Salut et merci de me recevoir.
DRF : Matière Noire est un album qu’on peut qualifier de « très personnel » je pense, pourquoi vous êtes vous lancé dans un album si particulier ?
Yann : On n’a rien changé à d’habitude, la compo a été faite comme d’habitude, les riffs ont été triés comme d’habitude…
Mouss : C’est Yann qui ramène le gros des riffs et après ils bossent tous ensemble, ils choisissent les meilleurs riffs et ils en font des chansons. Yann a continué de composer dans la lignée de L’armée Des Ombres après la tournée et même pendant. Donc ça fait un moment qu’il était dessus, il était dans la même dynamique en fait. Moi j’ai mis plus de temps parce que j’ai perdu mes parents l’année dernière et ça a été compliqué et, vu que je me suis retrouvé orphelin et que ça fait 8 albums qu’on fait ensemble, j’ai un peu lâché les ballons au niveau des textes.
Yann : Après il y a autre chose : c’est que d’album en album au début, tu ne réfléchis pas trop et quand t’arrives au 7ème, 8ème… Nous, on est très dur avec nous-même et on se dit à chaque fois qu’on veut faire mieux donc on se prend un peu plus la tête à chaque fois pour faire comme si c’était toujours le dernier et ça devient très dur au bout d’un moment. On connaît trop de groupes qui ne vivent que sur leurs acquis et qui te sortent des albums pourris. Moi j’essaie toujours que l’album soit meilleur que les autres.
DRF : Il a fait l’unanimité aussi bien auprès du public que des médias, vous vous y attendiez ou vous avez poussé un grand ouf de soulagement ?
Yann : Un ouf de soulagement peut-être mais on ne s’y attendait pas…
Mouss : … pas autant en tout cas ! Quand l’album est finit on l’écoute, on a des frissons et on se demande si les gens vont frissonner comme nous. On est toujours un peu optimiste, on espère que ça crée une petite surprise et à chaque album, on se dit ça mais là, il y a eu un engouement assez incroyable. Je ne sais plus qui disait dans le groupe : on a l’impression que toutes les planètes sont alignées ! Il est fait avec la même désinvolture que Contraddiction qui a été fait un peu sans réfléchir même si on avait déjà commencé à tailler notre style. On peut dire que Matière Noire c’est un peu le Contraddiction 20 ans après avec plus d’expérience, plus de maturité.
Yann : Y a un truc qu’on dit souvent dans les interviews, c’est qu’après Contraddiction, on s’est un petit peu perdu. Faut jamais revenir sur ce qu’on a fait mais après L’armée Des Ombres, je n’ai pas voulu refaire musicalement la même erreur qu’on avait faite à l’époque et j’ai voulu taper plus fort.
Mouss : ça rejoint un peu ce que tu disais dans la 1ère question. Plus personnel dans le sens qu’il voulait faire plus fort que L’armée Des Ombres encore mais dans la même lignée. C’est ce qu’on n’a pas su faire après Contradiction. On a fait De Cercle En Cercle qui était plus spatial, plus posé mais ensuite on était tous d’accord quand Yann a commencé à composer pour continuer à enfoncer le clou et c’est là où c’est plus personnel car Yann a peut-être été plus loin dans l’agressivité, dans la technique et moi dans les textes et tout ça cumulé ça a fait que !
DRF : Est ce que la tournée de Matière Noire va être la plus grosse du groupe ?
Yann : Pour l’instant la plus grosse c’est De cerce En Cercle mais on hallucine un peu car on voit les dates tomber et y en a jusqu’à octobre 2016 et ça n’arrête pas. Ca vient de commencer et notre tourneur nous disait qu’il n’avait jamais vécu ça avec nous, c’est un peu fou.
Mouss : Je pense qu’on va faire tous les gros festivals l’année prochaine même si pour le moment on ne peut rien dire…
DRF : Est ce que pour vous le groupe à fini d’évoluer ou continuera t’il à explorer de nouveaux univers ?
