Avertissement : ce qui suit ne convient pas aux prudes et aux adeptes de la rectitude compulsive autoflagellante. Pour les autres, « crinquez » votre ardeur, sortez votre ceinture fléchée et lâchez-vous lousse, car Mononc’ Serge et Anonymus partent sur un nouveau « trip » à friser les oreilles. Après une tournée triomphale en 2023, soulignant le vingtième anniversaire du mythique album L’académie du massacre, ils sont de retour sur disque, le premier en seize ans, avec Métal canadien-français; une œuvre délicieusement disgracieuse parue le 6 novembre 2024.
Au menu, ils nous servent un album de Thrash metal bien fermenté comme eux seuls savent le faire : des rythmes effrénés et des riffs de guitare incessants qui trinquent avec les paroles incisives à l’humour corrosif et un brin tordu. La formule est connue, certes, mais elle est loin d’être indigeste. L’album est enregistré, mixé et masterisé par Jef Fortin (guitariste du groupe) et tous s’impliquent aux arrangements de cette musique sulfureuse qu’aucun tympan sensible ne mérite de s’infliger. Tout comme les textes de Mononc’ Serge, qu’il déblatère avec exubérance et dans lesquels il jette son dévolu sur divers sujets brûlants d’insignifiance. L’humour renferme toujours un fond de vérité et il nous la garroche en pleine face, avec ironie et vulgarité. L’infâme auteur-compositeur parle d’âgisme sur la pièce auto-dérisoire La ligue du vieux pouèl et de la violence au hockey sur La bataille du Vendredi Saint. Il dépeint l’impuissance de l’artiste intègre vis-à-vis l’intelligence artificielle et le dilemme éthique qu’elle suscite dans La guerre de la technologie :
« […] Tout ça rime p’us à rien
Check moé tous ces musiciens
En file à l’Accueil Bonneau
Là, y s’prennent plus pour Bono
C’est la guerre de la technologie
Contre les bands de musique
Et c’est la technologie qui gagne »
–La guerre de la technologie
Si la chanson Hommage aux hommages témoigne de la popularité des groupes hommages, parfois au détriment des artistes émergents, elle lance du même coup une flèche à toute forme d’élitisme. On peut voir en Shitty accent un nouveau I Want to Pogne (le classique de Rock et Belles Oreilles) et y entendre un plaidoyer crotté pour le joual dans J’parle vrai. Avec la pièce Bonne année, « les casseux de party » possèdent maintenant leur propre hymne à chanter avec un verre de trop dans le nez. Que de plaisir à retrouver d’innombrables clins d’œil sur le sport, la politique, sans oublier la drogue et tout autre bons clichés de « métalleux »! Il y a toujours cette particularité unique chez Mononc’ Serge de traiter avec intelligence d’un sujet sérieux au deuxième degré souvent sous l’angle de l’humour crasse. Musicalement, l’irréprochable réalisation et l’inébranlable contribution d’Anonymus soutirent la dopamine indispensable, et désirée, pour vivre un bloc de 37 minutes exaltantes.
Car cette troisième collaboration plaira à leur public fidèle – parfois déjà conquis d’avance – et intéressera tout autre tarla de première classe qui sait « avoir du gros fun ». Mononc’ Serge & Anonymus, maîtres incontestés – et infatigables – de la satire musicale satanique québécoise signe avec Métal canadien-français une œuvre aussi odieuse que nécessaire, revigorante comme un décapant à l’autocensure et au conformisme de façade. Maintenant que vous êtes avertis : voici un excellent disque formellement livré pour vous!