Après l’arrêt du Pully For Noise, rares sont les festivals romands à proposer une affiche pointue dédiée au rock indie. Pour sa huitième édition, les programmateurs du Nox Orae ont réussi la performance de convaincre Slowdive, l’étoile filante shoegaze de retour après avoir implosé dans l’anonymat il y a plus de vingt ans, mais aussi les frères Reid de The Jesus And Mary Chain, trop rares en Suisse eux aussi, de venir passer le dernier week-end du mois d’août 2017 avec nous. Comme quoi la rentrée cela peut aussi avoir du bon.
Dans le cadre idyllique du Jardin Roussy de la Tour-de-Peilz, cette première soirée du vendredi démarre sous un soleil bienvenu, après un mois d’août alternant canicule et déluge, avec le rock psyché barré de Service Fun. Ces quatre Romands se moquent bien des étiquettes et incorporent un peu de tout dans leur musique en mettant l’accent sur le côté festif. C’est forcément un peu brouillon, mais les 40 minutes qui leur ont été attribuées ont l’air d’avoir laissé une partie du public enthousiaste et c’est bien là le principal.
20h45, la luminosité commence à bien baisser et les choses sérieuses peuvent commencer avec les Américains de Foxygen. Le binôme a un son vraiment sympa et un style difficilement qualifiable lui-aussi, mais qui va bien avec la toute première partie. Sorte de mélange entre Andrew Eldricht millésime 1985 et Jarvis Cocker pour le look, le chanteur en fait des tonnes, se change entre les morceaux et menace même (gentiment) un spectateur après quelques morceaux déjà (« You dont wanna mess with me dude, seriously »). Avec un nouvel album sous le coude, ‘Hang’, sorti cette année, et une créativité bien nourrie, Foxygen a aisément de quoi remplir sa prestation. Accompagnés de 7 musiciens, le duo se démène pour attirer l’attention. La prestation est toutefois un peu en dents-de-scie avec certes des moments sympas, mais dans l’ensemble trop décousu.
Après ces deux mises en bouche, place à la tête d’affiche avec Slowdive. Belle prouesse que d’avoir convié les Anglais, qui est plus est en exclusivité suisse, pour cette première soirée. Il est rare qu’un groupe entier se reforme après un hiatus aussi long et encore plus qu’il arrive à proposer de nouvelles compositions 22 ans plus tard qui sont au moins aussi bonnes que celles qui ont fait sa gloire. Après un passage au festival de la Bâtie en 2014 peu après sa résurrection, Slowdive est de retour en terres romandes pour défendre son album éponyme sorti ce printemps.
Comme les deux concerts précédents, il y a un quart d’heure de retard, mais ce coup-ci la faute revient au feu d’artifice tiré sur le lac. Le set débute par ‘Slo-mo’, un des meilleurs morceaux du dernier album, puis un courageux saut dans le passé avec leur tout premier morceau, ‘Slowdive’ sorti en 1990. Les anglais n’ont pas peur des grands-écarts. Sur une scène sans artifices particuliers, noyés sous de faibles lumières bleues et rouges, les 5 musiciens déroulent leur setlist en échangeant quelques mots convenus entre les morceaux (« beautiful place! »)
Rachel Goswell a toujours cette voix qui vous enchante avant même qu’elle ne termine sa première ligne de chant et c’est un plaisir de la revoir sur scène après son passage l’an passé aux Docks lausannois avec Minor Victories.
Toujours avec un son parfaitement mixé qui permet de vraiment apprécier cette musique faites de plusieurs nappes superposées de mélodies éthérées, on reconnaît des titres plus anciens comme ‘Souvlaki Space Station’ et le superbe ‘When The Sun Hits’, ainsi que le récent ‘Sugar For The Pill’. Au fur et à mesure du concert, Slowdive confirme aisément que son album éponyme tient la comparaison avec les anciens titres.
Après un ‘Alison’ attendu, joué à trois guitares, on a droit à ‘No Longer Making Time’, puis un dernier morceau avec ‘Golden Hair’, une reprise de Syd Barret régulièrement jouée sur cette tournée estivale, qui termine le concert dans un déluge sonique et une purée de poids artificielle. Surprise, pas de rappel alors que cela était prévu sur la setlist. Dommage. Au final, 80 minutes d’un concert de grande qualité pour une sublime rêverie éveillé dans un cadre paradisiaque. Et plus incroyable encore, avec un public très respectueux tout au long de ces longs morceaux atmosphériques joués dans un open air. A titre personnel, j’aurai bien voulu entendre ‘Dagger’, extrait de ‘Souvlaki’, mais on ne peut évidemment pas être exaucé à chaque fois.
Dernier groupe sur scène, Moon Duo donne un set nettement plus electro, qui rappelle surtout que la frontière entre le bruit et le génie est parfois tenue. Malheureusement, si la prestation des Californiens n’est pas désagréable, elle ne s’approche en rien du répertoire de la tête d’affiche. Un groupe plus remuant à une heure plus tardive, c’est une bonne idée, mais là je dois avouer que la transition est rude. Surtout que le groupe joue uniquement éclairé depuis l’arrière et que l’on ne voit pratiquement rien. Quand on aperçoit quelque chose, on voit une femme derrière le clavier et un vieux hippie à la guitare, pour une sorte de version pas glamour de Goldfrapp. Très vite lassant.
Avec une première soirée qui avait l’air presque complète et une deuxième en passe de l’être, il y a fort à parier qu’une 9ème édition aura lieu en 2018 et on ne peut que vous inviter à (re)vivre l’expérience Nox Orae.