Vous connaissez probablement ce nom depuis le dernier concours de l’Eurovision, mais Lord of The Lost sillonnent les routes de l’Europe depuis de nombreuses années et fêteront même leurs quinze années d’existence dans les prochains mois. Rencontre avec Chris Harms et Pi Stoffers respectivement chanteur et guitariste de Lord of The Lost.
Vous avez été révélé au grand public il y a quelques mois mais vous n’êtes pas vraiment un tout nouveau groupe. Vous existez depuis combien de temps ?
Nous existons depuis quasiment 15 ans maintenant. Enfin, je veux dire qu’on a tous presque 21 ans bien sûr… (rires)
Après tout ce temps, qu’est-ce que ça fait de jouer dans un festival aussi grand que le Hellfest ?
Je peux vraiment dire que le Hellfest c’est genre LE festival à mettre sur sa ‘To do list’. Quand tu es un musicien et que tu fais de la musique alternative comme le metal, c’est vraiment le festival ou tu dois jouer une fois dans ta vie ! A vrai dire, pour Lord of The Lost c’est la toute première fois ici cette année. Le Hellfest, le Download, ou encore le Rock am Ring il y a tous ces festivals où tu dois jouer en tant que groupe de rock. Et pour nous, c’est enfin notre tour de jouer au Hellfest !
Qu’est-ce que vous pensez de ces énormes festivals ? C’est vraiment un plaisir d’y jouer ? Et comment on se prépare, comment on choisit sa set-list ?
En fait, nous ne changeons pas vraiment notre set-list pour les festivals. Et non ce n’est pas vraiment différent de jouer sur un tel festival ou dans une plus petite salle.
Concernant la setlist, ce n’est pas vraiment différent à chaque concert, seul le temps imparti change. Du coup, nous avons une grande setlist d’environ 100 minutes, et si le concert doit durer moins longtemps alors on enlève telle ou telle chanson. En définitive, on ne change pas vraiment nos concerts, car nos chansons sont toutes importantes, mais on joue tellement de shows différents donc nous, mais aussi le public, devons nous adapter et accepter les différences. C’est aussi pour cela que nous sommes ici : pour notre façon positive de voir les choses.
J’aime également beaucoup les gros festivals aussi donc cela ne fait aucune différence pour nous. La seule chose que nous ne faisons pas en festival à contrario des concerts en tête d’affiche, c’est de faire des pauses entre les chansons, d’interagir avec le public. Là c’est vraiment du non-stop.
Du coup, avec tous ces facteurs, est-ce que c’est plus dur physiquement de jouer dans des festivals ? Cela vous demande-t-il plus d’énergie ?
Je dirai que l’énergie est la même. L’énergie ce n’est pas un problème pour nous. C’est un vrai challenge de balancer 100 minutes de totale énergie. Mais tout cela dépend aussi du public. Si tu joues dans un festival où tout le monde te connais, évidemment c’est plus facile d’avoir le public dans ta poche. Parfois, comme l’autre jour où nous avons ouvert pour le concert d’Iron Maiden en Finlande, première fois comme première partie dans ce pays, le public ne nous connaissait pas vraiment. Les premières minutes étaient un peu glaciales donc ça a demandé plus d’énergie pour convaincre l’auditoire. Il y des pays comme la France où nous sommes moins connus qu’en Allemagne donc ça peut être des concerts totalement différents d’un pays à l’autre, d’une salle à l’autre. Ici, au Hellfest, ce n’est pas que personne ne nous connait mais ça va être entre deux donc on verra bien.
Je pense quand même que, depuis quelques semaines, énormément de gens vous connaissent non ?
Oui mais probablement que nous ne faisons pas l’unanimité chez tous les gens. Mais effectivement beaucoup plus de gens nous connaissent. Ça serait d’ailleurs intéressant d’avoir le ressenti des gens ici. Enfin on verra lors de notre concert ce soir au Hellfest.
Alors du coup, parlons-en : comment a été cette expérience de l’Eurovision ? Et après coup, quelles ont été les critiques : plutôt bonnes ou plutôt mauvaises ?
Formidable, incroyable, j’ai adoré cette expérience !
Concernant les critiques, pour moi tout dépend de qui les donne. C’est comme pour tout des bonnes et des mauvaises choses. Des avis plutôt cools en général d’ailleurs, surtout de la scène metal où beaucoup d’artistes sont venus nous voir pour nous remercier d’avoir été des ambassadeurs, d’avoir porté notre voix à tous en faisant ce show. Et puis, évidemment, on a reçu pas mal de mauvaises remarques notamment de la part des partis politiques de droite en Allemagne car nous avons refusé de brandir le drapeau allemand à l’Eurovision. Nous pensons que nous faisons cela pour la musique avant tout et pas pour notre pays spécifiquement. En tant qu’allemands, nous ne pensons pas que ce soit particulièrement bien ou important d’agiter notre drapeau. A cause de cela, on nous a matraqués que nous n’étions pas fiers d’être allemand ou que nous n’étions pas respectueux. Les partis de droite nous ont même taxé de traitres à nos racines allemandes. Mais de telles critiques ne nous touchent pas en réalité. Quoi qu’il en soit les gens critiqueront toujours quoi que nous fassions et je ne changerai pas pour inverser la donne. Certains disent qu’on a l’air trop gays, d’autres qu’on préfère le drapeau arc-en-ciel au drapeau de notre pays etc. Tout ça c’est de la connerie et du blabla.
