du piano et du violon – impressionnant ! Le chanteur débute ‘Here Come the Dead’ comme un poème de Jim Morrison, halluciné, avant que la musique ne monte en puissance – on dirait vraiment les Bad Seeds ! – sur les paroles torturées de Finn et ne se brise en plein vol. La suite du concert alternera nouvelles pièces – plus éthérées et douces (‘Asphodels’, ‘Concrete After Rain’) – et classiques aux atmosphères contrastées (‘A Birthday Present’, ‘Rings of Saturn’, ‘No Limit of Stars’, ‘Sit Down by the Fire’), le singulier et fiévreux ‘Jesus for the Jugular’ baissant le rideau sur le set.
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Le premier rappel n’est autre qu’un petit chef-d’œuvre, ‘Lavinia’ (pas prévu sur la setlist), que Finn interprète seul à la guitare acoustique, joli cadeau pour le public de la Villa Tacchini. Deux autres titres suivront pour clore (hélas trop tôt) cette délicieuse soirée musicale.