Version quelque peu pédante de ‘maïeuticien’, ce nom à consonances louches signifie tout simplement sage-femme (c’est sûr, ça en jette un peu moins, surtout quand on veut se la jouer ‘grand maître’ de l’occulte). L’intitulé de leur démo, ‘Socratic Black Metal’, lève un coin du voile masquant les ambitions de ces bruyants jeunes gens, l’antique philosophe ayant défini la maïeutique comme l’art d’accoucher les esprits. Sanglez vos casques à pointe, ça va voler haut !
Premier titre de leur album éponyme, ‘Introductions…’ (Pourquoi ce pluriel?), c’est une marche funèbre qui rappelle des sonorités et harmonies entendues chez My Dying Bride, sur le tempo traînard qui convient. Elle se jette immédiatement dans la première chanson, ‘…In the Mirror’, qui augmente sérieusement le rythme. Et que je te double-pédale, et que je te blaste à l’occasion, avec un grogneur pas content au micro, dans un registre très classique Black Metal, soit le chant d’amour de la corneille angineuse. Est-ce la faute au mixage, très ‘garage’? Chacun des membres sonne un peu comme s’il jouait dans son coin sans trop se préoccuper des copains. La confusion augmente au moment d’un passage plus lent, où chuchotements, arpèges et riffs s’empilent un peu au petit bonheur, avant que n’interviennent des chœurs à la Bathory (époque Nordland).
‘Reflect – Disappear’ balance un tempo très heavy avant d’accélérer, on se croirait sur les premiers efforts d’Impaled Nazarene, du temps où ils n’avaient pas encore cédé, et avec quel bonheur, à la tentation post-punk. Le son plutôt moyen muselle les efforts du batteur, en particulier quand il cavale sur ses caisses.
Instant sépulcral avec ‘Purgatoire’: roulements de tambour, voix caverneuses de moines bouddhistes convertis au Lucifer des chrétiens, guitare sèche et contrebasse labourant les fonds marins… Incontournable pour vos sacrifices de chats errant ou pour emballer de la goth madame qui termine sa scolarité obligatoire (mais ne dites pas qu’on vous a encouragé à le faire, on ne veut pas d’emmerdes avec vos histoires sordides, nous).
‘The Fall’ fait honneur aux grands canons du genre : triples croches haut perchées, batteur stressé et brailleur oscillant entre le graveleux sourd et le grincement déchiré. Un break agrémenté d’arpèges clairs brise quelques instants la monotonie, s’enlisant rapidement dans le déjà-entendu malgré de louables efforts pour ciseler les mélodies les moins harmoniques possibles (pour évoquer le Mal, l’Enfer, tout ça, voyez ?).
Piste sans doute la plus originale et mémorable du disque, ‘Absolution’ ouvre une page expérimentale plus recherchée, avec inspiration jazzy à la batterie et entrelacs de grattes débranchées… La brutalité revient au fil d’un segment qui aurait aisément trouvé sa place sur une galette studio de Possessed. Elle cède à nouveau la place à la touffeur d’une cave à jazz humide de sueur aigre où délire un dément à qui personne n’ose confisquer le micro, pour s’achever à fonds les ballons, les hurlements se faisant mutuellement écho.
Black Metal à l’ancienne sur ‘The Eye of the Mayeutic Art’, lorgnant du côté de Darkthrone, soutenu par une muraille compacte de riffs de facture classique mais toujours changeants. Doom un peu fatigué avec ‘Lifeless Visions’, qui se voudrait écrasant et n’est que lourdaud, la tentative de chant grégorien n’y changeant rien et l’accélération ravageuse arrivant trop tard.
Le sextet prend congé avec ‘Death to Free Thinker’, à nouveau très Bathoryesque (chœurs virils et batterie tadaga) et qui se conclut dans une veine heavy avec une belle patate.
Bilan ? Un diplomate « Ouais, bon, si vous voulez » paraît s’imposer. On regrette la présence d’un seul titre vraiment audacieux et faisant fi des lassants clichés metaleux. C’est d’autant plus regrettable qu’il est bien plus malsain que ceux qui aspirent à l’être par le biais d’une violence sonore obsolète depuis pas mal d’années.
FICHE CD
Maïeutiste
L.A.D.L.O Production
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