DRF : pouvez-vous faire une rétrospective sur ces 20 dernières années ?
Niko : c’est, à la base, un groupe qu’on a créé comme beaucoup de gens pour déconner. En 97-98, on a décidé de passer le cap de faire ça professionnellement. En tout cas se dire, on plante tous nos études, nos boulots pour tenter le coup, partir à l’aventure et on verra bien le temps que ça va durer. Tous dans nos têtes, on se disait que ça allait durer 3-4 ans et après on aurait assez déconner et on serait tous reparti à prendre des petits boulots. Maintenant, on se retrouve 20 ans après la création de Tagada Jones avec un peu plus de 1600 concerts, on est en train de faire notre 8ème album studio… Je me demande même si le groupe a jamais été aussi en forme qu’aujourd’hui vu que le taux de remplissage des salles est hyper bon et les ventes ne se passent pas si mal… Donc on est content de la petite chose qu’on a construit de nos propres mains parce que c’est un groupe 100 % indépendant. Surtout quand on voit pas mal de confrères qui ont été signé sur des grosses boites et qui ont été lourdé comme des merdes pour des raisons de rentabilités ! Vu la musique alternative qu’on produit, ça n’intéresse pas les gens qui veulent faire de l’argent. Du coup, on s’est tous dit qu’on avait vu juste au départ car c’était une volonté de notre part de ne pas signer avec des boites, on veut tout faire tout seul même si c’est plus dur au moins on peut tout gérer de A à Z ! Ça a pris beaucoup plus de temps, c’est vrai qu’on a jamais eu des campagnes où on était présent dans tous les magasines, ni de pub TV mais au final on est toujours là, on a du monde aux concerts et on est bien content d’avoir cette carrière atypique.
DRF : atypique peut-être mais c’est une carrière type Old School ! Donc vous n’avez pas de regrets d’avoir procédé comme ça ?
Niko : ce qui est sûr c’est qu’on a fait un choix et on ne peut pas savoir comment ça se serait passé autrement mais au moins on a respecté nos idéaux et c’est surtout ça dont on est content.
DRF : comment voyez-vous les 20 prochaines années ?
Stef : ça continuera le plus longtemps possible j’espère et on verra bien ce qu’il se passera. Le jour où on aura de l’arthrite dans les doigts et qu’on ne sera plus capable de faire un accord, il sera peut-être temps d’arrêter.
Niko : on a l’exemple de pas mal de groupes qu’on côtoie et qui continuent à jouer : l’important ce n’est pas forcément l’âge c’est plutôt la petite flamme qui t’anime et qui te donne envie des donner tes tripes sur scène. On est tous un peu des enragés et ce n’est pas pour rien qu’on a choisit ce nom-là ! (cf Enragés Production) On a de l’énergie à revendre et chacun a sa formule secrète pour se défouler. Nous c’est la scène et maintenant, je n’aurais pas le groupe, je serais une vraie boule de nerfs et j’aurais besoin d’exploser de temps en temps. Ça permet d’extérioriser toute cette fureur qu’on peut emmagasiner avec cette vie de tous les jours qui oppresse tout le monde.
DRF : maintenant le plus important pour vous c’est quoi : sortir des albums, faire de la scène…
Niko : c’est la scène ! Sortir un disque, ça sert à faire de la scène ! Nous on n’a jamais voulu gagner de l’argent avec les disques. Faut faire des nouveaux morceaux, tu ne vas pas jouer 20 ans la même setlist ou alors tu t’arrêtes et tu te reformes tous les 5 ans. Nous, on continue à avoir la vie d’un vrai groupe c’est-à-dire au bout d’un moment t’as envie de changer de morceaux donc tu crées des nouveaux morceaux et tu sors un disque.
DRF : aujourd’hui vous prenez toujours autant de plaisir qu’au premier jour ?
Stef : oui bien sûr ! Voire même plus quelque part, on ne va pas se considérer comme des gros professionnels, mais on est obligé d’être plus précis donc c’est un challenge de jouer. Aussi, les morceaux que Niko crée sont de plus en plus compliqués, plus durs à jouer.
Niko : je suis persuadé que le vrai plaisir, vu qu’on est un groupe de scène, c’est ce que rend le public. Quand tu as fait des tournées, quand tu as eu ce contact avec le public, je crois qu’aujourd’hui on le fait pour échanger avec le public.
