Amphithéâtre de Trois-Rivières 12/04/25
Biographie officieuse du groupe
2012… Par un beau soleil d’été, dans les bas-fonds simiesques d’un appartement aux abjectes effluves de poissons de la ville de La Baie, un obscur personnage se leva de sa nuit de brosse (assez tôt pour l’occasion, aux alentours de 2 heures de l’après-midi).
Entre deux rapports gastriques et une montée de bile acidulée qui vint lui refouler une déferlante putride sur le bord des lèvres, il eut une révélation : « Faudrait ben que je fasse quek chose de ma vie. »
Olivier n’avait pas tort. Il se mit dans l’idée de se partir un band de musique pour pouvoir profiter des festivités de la nuit sans avoir à se lever tôt. Il pensa aussitôt à quatre de ses amis qui vivaient des styles de vie malsains similaires et décida de leur demander leur avis. Par chance et par pur hasard, les quatre dudit amis (ça se dit-tu ?) étaient évachés partout dans les pièces du deux et demi crasseux d’Olivier. Guillaume Bouchard savait très bien jouer de la basse, les autres étaient tous très mauvais musiciens, mais ce n’est pas grave, ça fera leur charme.
Depuis 2018, le jour, le groupe se compose d’Olivier Simard au chant, de Guillaume Bouchard à la basse, de Maxime Bouchard au drum, d’Andy Ellefsen qui, malgré son nom cool qui ressemble à un membre de Megadeth, joue de l’estie de clavier, et de Jimmy Descôteaux, le guitariste.
Le soir, le groupe se décompose des mêmes membres, mais d’une approximation musicale beaucoup plus pitoyable, surtout à leurs débuts.
Pour gagner du galon, ils commencent à écumer les bars pour calmer leur trop-plein d’énergie tout en écumant de la gueule leur trop-plein de vinasse cheap, ce qui les amena, contre vents et marées, à la conception de leur première galette musicale, Coke calciné, en 2013 (dont une version rééditée en 2016). Déjà, le ton est donné : le groupe ira dans la démesure et le texte flamboyant.
Sous les obscénités évidentes de ces premiers textes, on devine déjà une intelligence littéraire dans la façon d’amalgamer les images et les métaphores, et une certaine justesse dans le choix de mots qui dégoulinent. Comment dirais-je… Ça ne vaut peut-être pas plus qu’une piasse et quart, mais ce n’est pas totalement gratuit. Olivier tient un filon, qui fut filé par quelques autres filous au cours des années, il est bien vrai. Nommons Plume Latraverse, Mononc’ Serge, Rock Voisine et autres précurseurs du propos horrible en musique… (note de moi-même : bon, ça, c’était gratuit).
En 2014, le groupe sort Aucun cadre, qui, ironiquement, reste dans le cadre de leurs premières compositions, mais cet album apporte une qualité dans les arrangements musicaux qui laisse présager une fulgurance pour la suite des choses.
Vint ensuite l’album Beuvez toujours, ne mourez jamais en 2017 et, officiellement, nous pouvons dire qu’une certaine forme de popularité s’est emparée du groupe. C’est l’album de la sacralisation (pas dans le sens qu’il est sacré, dans le sens qu’on y sacre beaucoup).
Toujours est-il que cette histoire de cabane à pêche a fait du chemin, et le groupe aussi.
Vient ensuite ce que je considère être leur meilleur album, mais son arrivée en plein COVID a grandement nui à le faire connaître, du moins je crois. Ça fera partie des questions que je poserai au groupe plus loin dans l’article.
Pour boucler cette boucle d’obscénité, un excellent album en 2022 (DÉJÀ), du nom de Culture du culte, vint stigmatiser les fidèles de plus en plus nombreux, fidèles dont les stigmates aux mains ne sont pas tant causés par la grâce divine que par le fait que ces crétins avinés tentent, le plus souvent qu’autrement, de déboucher une bière non twist off sans décapsuleur.
Nous voilà sur la finale de cette tournée hommage à Aucun cadre parsemée de culte ici et là. Dans les lignes qui suivent, vous aurez mon appréciation globale et ma chronique du spectacle, ainsi que des extraits de mon entrevue avec le groupe.
Et, en soirée, les lignes qui suivront les lignes qui suivaient précédemment ne vous concernent pas.
