Polly Jean Harvey aura encore une fois été sublime lors de son passage à la Place Bell de Laval le samedi 21 septembre 2024. L’endroit qui aurait pu sembler un peu grand pour la diva anglaise s’est avéré être rempli à pleine capacité d’un public connaisseur, respectueux et subjugué par la présence de l’artiste. Même si la proximité dans un aréna est tout autre comparativement à son dernier passage au Mtelus, la communion entre elle et son public fut sincère. Les grands esprits se sont rencontrés.
Celle qui chante depuis trente ans sa soif d’amour comme si elle n’y avait pas droit. Cet amour à jamais inatteignable qu’elle met en musique sur un ton de complainte, qui quémande et requémande, et espère sans jamais trouver, est le cœur d’une œuvre magistrale débutant en pleine période grunge et s’étirant jusqu’à nous aujourd’hui. PJ Harvey est à la fois fragile et solide comme le roc. Elle regarde droit dans les yeux, les bras ouverts en attendant d’être saisie, comme un oiseau en plein vol qui se fracasserait le nez sur la baie-vitrée. Elle projette tout de même cet aura d’hyper-confiance, d’assurance la plus totale dans son message, sa parure, son image. La mise en scène est calculée avec précision et enveloppe les chansons d’une modestie pure qui n’a nul besoin d’écrans géants, de lasers et d’explosions pour captiver. La scène est maquillée d’une petite table de cuisine et d’objets du quotidien comme si le spectateur devait assister à une performance dans un modeste appartement aux meubles victoriens. Les ombres des musiciens en arrière-plan rappellent aussitôt tous ces clichés des groupes psychés des années 60 avec le Velvet Underground en tête. La simplicité des décors et des éclairages a réussi à recréer une expérience de spectacle depuis longtemps écartée par les grandes stars internationales mais pourtant recherchée par les mélomanes en recherche du vrai.
Alors que la première partie est surtout consacrée aux plus récentes chansons de son répertoire, elle coupe le spectacle en deux en mettant en valeur ses musiciens, dont son fidèle acolyte John Parish, qui interpréteront une chanson sans sa présence. Plusieurs grands succès se feront entendre dans la deuxième partie, faisant lever le parterre d’un coup lorsque les premières notes des hymnes Down by the water, C’mon Billy, To bring you my love, pour ne nommer que celles-ci, se font entendre. Sans jamais passer proche de flancher, malgré la gymnastique vocale impressionnante sur plusieurs chansons qui passent souvent de très haut à très bas, sa voix fut puissante tout au long de la performance. Le spectateur a pu bien profiter de la grande richesse de ses mélodies et de la poésie de ses textes dans un cadre sobre et touchant. L’artiste est toujours dans une forme resplendissante et sa pertinence en 2024 n’est plus à démontrer, si jamais quelqu’un oserait en douter.