Home Interviews Interviews Internationale MEGADETH – 40 ans de composition sous la curatelle de Dave Mustaine

MEGADETH – 40 ans de composition sous la curatelle de Dave Mustaine

0

Lors de la seconde édition du Summerside Festival, Daily Rock avait eu la chance d’interviewer James LoMenzo, bassiste du groupe Megadeth, quelques heures avant leur set sur la grande scène au milieu d’un bel orage.

Voici le texte complet de l’interview dont un extait avait été publié l’an passé dans Daily Rock Magazine

«Dave est le père du thrash»

Le CV du bassiste James LoMenzo en impose. N’a-t-il pas joué ou enregistré aux côtés de John Fogerty, Slash, Ozzy, David Lee Roth, Zakk Wylde, George Lynch ou encore Ace Frehley, en plus d’avoir été un membre originel de White Lion? Après une première pige chez Megadeth de 2006 à 2010, il y a repris du service en 2021 après le licenciement de Dave Ellefson. Dans sa loge du Summerside Festival à Granges (SO), décontracté et affable, il s’est prêté au jeu des questions-réponses, basse en main.

Le groupe s’est-il imposé certaines limites lors de l’enregistrement de «The sick, the dying and… the dead!» pour en faire un album typique de Megadeth?
James LoMenzo: Je suis probablement la personne la moins bien placée sur cette planète pour répondre à cette question, car j’ai été rappelé pour remplacer les deux bassistes qui ont participé à cet enregistrement. Mais je peux tout de même expliquer quelle était la perspective du groupe à cette période. Le groupe se portait bien: Dirk (Verbeuren, le batteur) avait intégré le groupe sur la tournée «Dystopia» et Kiko (Loureiro, le guitariste) était encore de la partie. Leur seule intention était de produire un excellent disque. Ce qu’ils m’ont rapporté, c’est qu’ils souhaitaient sortir un album dans la plus pure tradition du heavy metal, un album qui ferait grincer des dents et qui se rapprocherait des albums des origines. «Dystopia» avait été très bien accueilli. Leur but était de se montrer le plus agressif possible. L’enregistrement s’est déroulé sur une longue période, car Dave s’est vu diagnostiquer un cancer et a dû se soumettre à un traitement conséquent. Mais même s’il était vraiment mal en point, il a tenu à continuer à collaborer à la création de l’album pendant cette période étrange. Lorsqu’il fut à nouveau complètement sur pied, il a apporté aux enregistrements sa touche magique, comme il le fait toujours: il a en quelque sorte «megadethisé» les morceaux. Il est le curateur de la musique de Megadeth. Ils ont enregistré une grande variété de titres, mais tous n’ont pas été retenus pour figurer sur l’album, qui contient des points communs avec «United abominations» (sorti en 2008), auquel j’avais participé. C’est un disque porté sur les attaques de guitares. Depuis mon retour, le groupe a retrouvé un certain équilibre et Teemu (Mäntysaari, le nouveau guitariste) s’est très bien intégré. Nous sommes impatients de nous atteler à la production d’un nouvel album dans cette configuration.

De quelle manière Megadeth écrit, compose puis enregistre-t-il un disque? Peut-on parler d’un travail d’équipe?
Chacun d’entre nous vient avec une sacoche remplie d’idées. Nous les partageons et les écoutons toutes. Dave va les écouter de manière critique, car comme je l’ai déjà dit, c’est lui qui est le curateur de la musique de Megadeth. Pour moi, et je le dis sans en être gêné, Dave est le père du thrash. Et je pense que nombreux sont ceux qui sont d’accord avec cela. Il a un don pour comprendre ce qui va fonctionner musicalement pour le groupe.

Est-il facile de trouver le juste équilibre en la technicité et la vélocité d’un côté, et la mélodicité de l’autre?
D’un point de vue personnel, j’apprécie de nombreux styles musicaux. Ce que je trouve magique chez Megadeth, c’est que le groupe touche à une grande variété de styles dans le contexte du thrash metal. La musique du groupe est basée sur la mélodie. La façon dont Dave insère les mélodies qu’il a composées dans les riffs de guitare est remarquable. C’est à mon sens ce qui confère à la musique de Megadeth cette touche magique, basée sur la rythmique et le groove, que je ne retrouve pas toujours dans le heavy metal. Et cela provient d’influences vastes et diverses. Il arrive que quelqu’un propose un riff et que Dave y ajoute un détail, une légère variation, pour en faire quelque chose de carrément magique.