Mais, vraiment, nous avons surtout eu de bonnes critiques et beaucoup nous disent que le show a été incroyable, positif et plein d’énergie. Et c’est ce résultat qui compte vraiment. Le reste ça vient en dernier. Tu sais, directement après notre résultat j’ai parlé avec Steve Harris d’Iron Maiden et il m’a dit : ‘Tu sais mec, c’est la meilleure chose qui pouvait vous arriver. Que tu sois premier ou dernier, au moins les gens se souviendront de toi !
Pouvez-vous nous parler un peu du nouvel album ‘Blood and Glitter’ ? Comment il est né, comment vous avez choisi les chansons ?
Au début, on pensait qu’il était beaucoup trop tôt pour donner un successeur à ‘Judas’ qui était sorti seulement en 2021. Mais il faut se dire, qu’avec la pandémie, tout ce temps passé à la maison à créer, nous avons pensé qu’il serait bien d’utiliser ce que nous avions produit au lieu d’attendre gentillement la grosse tournée ‘Judas’. Tu sais, ‘Judas’ est un album assez long, lourd, avec des chansons très sérieuses donc on n’avait pas envie d’attendre encore deux années, de sortir d’une tournée assez sérieuse et dark pour sortir quelque chose de plus positif. On voulait revenir plus vite avec quelque chose de plus fun, plus énergique, donc on a écrit ‘Blood and Glitter’, un album qu’on pourrait jouer en live, un album crée comme une setlist de concert. On avait envie d’un album où on pourrait injecter toute notre énergie live. C’était plutôt cela l’idée. Et je pense vraiment que c’était une super idée surtout après une pandémie, où on avait tous besoin de positivité et d’énergie.
Et du coup, avez-vous déjà des choses de prêtes pour un futur album ?
Oui et non. En fait je dirai que c’est le bon timing pour parler de cela car nous allons sortir un album à la fin de cette année. Pas un album avec nos propres compos mais un album de reprises. C’est une demande de nos fans depuis longtemps car ils adorent nos reprises, comme celle de Lady Gaga par exemple. On a fait cela aussi car il est trop tôt pour un nouvel album. ‘Blood and Glitter’ est pour nous un gros morceau, un album important. Entre ‘Judas’ et ‘Blood and Glitter’ ça a été assez court en fait, et nous avons vraiment besoin de temps pour faire quelque chose de nouveau. Après ‘Blood and Glitter’ ce sera encore différent, ce sera plus dark, vraiment un autre registre et nous avons envie de passer l’année à venir à composer nos chansons. On va donc sortir cet album de reprises à la fin de l’année pour que beaucoup de gens soient satisfaits et nous aurons alors du temps pour se focaliser sur quelque chose de nouveau et de beau. Nous avons besoin de finir ce qu’il y a à finir avec ‘Blood and Glitter’ maintenant car beaucoup de choses se sont passés pour nous ces derniers temps comme nous l’avons dit. Cette année, il y a eu l’Eurovision, une grosse tournée donc pas mal de choses à faire. On va alors seulement commencer à composer à la fin de l’année. Et, en fait, on ne force pas les choses : quand l’idée vient elle vient. On fait ça à notre rythme même si, bien sûr, on va aussi se poser quelques semaines début 2024 tous ensemble pour écrire. Après on verra pour la production aux alentours de l’automne, et surement du nouveau début 2025. On a vraiment besoin de ce laps de temps pour tout peaufiner. Je pense que le public sera satisfait de l’album de reprises d’ici là et puis il y aura une tournée pour nos 15 ans de carrière l’année prochaine. Ce n’est pas de la nouveauté en 2024 mais nous ne voulons pas trop en faire au risque de faire toujours la même chose, même si ça fonctionne très bien pour de très bons groupes.
Dans tous vos albums vous avez vraiment des styles très différents. Du coup on parvient difficilement à cerner vos influences, Vous pouvez nous éclairer à ce sujet ?
