Le Schüür à Lucerne fait clairement partie de mes salles préférées de Suisse. Spacieuse et chaleureuse, elle a tout pour plaire. La salle, à l’étage, évoque un ʿchalet-indusʾ, avec poutres apparentes et tuyauterie. Le rez, avec ses bars indépendants, permet d’agréablement passer le temps entre deux concerts. Une petite cour intérieure fort bien aménagée permet de prendre l’air. Que vous ayez envie d’une petite partie de babyfoot, de vous agglutiner autour du feu de camp ou de boire un shot au bar dédié, vous y trouverez votre bonheur. Le décor est tout aussi soigné, avec des flight case en guise de sièges, des toms de batterie pour pots de fleurs et j’en passe. Bref, le Schüür a tout pour vous faire passer une bonne soirée, reste à voir si les groupes sont à la hauteur.
Arrivée lors du dernier morceau de Nothgard (Lucerne, ça reste loin), j’aurais bien du mal à en parler, mais l’ambiance est déjà bonne et le public présent en masse. Wolfheart ne se fait pas prier pour monter sur scène. Mené par l’increvable Tuomas Saukkonen, qui a sacrifié ses nombreux projets pour Wolfheart (Black Sun Aeon, Before the Dawn, etc), le groupe débarque avec l’intention d’en découdre. Saukkonen, pas dans le genre causant et à la carrure plutôt impressionnante, s’impose sur le devant de la scène, carré, puissant, effrayant presque. ʿEverlasting Fallʾ, titre éponyme de leur dernier album, ouvre la marche. Le groupe, alors uniquement éclairé par derrière, ne paraît que plus imposant. Le jeu de light tout au long du set restera relativement sobre, centré autour du trio gagnant bleu/blanc/vert, mais efficace. Le set se veut brutal et rapide, mais derrière ces avalanches de notes et de décibels, on reconnaît le talent de compositeur du multi-instrumentiste Tuomas Saukkonen, qui lâchera uniquement un ʿmerciʾ à la fin du set pour immédiatement débrancher sa guitare et sortir de scène. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le bonhomme une fois sorti de scène est loquace et sympathique, comme pourront en témoigner les fans qui l’ont rencontré par la suite au stand de merch.
Vient enfin le tour d’Omnium Gatherum. Sur les routes depuis septembre, d’abord aux US, puis en Europe, OG pose ses amplis à Lucerne pour l’avant-dernière date de cette longue tournée : assurément un test d’endurance. S’il y a une chose en revanche qui ne change pas entre toutes ces dates, c’est les chemises kitsch à souhait qu’ils portent systématiquement, estampillées du logo du groupe ! Bien heureusement, la qualité de leurs compositions nous les font bien vite oublier. OG entre sur scène au son de son titre d’intro du dernier opus, ʿThe Burningʾ, dont les lignes de guitare, perçantes, sont un véritable délice. J’aurais définitivement plané si le son, brouillon, n’avait pas gâché ce moment. Après cette intro aérienne, le set démarre sur les chapeaux de roue avec ʿGods Go Firstʾ. Tout le concept de ce dernier album (aka. ʿThe Burning Coldʾ) est contenu dans cet enchaînement : une intro planante, épique – cold – pour un morceau rapide, agressif – burning. La qualité du mix s’améliorera au cours du set, sans jamais toutefois laisser complètement transparaître la guitare de Markus Vanhala ou les clean vocals, dommage. Reste que j’ai rarement vu OG déployer une telle énergie ! Jukka Pelkonen est plus que généreux dans ses vocalises, au point de manquer de souffle. Généreux, aussi, dans ses sollicitations du public, presque incessantes et ennuyantes, à force. Je n’ai jamais été fan de ses « tics », mais si vous n’aimez pas être pris à parti pour lui claquer un fist bump, applaudir, ou donner du poing (en l’air, je précise), alors évitez les premiers rangs.
Au-delà de cette gestuelle particulière et du mix un peu brouillon, OG enchaîne les titres, aussi bons les uns que les autres. ʿThe Burning Coldʾ est évidemment mis à l’honneur et tient bien l’épreuve du live. L’excellent ʿBeyondʾ est également bien représenté, avec l’inégalable ʿThe Unknowingʾ, qui, avec son équilibre parfait entre les mélodies si marquantes du groupe et ses attributs plus ʿdeathʾ, est la meilleure illustration du son OG. Encore une fois, Omnium ce soir nous prouve qu’on peut tendre vers le prog sans que la technique ne dispute la mélodie et c’est un pur bonheur. Malgré les quelques points négatifs évoqués, je peux clairement avancer que c’était le meilleur concert d’Omnium qu’il m’ait été donné de voir (j’en suis pourtant à mon 8ème concert…), tant l’ambiance était excellente. Le groupe sur scène était généreux, solaire, le public le leur rendant bien. Peu de pogos, mais énormément de headbangue à la vieille école, bras-dessus bras-dessous. Tout le monde semblait être au diapason ! La soirée s’est conclue de façon fraternelle, avec l’ensemble des groupes présents autour du stand de merch. À mon sens, si Omnium a trouvé la recette pour produire avec consistance de bons albums, il leur reste encore une marge de progression en live, mais avec un tel dévouement, la chose ne devrait plus leur résister longtemps.