DRF : quel est le meilleur souvenir de ces 20 dernières années ?
Niko : déjà ce n’est pas la tournée en Italie… (rires) C’est le truc le plus roots qu’on ait fait de notre vie ! Et on a commencé par les squats en France…
DRF : donc ça c’était le pire ! Et le meilleur ?
Niko : c’est pas facile parce qu’il y a plein de bons souvenirs. Je dirais que c’était la 1000ème parce c’est un moment marquant. Ce n’était pas un gros festival même si c’est sympa de jouer devant beaucoup de gens, mais vu qu’on aime l’échange avec le public, on adore jouer dans des endroits où on est proche des gens. Ce concert à Rennes, qui était notre 1000ème concert, on a invité tous les potes, c’était une grosse fiesta. Ça a marqué tout le monde, même les groupes qu’on a invité nous en reparlent souvent.
DRF : pourquoi Seb a-t-il décidé de partir ?
Niko : il l’explique dans le dvd, en plus ce n’est pas quelqu’un qui est du genre à aller vers les caméras, mais c’est un peu comme notre ancien batteur : les gens décident de changer de vie, de poser leurs valises. On est souvent sur les routes, quand on rentre de tournée on est crevé… on a une vie qui est complètement déphasée avec la vie normale. Il a eu envie de goûter à la vie normale.
DRF : comment s’est passé le recrutement de Waner ?
Niko : on l’a trouvé dans les chiottes en train de dégueuler..
Stef : on savait que c’était un alcoolo donc on s’est dit que ça allait le faire avec nous…
Niko : on se connaissait depuis longtemps parce qu’il jouait dans des groupes qu’on a côtoyé et surtout, il joue avec Job depuis qu’ils sont tout petits. Ils ont commencé à jouer ensemble à la marelle et après ils ont fait de la zic. Le côté humain est important dans le groupe et c’est compliqué d’avoir une nouvelle personne (que tu ne connais pas) et de te dire : « maintenant c’est mon pote ! ». Donc avec Waner, il n’y a pas cette phase de transition vu qu’on se connaît depuis longtemps.
Waner : on avait fait quelques dates ensembles, je jouait dans un groupe qui s’appelait Névrotic Explosion avec Job notamment et on avait partagé quelques scènes avec Tagada. On avait aussi sorti un disque sur Enragés Prod et donc on avait commencé à se connaître à ce moment-là.
DRF : Votre cd/dvd vous en êtes satisfait ?
Niko : oui ! Ce qui est vraiment intéressant c’est cette personne (Papy) qui avait énormément d’archives sur nous parce qu’il est venu avec nous sur pleins de tournées. On a été chez lui pour l’aider au montage et on s’est rendu compte qu’on pouvait faire dire tout et son contraire à des images. Selon la partie que tu choisis et comment tu les montes, tu peux faire dire n’importe quoi ! C’est vrai qu’il y a eu cette position de savoir ce que l’on veut montrer pendant 1h30. Il avait commencé et il y avait, même en raccourcissant, 5 ou 6 reportages de 1h à 1h30 chacun. La prise de position a été de dire on essaie de se montrer le plus naturellement possible. Souvent quand on regarde les dvd des groupes, on a vraiment la sensation qu’il y a un truc un peu tronqué. Ils ne montrent que les plus belles choses alors qu’il y a de tout dans la vie d’un groupe. Je trouve que ce n’est pas la peine de montrer une image idéalisée alors que la réalité est différente. On s’est dit que la réaction de la presse allait être marrante du coup vu qu’il y a un côté un peu authentique à la strip-tease. Mais non, pour l’instant on a que des retours positifs.
DRF : Pascal Obispo fête aussi ses 20 ans de carrière, est-ce que vous envisagez quelque chose ?
Stef : faudra lui demander s’il veut bien faire notre première partie !
Niko : non en fait ce n’est pas au programme du jour de faire un truc avec Pascal Obispo quoique on ne le connaît pas. Il y a des gens qu’on croise donc on sait à peu près s’ils sont sympas ou cons parce que ce n’est pas parce qu’ils sont connus qu’ils sont soit l’un soit l’autre mais lui on ne l’a jamais croisé donc on ne sait pas.