L’album contient une reprise des Dead Kennedys, «Police truck», qui fait référence aux violences policières. Ce titre a été écrit en 1980. Ce choix est-il une façon de dire que la situation aux Etats-Unis n’a pas changé?
Je ne suis pas vraiment sûr que ce choix ait été fait en fonction du contexte. Je dirais qu’il s’agit davantage d’un hommage. C’est un excellent titre et je ne pense pas que Dave l’ait choisie pour une autre raison.

Faut-il voir dans «This place is on fire» un écho à la période troublée que nous vivons ou un message quelconque?
Je crois que c’est tout simplement un point de vue. Aucun des membres du groupe n’a de solution aux problèmes actuels, mais peut-être que le simple fait de les évoquer peut apporter quelque chose.

Penchons-nous, si vous êtes d’accord, sur votre carrière. Vous avez collaboré avec de nombreux musiciens de renom. Quelles sont les collaborations qui vous le plus marqué?
Je me considère, comme j’aime à le dire, comme un «compagnon bassiste». Même après toutes ces années, je me sens toujours comme tel. Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance d’avoir impressionné les gens par mon jeu de basse, de sorte que le téléphone a souvent sonné quand quelqu’un avait besoin d’un bassiste. D’habitude, il y a d’abord le coup de téléphone, puis l’audition, et enfin on te dit si tu as le job ou non. J’aime la musique par-dessus tout, et plusieurs styles de musique, ce qui me rend très utile et disponible pour vivre de belles expériences. Un de mes meilleurs souvenirs est le fait d’avoir tourné avec Ace Frehley. Je profitais d’une période de congé, juste avant de m’embarquer pour l’enregistrement de l’album de Zakk Wylde, «Pride and glory». Pendant ce break, je me suis rendu à New York pour rendre visite à mes parents. Mon téléphone a sonné, c’était Eddie Trunk (un célèbre animateur radio américain), un de mes amis. Il m’a dit qu’Ace Frehley cherchait un bassiste pour sa prochaine tournée. Je connais bien Ace, j’avais déjà tourné avec lui. J’ai passé avec Ace et ses musiciens une tournée extraordinaire (il évoque le «Just for fun Tour» de 1992). Ace est une icône et il est complètement barje. Il est aussi très drôle. Je suis heureux et privilégié d’avoir pu prendre part à cette tournée où notre seule prétention était de jouer du rock’n’roll, peu importe la grandeur de la salle. Avoir été appelé par Slash pour remplacer Mike Inez, qui était parti pour Alice In Chains, a aussi beaucoup représenté pour moi. La décision de le suivre sur la tournée «Slash’s Snakepit» n’a pas été facile à prendre, car je venais d’avoir un enfant. C’était délicat. Mais en même temps, pouvais-je lui dire non? Je me suis retrouvé à jouer avec Brian Tichy à la batterie, alors que nous venions d’enregistrer ensemble avec Zakk Wylde. Slash savait que nous étions capables de jouer sa musique. Slash est quelqu’un d’adorable et il adore la musique. Jouer avec David Lee Roth était totalement inattendu. J’ai passé 4 ou 5 ans avec lui et j’ai beaucoup appris sur la façon de créer un spectacle. Il était tellement incroyable sur scène!

Comment la réintégration au sein de Megadeth s’est-elle passée?
Le plus naturellement du monde, mais j’ai dû apprendre un grand nombre de titres avec lesquels je n’étais pas familier. Jouer avec une telle vélocité requiert davantage de concentration que jouer du rock’n’roll sur un tempo moyen. Avec le recul, je me rends compte que tout ce que j’ai appris auprès des différents groupes avec lesquels j’ai joué m’aide aujourd’hui à me sentir bien sur scène, surtout quand il est possible d’interagir visuellement avec le public. J’ai besoin de ce contact.

Comment vous décririez-vous en 5 mots?
Je ne saurais pas me définir en si peu de mots. Je dirais de moi que j’aime la musique, que j’aime les gens qui font de la musique et les gens qui écoutent de la musique. Et j’aime l’expérience qui consiste à enregistrer de la musique et à la jouer en live.