Yann : Des fois quand j’écoute Donnez Vous La Peine, j’ai envie de faire un Donnez Vous La Peine de l’an 2000 enfin tu vois… un truc aussi rythmé, aussi répétitif avec du punch et je suis souvent attiré par des trucs du genre Nine Inch Nails, Prodigy…
Mouss : … il voudrait mélanger les 2 !
Yann : avec du Bloody Beetroots tout en gardant la touche Mass Hysteria.
Mouss : en fait c’est ça, on voudrait bien faire des chansons à la Bloody Beetroots mais à la façon Mass Hysteria…
Yann : tout en gardant les grosses grattes comme si Hatebreed rencontrait Bloody Beetroots !
Mouss : À la limite, on peut faire un autre album, pas dans la tendance Matière Noire, mais je pense qui si on en faisait, ce n’en serait pas un qu’on défendrait en live par exemple. Ce serait plus un album pour se faire plaisir, peut-être même pas un album juste un 5 titres pour voir et aussi 2-3 reprises comme cadeau. S’il y a un prochain album, il faut qu’il soit le bon successeur de Matière Noire. Il ne faut pas faire un truc comme De Cercle En Cercle car ce serait plus un ovni « commercial ».
Yann : Je vais reprendre les mots de Tom Araya de Slayer qui disait, avant de faire Repentless, s’ils n’étaient pas contents des compos, ils n’iraient pas au bout et ils arrêteraient. Il ne faut pas faire les choses pour les faire mais il faut avoir encore quelque chose à dire, il faut être content de ce que l’on fait et eux on fait Repentless et je trouve que c’est un bon album.
DRF : Comment arrivez vous à rester toujours aussi positif au fil des années, tout en gardant des paroles autant engagées ?
Mouss : Positif c’est parce qu’on est comme ça dans la vie, entre nous, on est complice avec nos potes avec notre famille. Ce côté un peu engagé on le met dans la musique mais ce n’est pas quelque chose qui nous obsède tous les jours. On est positif dans la vie mais dans la musique, on peut faire des morceaux légers comme Notre Complots qui parle d’amitié, il y a une espèce de poésie et des jeux de mots. Il y a d’autres morceaux comme Matière Noire ou Tout Est Poison, c’est du parti pris, on donne une pensée mais dans la vie on est plutôt joviaux !
DRF : Quel est votre ressenti par rapport aux derniers attentats en France ?
Yann : On a été touché directement ! Quand on a appris la nouvelle, on était sur scène à Tulle dans le sud et le Bataclan c’est un peu comme si c’était chez nous. On connaît des personnes qui y sont décédés, qui ont été blessés mais on n’a pas eu de personne proche dans ce cas et c’est un miracle. Des proches se sont planqués dans les toilettes et s’en sont sortis. Si tu veux, moi je suis carrément traumatisé par ce truc-là. Je suis allé 2 fois à la Cigale depuis. Même si je n’ai pas peur, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce que ces gens ont vécu. Les terroristes c’est les gens les plus lâches du monde… Comment on peut faire ça ? Ces types qui tapent sur leur meuf et qui tue des innocents comme ça quelle bande de merde…
Mouss : c’est des psychopathes c’est vraiment de la merde, ça n’a pas le droit de vivre ça n’a rien à voir avec la religion c’est juste un prétexte !
DRF : Avez-vous hésité longtemps avant de décider de monter sur scène le 14 novembre dernier ?
Yann : Pas très longtemps non ! On devait joué à Toulouse, on s’est dit on y va et on ne savait pas si on aurait le droit. Quand on est arrivé, Hervé du Bikini, qui nous connaît très bien, nous a dit : « Qu’est-ce qu’on fait les gars ? » Nous, on s’est regardé et on lui a dit que s’il nous suivait on jouerait et fin de la discussion.
Mouss : On ne voulait pas rajouter de la frustration à la colère.
