L’été nous a amené son lot de groupes brésiliens et la claque de l’été nous est venue de Questions. Une rencontre avec un groupe de Hardcore qui compte tout de même 15 années au compteur. Retour sur leur parcours avec le petit frère de Dwayne Johnson et ce une fois de plus grâce à olivier qui a permis la traduction.
DRF: Ma première question portera sur votre nom . Pourquoi le choix de ce nom de groupe «Questions»?
Pablo: Nous voulions un nom qui représente ce que nous pensons de la vie. La chose la plus importante pour nous, c’est que nous ne voulons pas croire simplement ce que les médias et les gens nous présentent de la réalité. Tu dois toujours chercher plus loin, tu dois te poser des questions. Cela représente bien notre état d’esprit d’où le nom du groupe «Questions».
DRF: Quinze années de carrière, cinq albums : quelle évolution voyez-vous dans votre musique entre «Resista» et «Pushed Out … Of Society» ?
Pablo: Avec le premier album, nous voulions explorer différents genres entre le HxC, le Metal & le Punk, nous cherchions notre personnalité et depuis le troisième album, je crois que nous avons vraiment trouvé notre identité musicale. Notre idée est toujours la même, écrire des morceaux simples, francs, parfois très rapides, parfois plus groovy et même sur les morceaux rapides, on essaie d’avoir ce côté groovy. On vient du Brésil et, sans incorporer d’éléments typiques de la musique brésilienne, nous avons une certaine façon de jouer de la batterie, de la guitare et cela nous permet de trouver une identité bien particulière. Je pense que nous allons dans la bonne direction et je suis très fier des choix musicaux que nous avons fait depuis 15 ans.
DRF: Pushed out Of Society est sorti le mois dernier comment avez-vous pensé l’écriture de ce disque ? Quelle a été l’inspiration majeure ?
Pablo: L’idée principale pour «Pushed out… Of society» est que nous n’appartenons pas à la société dite normale. Dans cette société, tu dois aller au travail, ne pas te poser de questions, gagner de l’argent, faire de l’argent, encore plus d’argent, toujours plus d’argent, acheter la nouvelle voiture, la nouvelle TV, le meilleur des nouvelles technologies… Et nous, nous ne nous sentons pas du tout concernés par ce mode de vie. Nous voulons vivre pour connaitre des expériences enrichissantes humainement, être capables de voyager, jouer notre musique, rencontrer des gens de tous horizons. On a vraiment l’impression de ne pas faire partie de cette société comme si nous étions poussés en dehors. Pour les influences, cela reste toujours les vieux groupes de Thrash que nous écoutions dès nos débuts comme Sepultura, Ratos de Porão, du crossover, du HxC style Minor Threat ou des groupes comme Napalm Death, nous avons de nombreuses influences. Nous essayons de nous forger notre propre identité au milieu de tout ça.
DRF: J’ai été surpris de voir autant d’invités sur votre album. Matt Henderson, Iggor Cavalera, Andrew Kline, Nick Jett… Peux-tu nous expliquer comment cela s’est fait ?
Pablo: Oh oui, tous ces mecs sont très importants pour nous, chacun d’entre eux. Iggor, au début, nous étions juste des fans, nous allions voir les différents concerts de Sepultura au Brésil, notre batteur les a vu pour la première fois en 1987, ce qui fait presque 30 ans, c’est fou quand on y pense. Après avoir démarré Questions, nous avons voulu lui faire écouter notre première démo, il nous a aidé immédiatement et nous sommes devenus des amis très proches. Naturellement, quand nous avons décidé d’enregistrer le classique de Sepultura «Troops of Doom», nous avons pensé à lui. Il habitait à São Paulo à ce moment là, on l’a invité, il a accepté et pour nous c’était vraiment énorme de l’avoir sur notre album. Pour les autres, Andrew (Kline) & Nick (Jett), ils sont venus à São Paulo pour travailler sur l’enregistrement de l’album de Strife (Witness a rebirth) avec Iggor. Ils trainaient dans la ville, ils cherchaient à se faire des amis ici et là, ils voulaient profiter de leur séjour. Nous leur avons dit que nous étions en studio et qu’ils étaient les bienvenus. Ils ont accepté l’invitation, nous avons alors peaufiné certains morceaux ensemble et c’est ainsi qu’il y a quelques riffs de Andrew et des idées de Nick sur «Pushed out… Of society».
Pour Matt Henderson, nous avions une chanson incomplète et quelques riffs, nous l’avons contacté en lui expliquant que nous étions fans de son travail avec Madball et Agnostic Front et que nous aimerions qu’il nous aide un peu sur ce morceau. Il a été très cool, il nous a demandé de lui laisser deux semaines pour voir ce qu’il pouvait nous apporter et c’est grâce à ses idées que nous avons achevé le morceau.
Il y a aussi un guest brésilien sur cet album, Rodrigo Lima qui joue dans le groupe Dead Fish (Note d’olivier : excellent groupe de hardcore mélodique / Punkrock au passage, http://www.deadfishoficial.com/ ), il a écrit les paroles et chante sur un morceau.
DRF: La semaine dernière, à Montpellier, vous avez partagé la scène avec Ratos de Porão. Ils nous disaient qu’ils s’occupaient eux–mêmes de la mise en place de leur tournée. Vous employez le même procédé ou quelqu’un gère tout ça pour vous ?