Quels sont les 5 albums que vous sauveriez d’un incendie?
Oh mon Dieu! Je choisirais des disques issus de divers mondes musicaux. Le premier serait «Quadrophenia» des Who, et de loin. Ensuite, ce serait l’album éponyme du Jeff Beck Group, dont je ne me lasse jamais. Cela semble être un album typique des années 70, mais la façon dont Jeff Beck joue lui confère une dimension exceptionnelle et Cozy Powell y est phénoménal. Cet album recèle une grande quantité de belles choses. Je prendrais également un album d’Elton John, sans pouvoir dire lequel précisément, non seulement parce que chacun d’eux possède des titres de grande qualité, mais aussi parce que le jeu très dynamique de son bassiste, Dee Murray, apportait à sa musique une plus-value indéniable. Il jouait de façon mélodique, mais avec puissance, choisissant toujours la note et la rythmique appropriées. Son jeu est très sous-estimé, mais il est juste parfait. La plupart des gens ne s’en rendent pas compte, mais les bassistes oui. Alors je dirais «Goodbye yellow brick road» ou «Madman across the river». Je pourrais sans fin continuer à citer des albums.

J’ai parlé récemment avec Don Airey, le claviériste de Deep Purple, qui a d’ailleurs joué hier soir sur la même scène que vous. Nous avons parlé du fait que la plupart des grands groupes de classic rock avaient disparu et cesseraient tantôt leur activité. Je lui ai demandé s’il voyait une relève pour assurer le genre. Il m’a répondu que, selon lui, le genre était sur le point de disparaître malheureusement. Qu’en pensez-vous?
Je suis d’accord avec lui à 100%. Il y a un certain nombre d’années, j’ai joué avec John Fogerty. Kenny Aronoff était à la batterie et nous avions ce genre de discussions. Kenny a joué sur une quantité considérable d’albums majeurs depuis les années 70 et sur bon nombre de tubes. Malgré son pedigree, il lui est de plus en plus difficile de trouver de l’emploi, parce que les tournées de groupe de classic rock se font de plus en plus rares. Nous en avons conclu que nous nous trouvons actuellement à un moment où, comme pour le jazz qui a été supplanté par le rock’n’roll, l’impact du classic rock diminue inexorablement. Dans les années 50, le jazz était dominant. Quand on voulait apprendre un instrument, on s’inspirait de ce que faisait Miles Davis. Mais quand le rock’n’roll a déboulé, le jazz a été cantonné aux clubs.

Êtes-vous d’accord de vous aventurer sur un terrain quelque peu philosophique?
Volontiers, allons-y.

Le philosophe allemand Nietzsche a dit que «sans la musique, la vie serait une erreur». Adhérez-vous à ce propos?
Je ne connais pas vraiment Nietzsche. La musique, c’est ce son dans ta tête, le bruit du vent dans les arbres. La musique est ce qui permet aux gens de d’enraciner, même s’ils n’en sont pas toujours conscients. Au sein des peuples indigènes, les gens s’appellent au moyen de sons. Les animaux font de même. Chacun·e d’entre nous a une âme musicale.

Eddie Van Halen a dit ceci: «Les rock stars viennent et vont, mais les musiciens jouent jusqu’à leur mort.» Qu’en dites-vous?
Malheureusement, les rock stars jouent également souvent jusqu’à leur mort. (rires) J’ai côtoyé et joué avec des rock stars, et le plus souvent ils ne sont pas très doués musicalement. Mais ce sont des rock stars, c’est une question d’attitude. J’aime bien le point de vue d’Eddie, parce que je crois que ce sont les musiciens qui font qu’il se passe quelque chose. En tant que musicien, on joue pour grandir et se développer. Un écrivain tente à chaque fois d’écrire le meilleur livre possible. Un musicien n’a pas besoin d’être diplômé pour créer de la bonne musique et n’a pas besoin d’être un compositeur hors pair pour écrire une bonne chanson.

Un grand merci à Justis Mustaine, Paul ‘Welshie’ Chapman et Andrea von Arx de nous avoir permis de réaliser cette interview exclusive.

Texte: Pascal Vuille

Photos: Alex Pradervand

Notre compte-rendu et les photos du vendredi 21 juin 2024 avec bien sûr Megadeth, mais aussi Corey Taylor, The 69 Eyes Korpiklaani, The RumJacks, Stop Stop, Dark Whispers ou FireBorn :

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Quitter la version mobile