Attendu comme le Messie à chaque tournée, Nick Cave et ses fidèles Bad Seeds dressaient leur autel au Hallenstadion de Zurich pour l’unique date suisse du ‘The Wild God UK & Europe Tour 2024’. Un peu moins de deux mois après la parution du nouvel opus (‘Wild God’ / Play It Again, Sam), on avait hâte de découvrir en live les nouveaux titres plus lumineux que de coutume du dandy maudit.
Ce sont les Irlandais de The Murder Capital qui se produisent en ouverture du Maître. Jeune groupe jouant un post-punk engagé, on apprécie particulièrement la voix grave et chaude de James McGovern. Sa musique oscille entre Editors, ses compatriotes de Fontaines DC, et Joy Division. Jolie découverte scénique qui mériterait une écoute en tête d’affiche dans un club ou une salle intimiste.
Deux ans après une nouvelle tournée épique et des prestationsinoubliables dans les arènes de Fourvière à Lyon et au Montreux Jazz Festival notamment, Nick Cave arrive sur scène précédé des Bad Seeds et de choristes gospel. Elégant dans son éternel costume sombre, souriant, à l’aise, saluant le public, il ouvre le concert avec trois titres du nouvel album, ‘Frogs’ – ‘Wild God’ et ‘Song of the Lake’. Le ton est donné,chaleureux, empathique, mystique, halluciné. Nick a tôt fait de venir sur le devant de la scène et de parcourir le catwalk qui longe les barrières de la première rangée, signant des vinyles ou serrant des mains. ‘O Children’, sublime, prend une dimension supérieure avec l’appui des choristes. Des frissons parcourent les fans en communion avec l’artiste qui a perdu deux fils dans des conditions tragiques par le passé.
Deux titres mythiques de derrière les fagots viennent à la suite. ‘Jubilee Street’, qui commence doucement au piano, accompagné par la guitare tendue et la voix hallucinée de Nick qui enfle comme le vent avant un orage, puis le rythme qui s’accélère, le volume qui augmente avant un déferlement de notes et le chanteur qui va au contact de ses fans, (‘I’m flying, look at me now !’), irrésistible ! ‘From Her to Eternity’ nous vient des 80’s et des années berlinoises (‘I wanna tell you ’bout a girl’), saccadé, théâtral – on se souvient de la scène dans ‘Der Himmel über Berlin’ de Wim Wenders où l’on y voit le jeune Nick l’interpréter magistralement – le public est aux anges.
Retour au nouvel album dont pas moins de neuf titres seront interprétés lors du concert avec la balade ‘Long Dark Night’ et le très beau ‘Cinnamon Horses’ qui met une nouvelle fois en exergue le talent des choristes. Cette parenthèse de douceur fait place à ‘Tupelo’, autre classique du répertoire, narrant la nuit tempétueuse de la naissance d’Elvis Presley, atmosphère de pacte avec le diable à la Robert Johnson. Fidèle compagnon de scène de Nick, Warren Ellis est déchaîné au violon, convulse, comme frappé par la foudre, tandis que le chanteur parcourt de long en large le catwalk comme un tigre dans sa cage. Impressionnant !
Après cette expérience cathartique, on repart en douceur avec ‘Conversion’ et le céleste ‘Bright Horses’, bouleversant, avec un Nick tout en retenue au piano et le chant d’accompagnement doux et aigu de Warren Ellis, traits de poésie lancés dans le Hallenstadion. Le concert se poursuit avec des classiques comme ‘Carnage’, le jouissif ‘Red Right Hand’ immortalisé par la série ‘Peaky Blinders’ ou le très attendu et tendu ‘The Mercy Seat’. Avant les rappels, le public a encore droit à ‘White Elephant’ à l’issue duquel Nick présente avec bienveillance les musiciens des Bad Seeds et les choristes.
Un petit tour en coulisses pendant lequel le public ne cesse d’acclamer le musicien et ce dernier nous revient pour quatre titres. ‘O Wow O Wow (How Wonderful She Is) est un hommage à Anita Lane, ancienne compagne de Nick et musicienne décédée en 2021. Le titre est accompagné de photos projetées sur trois écrans, le principal à l’arrière de la scène et deux autres sur les côtés. Retour au son de l’artiste avec le rythmé ‘Papa Won’t Leave You, Henry’ et l’immortel ‘The Weeping Song’ qu’il chantait à l’époque avec Blixa Bargeld. Final tout en beauté et délicatesse avec ‘Into My Arms’, Nick seul au piano avec son public qui l’accompagne sur le refrain, pour une interprétation suspendue dans le temps.
40 ans que nous suivons la carrière de Nick Cave et l’on peut dire qu’il n’a jamais été aussi bon, bien que plus apaisé et serein que par le passé. Probablement le concert de l’année, rien que ça. Bravissimo Maestro !