THE SHOW MUST GO ON / Acte 2:

Le show et l’entrevue …
D’emblée, une première partie sympathique s’amène en la jolie personne d’Alice Bro qui, sous ses faux airs de jeune fille au pair, se met à déblatérer des obscénités scéniques qui font vite comprendre pourquoi le groupe Orloge lui a trouvé un petit « je ne sais quoi ». Autodidacte (pour l’occasion), armée d’une casse claire dorsale qui lui donnait l’allure d’une ninja turtle dévergondée, sa verve a bien chauffé la foule déjà présente pour sa prestation.
Faut dire que, sans méchant jeu de mot, une chanson comme « Mange moé l’cul », ça met la table et aiguise les appétits… Bon, (désolé Daily Rock, c’était un méchant jeu de mot, mais je ne suis pas l’auteur de ce titre fort accrocheur).
Merci Alice, une artiste à découvrir pour son talent d’autrice, ses mélodies accrocheuses et ses suggestions gastronomiques édifiantes.
Et c’est parti pour un tour, celui du somptueux théâtre psychiatrique d’Orloge Simard, et je dis un tour car il n’y aura pas d’acte 2 à ce théâtre (et c’est tant mieux). Un entracte, c’est un tue-vibe.
L’électricité dans l’air, le jeune public est survolté. Une foule de 500 personnes bien tassées, la plupart des spectateurs dans un état d’absence avant même les premières notes. En fait, 500 personnes, (si on enlève les esprits égarés), on devait être 36 âmes conscientes. Que nenni, Olivier et son groupe font irruption (cutanée) dans la salle avec une flopée de choristes louches en camisole de force pour entamer la solide « AUCUN CADRE »… tout le monde chante, les absents momentanés reviennent, il se passe un truc. Ce truc, c’est l’amour de l’inédit, de l’underground, le dévouement pour un artiste qui ne nous est pas imposé, un artiste qu’on décide sciemment d’aller encourager.
Olivier m’expliquait justement avant le spectacle ;
Olivier : … Ce genre de musique, ceux qui vont à sa rencontre, c’est ce qu’ils veulent. Ça ne joue pas au IGA, ça ne joue pas dans les radios. Si tu vas voir notre spectacle, c’est que tu as voulu y aller. Ce n’est pas Salut Bonjour qui t’aura incité à y aller. C’est une question d’adultes consentants…
Et justement, le public présent prouve hors de tout doute qu’ils ne se sont pas fait prier et s’en donnent à cœur joie. Ils sont en transe. Il y a une raison, les chansons du disque « Aucun Cadre » qu’on célèbre ce soir font un peu office de greatest hits pour le fanbase solide du groupe.
Olivier : On ne laisse pas beaucoup de place aux autres albums. Pour le dixième anniversaire de l’album Aucun Cadre, on laisse la place à Aucun Cadre. On passe en revue les chansons de A à Z, et on laisse quelques places à la fin pour les autres. Sur ce disque, y a beaucoup de chansons favorites des fans, c’est le genre de disque qui résonne en eux. Les gens les chantent beaucoup et ça lève au boutte.
Après Aucun Cadre, on balance La rue Bagot, Hymne à la bière et Bancs de brouillard.
Première constatation, tout est bon pour le public pour se rentrer dedans, je parle de trash et de mosh pit, pas de Brotel des bas-fonds d’Amsterdam (quoique je n’ai pas vérifié les toilettes de l’amphithéâtre).
On enchaîne l’album et le public se déchaîne.
La chanson 12 Pouces, qui m’a étrangement donné faim (mais pas pour les raisons que vous pensez), J.R., ma préférée d’Aucun Cadre, et Mireille, qui me rappelle de doux souvenirs des camps de cadets de ma jeunesse.
Le groupe est extraordinaire, déguisé en infirmiers déments, ils sont tight dans ce chaos organisé, Andy lance ses souliers et la foule ne lui restitue qu’un seul de ses sabots, où est l’autre ? … à croire que le senteux de pieds qui sévissait à Trois-Rivières il y a 20 ans est de retour au turbin… Andy recevra peut-être sous peu la venue d’un prince pas trop charmant qui viendra cendrillonner l’histoire en lui examinant son soulier pour mesurer le fit avec celui qu’il a volé. À suivre !
De l’humour Trash, ce n’est que pour les imbéciles du team premier degré ?
