Ce qui devait arriver arriva. Sol détrempé, véhicules remorqués à l’aide de tracteurs, boue gluante : un jour de festival sous la pluie en somme. Mais cela n’altère quasiment pas notre bonne humeur. L’affiche est bonne, la vibe aussi !
Encore des Suisses en ouverture !
Donner sa chance aux groupes du pays (4 groupes suisses cette année), ça le festival sait faire ! Qu’il en soit remercié chaleureusement. Infinitas ouvre donc les hostilités en ce dernier jour de festival. Originaire de la région de Lucerne, leur univers se veut à tendances celtiques. Une musique qui invite à la poésie et à l’enchantement. Sans en faire un plagiat, on se rend compte de l’influence d’Eluveitie dans leur musique. Le trop bref concert des Lucernois nous donne clairement envie de les revoir sur les planches.
Pour les avoir vu la première fois au Port Franc de Sion, je me réjouissais de la prestation de Dymytry. Originaire de Prague, le quintet masqué se veut mélodique et groovy. Grâce à l’interaction permanente du frontman avec son public, la mayonnaise prend immédiatement. Après un Revolt (2022) très bien accueilli par la critique, les cinq hommes de nature joviale sortent Five Angry Men (2023) reçu lui aussi très positivement. Le band le défend corps et âme depuis avec efficacité. Comme on dit, ça tourne ! Tout comme le guitariste s’amusant à faire la roue avec la guitare !
Persévérance, motivation et talent. Trois mots qui résument à mon sens très bien le groupe Illumishade. Un nom qui à coup sûr se retrouvera sur les hauts des affiches internationales. Il y a une année en arrière, Fabienne Erni et ses musiciens signaient chez Napalm Record et sortaient dans la foulée leur album Another Side of You. Quel magnifique concert disons-le d’entrée ! Le quintet varie à merveille les ambiances, tantôt énervées, tantôt plus intimistes et mélodiques. Se mettant le public dans la poche avec quelques mots de français, Fabienne est une chanteuse à la tessiture vocale très large. Elle n’hésite pas à tirer dans les aigus avec panache et justesse. La vraie complicité entre les amis de la Swiss art school que l’on observe sur scène se veut contagieuse. On rentre dans leur concert pour devoir en ressortir bien trop tôt. Merveilleux son, merveilleux univers, merveilleux musiciens. What else ?
En ce dimanche ensoleillé, mais très pluvieux, rien de mieux que de pogoter sur du folk metal. Comme le sol est sec, mais boueux, il est de bon ton de sauter ou d’organiser un ‘circle pit’. Qui de mieux que les Italiens de Elvenking et les Allemands de Dartagnan pour de telles festivités ? Des shows ultra festifs et drôles, des hymnes rassembleurs et des musiciens de haut vol ne se prenant jamais au sérieux, c’est pile-poil ce qu’il nous faut. Il y a une vraie communité pour ce type de metal et l’affluence devant la scène des aficionados du genre, défiant les éléments le prouve. Prendre un bain debout, c’est fait !
Du folk oui, mais pas que !
Havok. Si ce nom nous vous ‘hévok’ rien, c’est bien dommage. Pour ma part, c’est la première fois que je les voyais sur scène, et ce fût une des claques du dimanche en plus de celles des gouttes de pluie. Les natifs de Denver n’ont pas une monstre discographie à leur actif, mais elle demeure d’une qualité certaine. La précision horlogère des musiciens contribue au set très fluide qu’ils nous offrent. La mise en son est agréable et très équilibrée. Chose rare, la basse est fort heureusement bien en avant dans le mix. L’intenable Brandon Bruce fait des prouesses avec cette dernière. L’un des rares à jouer aux doigts en se permettant des passages en ‘slap’, chose pas très courante dans notre style de musique favori. Il s’est même dit que d’aller faire une balade sur l’autre scène en préparation était une bonne idée. Pour moi un des meilleurs concerts du week-end !