En fait, nous n’avons pas vraiment d’influences. Je pense que quand tu revendiques vraiment une influence genre ‘Eh les gars, j’écoute beaucoup de Slipknot, j’essaye de sonner comme eux’ ce n’est pas une bonne chose. Je pense que tu peux vite en devenir agaçant. Notre influence en fait, n’est pas vraiment musicale. Pour ‘Blood and Glitter’ c’était un livre de photos du photographe anglais Mick Rock. C’est un recueil de photos qui s’intitule ‘Blood and Glitter’ et qui a pour sujet le Glam Rock au début des années 70 en Angleterre. C’est un autre genre d’inspiration. En fait, nous n’avons surtout pas besoin d’écouter toutes sortes de musique pour parvenir à créer la nôtre. C’est vraiment quelque chose qui vient du plus profond de nous et je suis fier de cela. Bien sûr nous ne pouvons pas nier qu’écouter de la musique change ta créativité ou ta façon de voir les choses. Tu vois, l’autre fois j’étais assis backstage pendant le set d’Hollywood Undead et je suis sûr que quelque chose s’est passé dans mon cerveau à ce moment-là. Je ne me suis pas dit sur le moment que quelque chose se passait c’est plutôt inconscient, et je pense que c’est comme cela que ça fonctionne. C’est un peu comme si tu mangeais des pizzas tous les jours pendant une semaine. A un moment tu sens que tu as besoin de manger quelque chose de différent. Tu ne l’exprimes pas mais tu le ressens. C’est vraiment plus un ressenti qu’une vraie décision.
Vous n’avez pas peur quand même que vos fans perdent le fil avec tous ces changements de style ?
La plupart de nos fans adhérent totalement à ces changements. Je veux dire que si tu n’aimes pas ‘Blood and Glitter’ et bien tu aimeras le prochain album. Les fans se retrouvent toujours sur tel ou tel album. Du fait qu’ils sont différents, ils trouvent quelque chose qu’ils aiment à un moment donné. Si tu n’aimes pas ‘Blood and Glitter’ tu aimeras surement ‘Judas’. Nous n’avons pas peur de perdre des fans en route parce que nous, en tant que groupe, restons toujours vrais et les gens aiment cette authenticité. Si nous faisons ces albums, cette musique c’est que nous y croyions et que nous l’aimons.
Nous ne serions pas assis ici, au Hellfest, nous n’aurions pas la possibilité de composer encore et encore des albums si le public n’aimait pas cette façon de changer de styles. Bien sûr qu’il y aura toujours des gens qui te dirons qu’ils n’aiment pas telle ou telle chanson mais nous ne pouvons pas toujours faire en sorte que ça plaise à tout le monde, et se plier aux exigences du public. Nous ne serions pas heureux si nous options pour cette optique, ce qui impliquerait même qu’on ne nous reverrait surement pas au Hellfest. On ne peut pas faire éternellement le même album, même si je connais des groupes au succès retentissant qui le font. Nous, nous avons besoin de changements, tu sais que si tu y regardes bien, un artiste comme David Bowie par exemple a lui aussi fait des albums très différents les uns des autres et c’était toujours incroyable. Je n’aime pas tous ses albums mais si je n’en aime pas un, j’aime le suivant.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos futurs projets ? Avez-vous déjà une tournée de programmée l’année prochaine ?
L’année prochaine nous avons une tournée programmée pour les 15 ans du groupe, où nous joueront d’ailleurs en France. Ça marche déjà super bien avec la vente des tickets et nous avons même été obligés de changer des salles pour des endroits plus grands. Nous aurons probablement deux premières parties, différentes selon l’endroit où nous jouerons mais rien n’est encore vraiment défini. On prend notre temps.
Est-ce que tu connais des groupes suisses comme Kassogtha par exemple ?
Pour être honnête, je n’écoute pas du tout de metal donc je ne connais pas vraiment les groupes. Je suis plus pop-music ou musique classique. Si j’écoute du metal, c’est vraiment les groupes que j’écoutais il y a plus de 20 ans comme mon groupe préféré à l’époque : Slipknot. J’aimais beaucoup écouter aussi Papa Roach, mais aujourd’hui le metal ne m’attire plus.
En 2023 mon groupe favori reste encore et toujours Roxette ou pour parler de groupes allemands alors Die Arzte.
La dernière question c’est une question surprise de ma liste. Vous devez juste choisir un chiffre entre 1 et 12.
5
5 : Si vous deviez choisir une seule chanson de votre répertoire, quelle serait-elle ?
Comme nous l’avons dit nous changeons pas mal de styles au fur et à mesure de nos albums donc c’est difficile d’en choisir une seule car elles sont toutes tellement différentes… Mais, je dirais quand même ‘Blood and Glitter’ que nous considérons un peu comme notre carte de visite. Si tu l’écoutes, tu comprendras surement 90% de qui nous sommes vraiment. Cette chanson a tellement d’aspects différents déjà rien que dans la voix. Je pense donc que c’est une très bonne chanson pour pouvoir dire à quelqu’un : ‘ écoute ça et tu auras compris une bonne part de qui est Lord of The Lost.’
Une belle rencontre avec ce groupe au succès grandissant. La prestation au Hellfest a été plus qu’à la hauteur et le public en a même redemandé. Nous avons bien évidemment hâte de retrouver Lord of The Lost en tournée en France, en Suisse ou ailleurs !
[Marjorie D.]
Photos @CFK Photographies
www.lordofthelost.de