Olivier : J’n’ai pas tellement d’histoires pathétiques du team premier degré. On a reçu quelques messages, mais très peu, et ça me surprend. Le second degré, aujourd’hui, c’est plus rough. Les gens sont moins exposés à ça et prennent plus les trucs au pied de la lettre que v’là 10 ou 15 ans. La plupart des gens comprennent le niveau. Y’a peut-être juste certains organisateurs de festivals qui sont plus frileux avec les commentaires de ceux qui chialent. Ceux qui chialent s’expriment plus, ils parlent plus fort. Si les gens veulent nous voir, on y va. S’ils ne nous veulent pas, on n’y va pas.
On poursuit notre péril trash avec Trip de mush, Neige et peanut et autre Plotte au Bic. Le public est euphorique.
Moi et ma conjointe assistons alors à un classique dans ce genre de spectacle : la migration des grands tatas de plus de six pieds qui viennent vers l’avant de la scène pour niquer la vue des plus petits et des jeunes filles. Ils sont saouls, ils sont désagréables et l’exode de leur cerveau vers les limbes embrumés des royaumes éthyliques nous pousse à constamment nous mouvoir pour s’assurer d’un visuel. Cela dit, on n’est pas dans un spectacle d’Aznavour, on en est bien conscients.
Olivier au sujet de l’exubérance de certains :
Olivier : Le public ingérable ? Parfois j’insulte la foule, mais c’est pour le fun. La foule embarque et la foule comprend, mais de là à être vraiment en criss contre des gars trop saouls, pas vraiment. Parfois certains exagèrent, comme par exemple ils font n’importe quoi et lancent de la bière sur nos instruments et notre électricité. Guillaume a déjà donné un coup de pied à un gars (à la Sid Vicious). Ça a un côté rock et ça fait des anecdotes, mais bon, si on est provoqués, c’est sûr qu’on ripostera.
Le groupe possède une quantité astronomique de rouleaux de PQ, à croire que ce sont eux qui, pour se venger de la COVID qui leur a niqué l’occasion de faire une tournée pour À chacun son Waterloo, ont acheté tous les rouleaux de papier toilette du Costco pour avoir le plaisir de les lancer avec dégoût sur la masse de fans puants devant eux. « Torchez-vous », leur lancera Andy avec le mépris d’un homme qui s’est fait taxer son soulier.
Le papier, traînant par terre dans la bière et relancé par les gens, formait un rappel terrifiant que les mesures sanitaires sont belle et bien chose du passé.
Le groupe termine l’album Aucun Cadre et se lance dans un petit concentré de leurs classiques. Olivier est en forme, Andy est unijambiste, Jimmy et les deux frères (les 2 frères cool, pas les autres) sont impeccables. D’ailleurs, le batteur au dad bod bien assumé se la joue Nicko McBrain en bobette tout le long du spectacle, en lançant des répliques déphasées à faire décomplexer, sur son niveau d’humour, l’animateur de foule de La poule aux œufs d’or.
Tout est tellement déphasé que tout est génial.
Le public se met à faire le train, assis le cul dans la bière, c’est n’importe quoi (et c’est en même temps ce qui fait que la vie est amusante).
Orloge Simard, groupe pour les régions seulement ?
Olivier : Nous sommes un groupe régionaliste. Y’a-t-il une scission entre Montréal et les régions ? Je pense que oui. Pas avec tous les artistes, par contre. On s’entend bien avec beaucoup et faut faire attention avec ça, mais y’a un milieu plus fermé, plus dans leur gang, qui font leur petite affaire, et nous, on fait les nôtres. Mais quand même, Montréal, y’a un public pour nous. Ils sont nombreux et ils ont du fun.
Du fun ! Orloge Simard, c’est ça. Je laisse à ma blonde la dernière réplique au sujet du sympathique Olivier Simard après notre rencontre.
« Ce gars-là, il a le gène du bonheur. » On rencontrait un ami, pas un artiste pédant au-dessus de ses souliers — (ou de son soulier si on parle d’Andy).
Exactement chérie, elle a raison. C’est comme tout ce qui vient du Saguenay.
Je l’ai toujours dit, les Saguenéens, ils sont le cœur du Québec.
Quelle soirée incroyable. Merci les gars.
Longue vie à l’aliénation mentale en musique qui fait office de remède contre l’atonie du quotidien !!!
Le somptueux théâtre psychiatrique d’Orloge Simard à Trois-Rivières
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Éric St-Louis 14/04/2025
Crédit photo _ Cloé Gagné