Yann : Les gens nous ont remercié d’avoir joué.
Mouss : Des gens ont vu que notre concert n’était pas annulé et y sont venus même s’ils ne nous connaissaient pas. Il y a eu quand même 900 personnes qui étaient bien déchainés. C’était assez étrange quand même d’engager un concert après un tel événement. On n’a pas vu car on était dans les loges mais, quand les gens sont arrivés dans la salle et qu’il y avait la musique diffusée dans les enceintes, d’habitude, il y a un brouhaha et là, personne ne parlait. Tout le monde chuchotait et dans la salle, les gens attendaient solennellement car je pense qu’eux non plus ne savaient pas comment aborder un concert à ce moment précis. Après L’enfer Des Dieux on a préféré faire une minute de bruit qu’une minute de silence.
DRF : Mouss, comment perçois tu le titre « L’enfer Des Dieux » maintenant ?
Mouss : Il colle à la réalité car ça parle de fanatisme. Au début, je parle des soldats de Dieu, après je parle un peu de la folie passionnelle amoureuse. Il y a des gens qui tuent leur amour par passion. Ce morceau traite de tout ça. Ce texte m’est venu par rapport à l’actualité, peut-être Charlie, et ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il y a des fanatiques religieux qui se font péter et qui font péter des civils. Mais après Charlie, je pensais que ça serait le dernier, qu’on ne pouvait pas faire pire. Je ne peux pas imaginer que quelques mecs cagoulés arrivent chez Charlie Hebdo et foutent la France à genou. Après je me suis dit qu’en France, il y aurait des flics à chaque coin de rue planqués pour que ça ne soit pas trop ostentatoire et que ce serait finit, qu’il n’y aurait plus d’attentats dans Paris. L’enfer Des Dieux a été écrit en début d’année et on a trouvé que c’était un bon morceau. Le refrain est tiré d’une phrase de Nietzsche qui dit : Dieu a son enfer c’est son amour des hommes. Je trouvais ça super beau, super fort et je me suis dit qu’à l’envers ça marchait aussi. On a fait ce morceau que j’espérais d’actualité passée. L’album sort, on décidé d’en faire un clip d’animation et première date de la tournée, il se passe ça. Juste après le morceau, un pote à nous nous dit : « c’est la guerre à Paris, il y a 17 morts au Bataclan, il y a une prise d’otages ». Nous on n’a pas compris sur le coup. Le morceau est hélas d’actualité, trop d’actualité et je pensais que ça ferait écho d’une actualité passée et loin derrière nous. En fait, la réalité nous rattrape de façon violente et inattendue.
DRF : Qu’est-ce que ça fait de passer sur une grande chaine tv comme Canal+ et comment les titres du Live ont été sélectionnés ?
Yann : On a déjà fait Nul Par Ailleurs il y a 20 ans avec le même programmateur qui faisait passer beaucoup de metal à l’époque et je pense qu’après il a eu des restrictions et a dû faire du commercial. Il est venu me voir à un concert et j’ai senti qu’il y a eu comme un revival de metal en lui et on a fait une écoute de l’album à Paris chez Deezer. On l’a vu se pointer (c’est quand même quelqu’un dans la musique et on le respecte beaucoup) et une semaine après, il a appelé notre label en disant : « Vous faites l’album de la semaine ». Nous on était sur le cul ! Pour le choix des morceaux en fait, on a joué à Canal + les mêmes qu’on joue en live sur la tournée.
DRF : Comment va Nico ?
Yann et Mouss : Très bien, super bien !
Mouss : Il avait le fémur de cassé et il n’a pas marché pendant 2-3 mois. A chaque concert, on lui dédie un morceau qu’il a composé. C’est surtout Yann qui est très proche de lui, il allait le voir tous les jours à l’hôpital donc on avait des nouvelles tout le temps. On y allait une fois par semaine tous ensemble. Il est sorti d’affaire.