Pablo: Non, nous faisons tout seuls, pas d’agence ou de tourneur, Questions est un groupe totalement D.I.Y., nous nous occupons de tout de A à Z. Evidemment, nous avons quelques amis, ici et là, qui peuvent nous aider. Pour nous, c’est naturel de fonctionner comme ça, nous sommes sûrs d’avoir le contrôle sur les événements. Pour cette tournée, Helio notre bassiste a booké 90 % des 32 dates et je me suis occupé du reste, c’est super pour un groupe brésilien de pouvoir venir en Europe et d’avoir autant de shows.
DRF: En 2001, vous avez sorti un DVD sur la scène Hardcore de São Paulo, est-ce que vous avez imaginé ce documentaire comme le célèbre «N.Y.H.C.» (1999) ? Est-ce que l’on peut toujours trouver ce documentaire aujourd’hui ? Y-a-t-il une version DVD ?
Pablo: Non il n’y a pas de version DVD, il y a juste eu une sortie en VHS en 2001. En effet, le documentaire «N.Y.H.C.» a été une grande inspiration à l’époque. C’était au début du groupe Questions, on voulait expliquer que l’on faisait partie de quelque chose d’important qui se passait à São Paulo. On voulait montrer au Monde ce qui était en train de naître au Brésil à cette époque. Mais malheureusement, le documentaire n’est jamais sorti en DVD. Peut être un jour, qui sait ? Le documentaire est sur Youtube, tout le monde peut le voir gratuitement ( https://youtu.be/OW9PbKSsKjM ).
DRF: Je voudrais avoir une explication sur la fin du morceau «Out of society», vous utilisez quelques secondes du film «La Haine» à cette occasion.C’est un film très important en France qui a marqué son époque, pourquoi avoir choisi ce film particulièrement ?
Pablo: Parce que l’on aime ce film tout simplement. Nous nous sentons vraiment très proches de ce que vivent les héros du film. Des gens qui habitent dans une grande ville où il y a plein de choses intéressantes à faire mais comme ils vivent en banlieue, tout ça n’est pas pour eux. Ils n’ont pas l’argent suffisant, ils vivent au milieu de la pauvreté, de la violence, des trafics de drogues, des règlements de comptes. C’est la même situation à São Paulo. Quand nous avons enregistré le morceau «Out of society», nous voulions insérer un speech en rapport avec le thème du titre et c’est là que nous avons pensé au film «La haine».
DRF:Bon parlons un peu de votre pays maintenant. La semaine dernière, à Montpellier, pour vous présenter, vous nous avez lancé : «Nous sommes Questions de São Paulo, nous venons du pays de la corruption». L’an dernier, le Brésil a organisé la Coupe du Monde. L’an prochain, Rio de Janeiro va accueillir les J.O. D’après vous, ces événements ont-ils quelques effets positifs sur la vie quotidienne du peuple brésilien ? Est-ce que cela change quelque chose ou est-ce simplement un énorme gaspillage d’argent ?
Pablo : Malheureusement, c’est un énorme gaspillage d’argent. Ça n’a rien changé dans le pays. Le plus triste pour moi, c’est que c’était vraiment l’opportunité de réaliser des progrès pour la population. Pour le gouvernement et les grandes compagnies, la Coupe du Monde devait être une chance incroyable pour développer les infrastructures, les transports, le développement des villes concernées… C’est ce qu’ils nous ont dit mais, au final, c’est le contraire qui s’est produit. Ils ont expulsé des gens de leurs maisons pour construire des stades gigantesques dans des endroits où il n’y a même pas de foot professionnel comme à Manaus et qui ne serviront à rien après la Coupe du Monde. La façon dont la FIFA fait les choses, ce n’est pas étonnant de voir autant de leur membres avoir des ennuis avec la justice. Beaucoup de gens au Brésil étaient contre la façon dont l’organisation de la Coupe du Monde a été gérée par le gouvernement, les grandes compagnies, la FIFA. Malheureusement, la corruption semble faire partie de la culture du Brésil, il y a la Loi, bien sûr, mais il existe surtout les moyens pour contourner les lois, payer pour obtenir ce que l’on veut, c’est triste et nous devons le dire dans nos chansons car nous vivons cela tous les jours et nous aimerions pouvoir améliorer un petit peu la situation, à notre petit niveau. La corruption gangrène vraiment le Brésil et principalement les différents gouvernements, c’est une plaie pour notre pays.
DRF: On sait tous que le HxC ne permet pas de gagner sa vie. Au Brésil, êtes-vous obligés d’avoir un travail à côté de l’activité du groupe ?
Pablo: Oui, oui, tous les quatre nous avons un job au Brésil. L’argent ne vient pas de l’activité du groupe mais de nos emplois extérieurs. Si nous pouvions vivre uniquement des revenus du groupe ce serait bien mais ce n’est pas notre but ultime. Nous sommes arrivés à un point où nous pouvons tourner, enregistrer des disques sans perdre trop d’argent et cela nous convient très bien. On ne gagne pas d’argent grâce au groupe mais ce n’est pas le but que nous poursuivons avec Questions.
DRF: Dernière question, est-ce qu’il y a des groupes de Hardcore européens que vous appréciez ? Peux-tu nous citer quelques noms ?
Pablo : Il y a beaucoup de groupes européens que nous aimons bien sûr. Je ne suis pas très doué avec les noms mais je vais te donner quelques uns de ceux avec qui nous avons joué sur cette tournée et que nous avons apprécié : Omerta (Pologne), Iron to Gold (Pologne), United & Strong (Allemagne) et Burning Fight (Allemagne).
Merci à Olivier de ATW qui a permis l’interview, merci à Pablo d’avoir prit du temps pour répondre, merci à Olivier Briand pour la traduction.