Le 22 juin dernier, Misanthrope prenait possession de la scène du Altar au Hellfest 2018 devant un parterre de fans venus très nombreux. Daily Rock se devait de recueillir les impressions de Philippe Courtois toujours aussi passionné et volubile.
Bonjour Philippe,
Votre show s’est il passé comme tu voulais?
Bonjour. On s’est beaucoup préparé. Depuis vingt jours, tous les jours à faire le set. On met tellement la barre haut avec Misanthrope. Physiquement aussi à respecter une certaine hygiène de vie. Même si ça fait la quatrième fois que l’on vient. Une fois avec ARGILE (un groupe intemporel qui gravite autour de Misanthrope, avec les même membres) et trois fois avec Misanthrope. On sait qu’il ne faut pas louper son Hellfest. Et ça a donné ce que tu as vu. On est toujours dans le dépassement de soi. C’est pour ça qu’on a choisi la musique extrême. C’est notre niche musicale, notre passion.
Très satisfait. Super public. On a jamais eu autant de monde au Hellfest.
On a tenu à jouer deux nouveaux morceaux de « Alpha X Omega » et cinq classiques composés entre 1993 et 2000. C’est assez marrant de pouvoir faire ça maintenant. On est sur 29 ans de carrière.
Les trois fois où nous sommes venus, on avait eu 30 mn. Cette fois, on a pu jouer 40 mn. C’était vraiment super.
La sortie de « Alpha X Omaga » s’est bien passée?
Cela a été assez compliqué. Très bien passé avec la presse, avec l’accueil du public et la promotion… Mais le monde de la musique a énormément changé. Le produit physique est compliqué à mettre en place. Cela a dérapé les premières semaines. Les partenaires qui ont distribué le disque se sont un peu foirés. Mais au bout de 15 jours, tout était en ordre.
Tu travailles cinq ans sur un disque. Tu t’attends, à sa sortie, qu’il soit sur toutes les plateformes de téléchargement et dans toutes les boutiques et ça n’a pas été le cas.
Pourtant, aguerri comme tu l’es, tu devrais savoir palier à ce genre de problème?
Nous avons confié la distribution à Warner. Grâce à eux, « AEnigma Mystica » est entré au Top Albums. Par déontologie et parce que Holy Record et Misanthrope sont assez fidèles, on leur a donné notre nouvel album. Ces mecs n’ont pas été capables de mettre notre disque à la FNAC des Champs Elysées, des Halles ou de Montparnasse le jour de sa sortie. Je vais me faire des ennemis… Je ne les critique pas mais c’est ce qui s’est passé. C’est Holy Record, en direct, qui a dû le sortir en digital avec quinze jours de retard.
Cela doit être très frustrant?
Pour moi, oui… Surtout que c’est mon métier. Je suis un professionnel de ça… C’est incroyable…
Le fait d’être des deux côtés de la barrière implique-t-il une approche technique et musicale particulière à ton travail?
Cela change tout, en fait… Je suis « déformé » par mon travail. J’ai produit 133 albums via Holy Record qui est le label que j’ai créé avec Séverine Foujanet, ma compagne. Il y a vingt sept ans, nous avons décidé de tout abandonner pour faire du métal extrême. C’est aussi une histoire d’amour. Je suis toujours ému. C’est magnifique. On est, tous les deux, très fidèles au métal. Nous formons un tout. L’Alpha et l’Omega.
Pour en revenir à ta question, ce n’est pas difficile mais tu perds rapidement l’innocence. Ce que je t’ai raconté sur la mise en place de notre dernier album, un artiste « normal » ne l’aurait pas su. Il est dans son rêve. Il ne voit que les chroniques démentielles. Moi, je suis davantage touché. Je ne sais même pas si j’en ai parlé aux membres du groupe. Si tu veux faire quelque chose de bien, ce genre de détail est tout aussi important.
Et musicalement?
Oui, bien sûr… Je ne peux pas te dire le contraire. Travailler avec SepticFlesh quand ils ont sorti « Esoption » en 1995 a influencé l’album « Théâtre Bizzard » de Misanthrope que l’on a fait trois mois après. J’ai entendu comment ça sonnait, comment ça a été travaillé. Forcément, tu t’imprègnes de chaque chose. C’est hyper intéressant et enrichissant. Donc, oui, tout influence toutes choses. Ce que l’on écoute et ce que l’on produit.
Maintenant, avec les années, la thématique est assez forte sur Misanthrope, on n’a plus besoin de demander où on va aller. Cela vient relativement tout seul.
Sens-tu une évolution des groupes que tu produis actuellement?
C’est un peu compliqué. Le renouvellement se fait par effet de mode rétro. Nouvelle vague Thrash. Nouvelle vague Stoner. Nouvelle vague Occult Rock 70. Les nouveaux groupes à chanteuse… Même Ghost qui a explosé ces cinq dernières années. Qu’est ce qu’il y a de nouveau? Un peu de King Diamond, un peu de Scorpion, un peu de Abba (Mdr), un peu de Kiss ou de Slipknot … Qu’est-ce qui fait Ghost? C’est un mélange d’influences et de théâtralité.
Quels vont être tes critères pour produire tel groupe plutôt qu’un autre?
Le coup de coeur. Principalement la texture musicale et le chant. Quand ça joue avec un son qui représente quelque chose. Qu’il y a un chant super marqué, original et qui sort des chantiers battus. Là, je fais écouté à Séverine et c’est elle qui tranche.
La stature de Misanthrope et Holy Record te permettent-elles de conserver un esprit underground malgré tout?
Il ne faut surtout pas le perdre. C’est dans mon ADN. J’étais avec Stéphane Buriez (Loudblast) hier, il y a à peine une demi heure avec Fred Leclercq (Dragon Force) et Alex (Agressor). Je garderai toujours cet état d’esprit.
Jean-Jacques Moréac et moi avons la chance d’être le dernier, ou l’avant dernier, enfant d’une grande famille. On a l’habitude d’être en groupe. On a toujours connu le partage. Faire les choses ensemble. On sait que l’on a plus à gagner ensemble.
Niveau liens, la scène, c’est super. Même si : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, on n’est pas concurrent… » n’est pas vrai. On est vraiment en compétition. Pas pour les disques, chacun son créneau, mais pour les concerts et sur la scène. C’est un leurre de dire que Mas Hysteria, Loudblast, Ultra Vomit, Dagoba ou Misanthrope sommes sur la même échelle.
Il y a différentes échelles, différentes connexions. Nous n’avons pas les même liens ni les mêmes personnes qui nous aident.
Une tournée est prévue pour la promotion du nouvel album?
On est en pleine promotion pour l’album. Et surtout, le gros truc… En octobre, c’est les 30 ans de Misanthrope. Et donc, je vais avoir une année où je vais faire quasiment que de la musique. Enfin, mon rêve va se réaliser. Je vais arrêter de travailler pour ne m’occuper que de Misanthrope. De octobre 2018 à septembre 2019, je vais célébrer les 30 ans de Misanthrope, H 24.
Enfin… Enfin… Enfin… Je suis tellement heureux. A 48 ans, tellement heureux de pouvoir faire ça. Pleins de projets en perspectives…