C’est le bijou architectural du Trianon, à deux pas du Moulin Rouge, que Marillion a choisi comme halte parisienne de sa courte tournée, « A Tour Before It’s Christmas » (clin d’œil au dernier album studio, « An Hour Before It’s Dark » – earMusic 2022). Salle mythique où nous avions eu le bonheur de voir le quintette d’Aylesbury deux soirs d’affilée lors de la tournée « Sounds That Can’t Be Made » en 2013. Paris est toujours une date particulière, en raison du curfew imposé à la plupart des salles en ville et qui a amputé la setlist de trois titres par rapport au concert de Strasbourg la veille, mais surtout pour l’accueil chaleureux réservé par les fans.
Scène très sobre, presque épurée, juste un écran à l’arrière pour un support multimédia fort à propos. Pas d’esbroufe juste l’essentiel, la musique, la grande musique.
Début du concert avec l’un de nos titres préférés, l’émouvant et romanesque « The Invisible Man », Steve Hogarth jouant littéralement le rôle du protagoniste avec une vidéo sur l’écran derrière lui qui donne davantage de poids au texte. Sublime ! Pas le temps de se remettre de nos émotions que résonnent déjà les premiers accords d’ « Easter », l’un des premiers hymnes du groupe sous l’ère Hogarth. Tout aussi poignant, plaidoyer pour la tolérance et la paix. Le chanteur, très ému, se souvient avec le public du triste anniversaire des attentats du Bataclan en ce même jour, huit ans plus tôt. Chaque fan a les larmes aux yeux et se dit qu’il aurait pu être l’une des victimes de ce massacre. Dans la foulée, la trilogie « Reprogram the Gene » du dernier album nous interroge sur le sens de la vie, en particulier la vie post Covid.
Un peu plus tard, « Quartz » est l’occasion de mettre en avant le talent de Pete Trewavas avec une ligne de basse de malade, titre qui nous permet de constater également que Steve Hogarth est particulièrement en voix, comme il ne l’avait pas été depuis bien longtemps. Le délicieux « The Crow and the Nightingale » nous donne les frissons, texte poétique – mélodie délicate – interprétation subtile, tout y est. Et que dire de « Care » et son mouvement final « Care (IV) Angels on Earth », hymne en hommage au personnel médical lors de la pandémie ? « The angels in this world are not in the walls of churches, The heroes in this world are not in the hall of fame »… le chant de Hogarth posé sur les nappes de claviers de Mark Kelly et sublimé par le solo gilmourien de Steven Rothery nous émeut aux larmes, rien que ça.
En premier rappel, « Splintering Heart » et sa montée en puissance jusqu’à l’explosion des sons et un nouveau solo de Rothery qui fuse avant la cerise sur le gâteau, « Neverland », classique parmi les classiques, métaphore de Peter Pan et Wendy, dont la magie fonctionne à chaque interprétation.
Un petit tour par les coulisses pour le point final de ce concert, « King », puissant, immersif, bruyamment célébré par le public ivre de bonheur. 120 minutes suspendues dans le temps, l’un des meilleurs concerts de Marillion auquel nous ayons assisté.