En cette journée, les fleurons du trash allemands sont à l’honneur. On dira que Rock The Lakes nous offre aujourd’hui la moitié du Big four germanique du style. Sodom, qui n’a d’originel plus que Tom Angelripper, fait ce qu’il sait faire de mieux. Un trash explosif et bruyant qui ne laisse la place à aucune nuance. Le concert tout en brutalité des Allemands me laisse un peu dubitatif. L’impression d’avoir droit au même morceau pendant cinquante minutes domine. Je ne sais pas si celui-ci est englué dans le terrain, mais le public peine à décoller et à répondre à la déferlante de décibels du groupe.
Tempos soutenus et refrains à reprendre en chœur. C’est la recette du power metal en général, mais surtout celle de Dragonforce. Des dragons ainsi que des jeux électroniques en décor de scène et c’est parti. Aucune surprise de la part des Anglais. Le toujours très démonstratif Herman Li fait le show en nous faisant étalage de sa technique et de sa virtuosité. Ce dernier s’exprime dans un très bon français pour nous remercier de notre présence. Mais c’est aussi dans la langue de Molière qu’il exprimera son petit mécontentement d’avoir un line check qui se fait entendre sur la scène parallèle. La sauce prend et le public, si trempe soit-il, répond présent. La reprise de My heart will go on (Céline Dion) fait toujours son petit effet tant celle-ci est improbable. Avec cette reprise, jouer sur la Iceberg stage aurait pu couler le groupe !
La Scandinavie était en force les jours précédents, mais ce dernier jour de festival, c’est décidément l’Allemagne qui s’invite à Cudrefin. Axel Rudi Pell est sur la place ! Actif depuis la fin des années 80’, le sexagénaire n’a plus besoin d’être présenté. Il s’agira du set le plus typé hard-rock du week-end et cela a aussi fait du bien.
Jinjer, fuck the war !
Tatiana, tout de rouge vêtu est prête à en découdre ! Hormis cette chanteuse de haut niveau au charisme indescriptible, Jinjer, c’est aussi des musiciens de classe mondiale. Leur metal prog’ fait des merveilles grâce à son énorme complexité. Alors c’est certain qu’il est hasardeux de taper du pied ou de pogoter, ceci est dû au fait qu’une écoute attentive et concentrée est presque de rigueur. Le quatuor nous offre les nouveautés que sont Someone’s Daughter et Fast Draw. Toujours tout en technique et musicalité le groupe joue super bien et sublime une Tatiana très en forme vocalement malgré cette fin de tournée estivale. Pisces et Perennial sont interprétés avec maestro et restent un peu les titres phares du combo en live. On sort de ce concert avec la banane ! Jinjer, en guerre, mais pas contre tout, surtout pas la bonne musique.
Kreator suivra, mais je ne les verrais pas malheureusement. Mais je suppose que ce concert de clôture a tenu ses promesses.
Daniel Botteron, ce héros !
Un immense merci et une profonde admiration pour ce que les équipes du festival ont réalisé ce week-end. Mes coups de cœur du week-end sont Havok, Dartagnan, Behemot, Dymytry, Illumishade, Amorphis et Kassoghta. Mais la gorge nouée, je l’ai réservée pour le Président Daniel Botteron. Son intervention sur scène le samedi m’a touché, et probablement pas que moi ! Par ses mots simples transpirants de franchise et de passion, il remercia avec émotion Florian Etter, l’agriculteur qui mit à disposition son terrain. Les quelque 500 bénévoles ont reçu eux aussi ses remerciements appuyés. Un directeur de festival humain, pour un festival à taille humaine. Ces deux conditions vitales permettent cette fantastique réussite ! Bravo Daniel, bravo le comité, bravo les bénévoles ! On prend déjà rendez-vous pour le 15-16 et 17 août 2025 !
Texte : Pierric Dayer
Photos : Michela Liberale