De mémoire, c’est bien la troisième fois que Massive Attack joue au Montreux Jazz sans avoir sorti le moindre titre dans l’intervalle hormis un EP de quelques morceaux plutôt pauvres, surtout par rapport à l’incroyable répertoire bâti à ce jour par les britanniques. Ce soir, ils sont donc de retour avec leur fameux écran diffuseur de messages engagés en arrière-fond et on espère quand même voir quelque chose de nouveau.
Un des grands inconvénients quand on fait intervenir de nombreux chanteurs sur un album, c’est de reproduire cela en tournée tant bien que mal. Là, le groupe de Bristol a la solution puisqu’ils ont confié leur première partie aux Young Fathers avec lesquels ils ont collaboré sur leur dernier EP.
Avant ces deux groupes, les festivaliers ont eu droit à un set de quelques morceaux d’Azekel, qui a ainsi pu faire découvrir sa pop teintée de soul au public. Plein de bonne volonté et pas désagréable, mais dispensable. Accompagné par un batteur et un guitariste, le londonien fait partie de la tournée Massive Attack, avec lesquels il aussi collaboré en 2016 sur leur dernier EP.
Décrire la musique des Young Fathers, c’est aussi difficile que de d’épeler les noms imprononçables des musiciens (essayez avec Alloysious Massaquoi par exemple). C’est rapide, enjoué, hypnotique et terriblement novateur. Pas compliqué de comprendre pourquoi ils ont tapé dans l’œil, enfin dans les tympans, de Massive Attack, bien que leur musique soit assez radicalement différente de ce que proposent leurs collègues de Bristol. Un percussionniste blanc possédé, trois chanteurs que tout sépare les uns des autres et un tempo élevé semblent être le bon mix ce soir. Avec encore un jeu de lumière sur scène savamment maîtrisé par un épileptique hyperactif, ce fut une très chouette découverte.
21.15 heures, les photographes sont en régie, c’est-à-dire au fond de la salle derrière la table de mix, pour les trois premiers morceaux du concert de Massive Attack. L’écran géant est bien en place. Les utilisateurs de l’application Montreux Insiders ont pu avoir accès à la setlist de ce soir en primeur. Sans surprise, c’est la même sur toute la tournée. Cela début avec le toujours très fidèle Horace Andy sous les projecteurs pour ‘Hymn Of The Big Wheel‘. Le fameux écran géant distille ses messages en français ce soir, interrogeant sur le sens de la vie, la mort ou encore Dieu. Autant c’était assez incroyable en 2014 que cela semblait quelconque lundi soir. Sans un mot, Daddy G, moins jeune père que sa première partie, prend le relais pour ‘Rising Son‘. On voit les silhouettes de tous les musiciens sur scène entourées par les deux batteries aux extrémités, mais entre le peu de lumières pour mettre en évidence l’écran géant et les fumigènes, on ne voit pas grand chose. En plus, les écrans géants de la salle restent noirs pour obliger le public à regarder en direction de la scène. Autant dire que les photos sont dans la même veine.
Le morceaux suivant, ‘United Snakes‘ fait retomber un peu l’ambiance, qui mettra du temps à remonter malgré l’apparition d’Azekel sur ‘Ritual Spirit’ ou le retour d’Horace Andy pour ‘Girl I Love You‘. Il faudra en effet attendre l’incursion des Young Fathers pour deux titres dont un totalement inédit joué uniquement depuis le début de la tournée européenne. Quand je pense qu’en voyant le nom de la première partie de Massive Attack sur le programme j’avais été un peu déçu. Alors que finalement, c’est probablement ce qui est arrivé de mieux à cette soirée. Le set se termine toutefois en beauté avec deux morceaux de ce que j’appelle l’album de la confirmation, le glacial et hypnotique ‘Mezzanine’ dont on fête les 20 ans cette année. ‘Angel’ et ‘Inertia Creeps’ paralysent à elles seules un auditoire subjugué avant que Deborah Miller n’achève tout le monde avec le classique ‘Safe From Harm’. Sa voix incroyable est toujours aussi émouvante. Cela dit, la grande absente ce soir cela reste quand même Martina Topley Bird, qui, elle, passe son été en studio à préparer de nouvelles chansons. Dommage pour nous.
Le rappel a le mérite d’être varié en ce sens que hormis l’immanquable ‘Unfinished Sympathy’, Massive Attack a joué deux titres qui n’ont pas pour habitude de se trouver en fin de concert, ‘Splitting The Atom’ parce que pas aussi extraordinaire que les autres, et ‘Take It There’ sorti en 2016. Cela signifie contre toute attente que pas de ‘Karma Coma’, ni de ‘Tear Drop’ ce soir ! Alors oui je me plains à la fois que c’est tout le temps pareil et quand il y a des modifications dans la setlist cela ne me plaît pas non plus. Je deviens un vrai festivalier.
Au final, un concert sympa, avec un son parfait qui régale les oreilles, mais sans plus car vu et revu. Il clairement est temps pour Massive Attack de se remettre au travail en studio et de se pencher sur un nouveau concept pour ses tournées, l’actuel ayant été usé jusqu’à la corde. Plus d’excuses, le leasing de l’écran géant a dû être remboursé depuis longtemps. Au boulot, les gars!