Avec la Mersey River comme décor, The Mysterines n’aurait pas eu à rougir de jouer dans un registre pop à l’anglaise, héritage lumineux d’un fabuleux quartet bien connu dans la région. C’est pourtant un fleuve musical bien plus enlevé que la formation a décidé de parcourir, attaquant le courant à rebours à grands coups de riffs saturés. Se faisant connaître avec ‘Reeling’, un premier album dont l’urgence étouffante et les angoisses vécues à l’adolescence mettaient déjà l’auditeur à genou. Toute l’ossature post-grunge y était de ces guitares bétonnant frontalement la structure, à une rythmique effrénée et des mélodies sombres. Pourtant ce n’est pas dans cette facture relativement classique qu’il faut chercher la patte de la formation, mais bien dans la manière dont en puissance le timbre de la chanteuse Lia Metcalfe dessine les émotions, dont elle épouse les contours de la désillusion amoureuse, ou plus en nudité, dont elle s’inquiète de choix de vie hasardeux. Mieux, là où le quartet fonçait droit en avant fixé sur son flot puissant, presque sans se retourner, pour cette nouvelle livraison studio, il ose s’aventurer vers des berges plus reculées, parfois plus au calme, tout en affrontant les tourbillons déstabilisants avec une belle maîtrise. Et la voix de Mecalfe d’explorer plus avant les recoins de sa propre intimité et la fragilité des traumatismes. Moins franchement âpres, les onze titres se révèlent dans des silences, des espaces en suspens, des arrangements touffus, des ronronnements mais aussi des hurlements. La clef selon le groupe est à chercher dans ces lieux insolites qui ont vu naître les compositions, de la salle de bain à la campagne de la mère de la chanteuse, à une salle de répétition glacialement froide près des docks de Liverpool, en passant par une nuit de pleine lune dans une caravane perdue au milieu de nulle part. La beauté de l’énergie et l’intensité se révèle désormais pour The Mysterines tout en clair-obscur. [YP]
Note : 4/5
