La douleur, la tristesse infinie peuvent-elles se vêtir d’une autre robe que le noir? Pour Nick Cave oui, et cela passe par la nudité, le don de soi infini. Après le décès accidentel de son fils en juillet 2015, l’Australien a trouvé la force d’achever son seizième effort avec ses Bad Seeds, alors même qu’il était en plein chantier. Et il livre une virée lente et décharnée, passant de l’amour à la mort, livrant sans fards l’abîme qui l’habite. Là où l’on aurait pensé trouver une collection de titre chancelants, et blafards, les musiciens tissent une toile tout de finesse, de précision et d’élégance. Là où la rage aurait pu faire exploser les rythmiques, là où la peine aurait pu figer la mélodie, Cave emprunte une voie, un ton à la justesse mélancolique épatante. Ciselant des textes oniriques autant que réalistes, jamais il ne fuit l’indicible. Placé à son habitude en narrateur d’une vie qu’il commente, ici pourtant ces personnages qu’il manipule lui ressemblent un peu plus que d’ordinaire. Se demandant si sa vision de la mort n’est pas erronée, ouvrant les yeux sur un monde qu’il a parfois vu trop beau, accueillant des forces invisibles et incontrôlables. Le sol se dérobe sous les pieds du chanteur, le ciel ne lui vient pas en aide, et pourtant il s’accroche, lutte, reste digne. Pour saisir l’entier de cette œuvre dense et complexe, il faudra l’écouter et la réécouter encore.
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