(Play It Again Sam/[PIAS])
En refermant la porte du chapitre « Ghosteen » avec la noirceur d’une instrumentation lente, la langueur d’un chant dense, Nick Cave avait laissé l’auditeur comme suspendu à son chagrin. Aujourd’hui quand s’élance « Song of the Lake » qui ouvre le nouvel album, avec sa forme de torpeur de fin de soirée, flotte une impression de prolongement de cette tristesse qui semble infinie. Pourtant à l’entendre demander à l’être cher « Où allons-nous, que faisons-nous maintenant ? En fait cela n’a pas d’importance » il y a déjà comme une lumière qui naît, comme un chemin pour sortir de l’obscurité qui se dessine et qu’il nous invite à parcourir avec lui.
Et dans son for intérieur, l’Australien sentait que l’énergie de cette aventure, son allant musical, n’allaient pas émerger d’un rock pur, mais bien d’une palette bigarrée, de chœurs, de cordes, de pianos, que ses fidèles Bad Seeds pouvaient lui offrir. Oui pour que Cave puisse laisser au second plan le voile tragique, pour qu’il puisse chanter ses histoires de Dieu vacillant, de meurtre biblique, pour que s’entrechoquent croyance et scepticisme, il fallait leur verve. Que cela soit comme dans la basse lyrique et la rythmique souple de « Wild God » ou dans les lentes vibrations des cordes de « Frog », ils se montrent souvent joueurs. Mieux la petite troupe est parfaite quand il est question de faire évoluer la mélancolie linéaire de « Conversion » vers une tempête gospel, vers une déclamation enflammée, comme le clame le chœur pour « être touché par l’esprit, touché par la flamme. »
Reste que si Nick Cave voulait que l’espoir, l’émerveillement, la joie, soient les fils conducteurs de ces dix titres, c’est réussi. Mais parfois on aimerait que la fougue, que l’ardeur, nous emportent plus. Le retour vers la lumière est une réalité, pour la densité électrique ou la tension lyrique, on saura encore patienter un peu. Sûrement jusqu’au 22 octobre et la venue de Cave à Zurich. [YP]
Note: 3.5/5