DRF : Comment s’est passée l’intégration en live de Fred Dusquenne ?
Yann : Comme s’il avait été là depuis toujours ! Je n’ai joué qu’avec des guitaristes qui jouaient bien mais avec lui c’est encore mieux.
Mouss : C’est un guitariste de tout temps comme Yann, c’est un perfectionniste et en plus, il enregistre des groupes donc il va au fond des choses. Il a un rapport avec la guitare qui est presque chirurgicale et il nous a fait 4 albums donc il nous connaît bien. Avec Yann, ils sont voisins et sont super potes. Humainement, il n’y avait aucun souci et professionnellement, on connaissait son talent. Quand on cherchait un nouveau guitariste, c’est tombé sous le sens.
DRF : Est ce qu’un jour on entendra de nouveau sur scène, des morceaux de L’album Noir et de Cercle en Cercle ?
Mouss : C’est rigolo que tu poses cette question ! C’est récurent parce qu’il y a plusieurs personnes qui nous ont posé la même question ces derniers temps.
Yann : Il y a eu pas mal de changement de line-up dans Mass Hysteria et à chaque fois, ça va vite et le mec apprend les morceaux du moment. Et c’est vrai qu’on se penche rarement sur l’album noir et De Cercle En Cercle parce qu’on ne les joue pas beaucoup et on n’a plus le même matos qu’à cette époque.
Mouss : Je pense que pour l’album noir, ce qu’on pourrait faire de mieux à défaut de ne pas le jouer en live, ce serait de le réenregistrer avec un son comme on aurait aimé l’avoir. On était déçu du rendu et ça manquait grave de couilles. Il y a eu des gens qui ont été totalement déçu et d’autres agréablement surpris.
Yann : Le mec de la prod nous a gâché notre disque et le pire, c’est que j’avais déjà contacté Fred pour qu’il le fasse puis il y a eu ce ricain qui est arrivé… enfin bref. Je pense que si c’est Fred qui l’avait fait, il aurait défoncé !
DRF : Comment gérez-vous au quotidien tous les side-projects et quels sont-ils ?
Yann : Moi par exemple, j’ai un projet qui a un nom, des musiciens, ça fait 2 ans, et on n’a pas encore réussi à répéter une seule fois. Donc voilà comment on les gère, c’est super compliqué ! Ca prend du temps et on fait d’autres choses aussi dans la vie, on a des familles et c’est vraiment super compliqué. Y a Vince qui arrive a faire d’autres choses et Fred il a Bukowski aussi.
DRF : Qu’est-ce que ça fait d’être l’un des titres de Korn ?
(Rires)
Mouss : Il y a une histoire rigolote avec ça !
Yann : Je sais qu’ils l’ont fait en pensant à nous. Il faut savoir que dans l’équipe de Korn il y a un français qui est un ami à nous et qui travaille avec eux depuis bien 10 ans, Sébastien Paquet. Quand ils ont annoncé le morceau dans le studio, il a fait un clin d’œil à Seb en disant « Tu passeras le bonjour à tes potes ». A la conférence de presse du Hellfest, Munky s’est levé et il m’a dédicacé le morceau et ça m’a vachement touché. Je le dis, je n’ai pas un anglais fabuleux et avec Munky ça fait 20 ans qu’on est en contact. A chaque fois qu’on se voit, le problème c’est qu’eux ils ne comprennent pas que tu ne parles pas anglais et je sais que ça pourrait être plus cool s’il n’y avait pas la barrière de la langue. Quand ma copine est là, c’est plus facile car elle est bilingue. On a quand même un très bon rapport avec eux.
Mouss : C’est flatteur d’être l’un de leurs morceaux !
Yann : C’est des mecs qui ont vendu des millions d’albums et accessibles un jour, inaccessibles l’autre jour mais ils restent des mecs cool !
Mouss : En plus, ils sont redescendus sur Terre et sont devenus très humbles.
Merci beaucoup.