Dans l’antre séculaire de la Vidondée, Arnaud Favre orchestre les arcanes culturels depuis plus d’un an déjà. Le 11 avril, un événement singulier embrasa ses murs centenaires : les accords ténébreux de De L’Abîme Naît L’Aube, suivis de Nature Morte, résonnèrent sous le regard captivant de Lemmy Gonthier, le fameux peintre. Son pinceau, tel un sorcier, immortalisa cette nuit ensorcelée. Les esprits endormis s’éveillèrent peut-être à cette célébration, ajoutant un chapitre mystérieux à l’histoire de la Vidondée.
Dans l’obscurité veloutée de la nuit, mes pas me portent vers la commune de Riddes, un havre lové dans les ombres de l’oubli. Quelques âmes errent dans les rues désertes, perdues dans les méandres du temps. Qu’est-ce qui peut bien subsister de culturel dans cet éphémère village oublié des dieux ?
Je pénètre dans un vieux bâtiment, ses murs emprisonnant des secrets aussi sombres que profonds. Arnaud Favre m’accueille dans une salle imprégnée d’une aura sinistre, me dévoilant un lieu où les ombres dansent au son des murmures du passé. Les lumières vacillantes, les poutres anciennes… Un frisson glacial parcourt mon échine, comme si les fantômes des siècles révolus communiquaient à mes oreilles, réclamant justice pour d’anciennes atrocités.
Une douce fragrance emplit l’air, un luxe raffiné offert par les terres merveilleuses du Valais : la raclette. Arnaud, impérieux, m’offre une assiette de ce délice, un festin que seuls les élus peuvent savourer dans ce monde condamné.
La Vidondée se remplit peu à peu de spectateurs, leurs silhouettes se fondant dans les ténèbres comme des ombres affamées. Sur la scène, éclairée par une lueur mourante, un groupe de six êtres vêtus de blanc, leurs visages ornés de maquillages étincelants, s’apprête à invoquer le chaos. Ainsi débute le rituel de De L’Abîme Naît L’Aube, une cérémonie dont la puissance occulte promet une extase aussi déroutante qu’inexorable. Les murmures se taisent, laissant place à une tension palpable alors que le premier titre, « Une Pleine Absence », envahit l’espace, éveillant des émotions aussi sombres que captivantes.
Au fil des morceaux, je remarque le peintre, Lemmy Gonthier, s’immergeant dans les abysses de la musique, ses pinceaux dansant sur la toile comme des serpents hypnotisés. Inspiré par les noirs atmosphériques, il donne naissance à une œuvre d’art née des entrailles de l’obscurité, chaque coup de pinceau résonnant comme un écho des abysses.
Le concert atteint son apogée avec « Le Vertige D’Une Descendance », plongeant mon esprit dans un abîme de sensations indescriptibles. Le cadre, la musique, les spectateurs en transe, le peintre possédé… Tout fusionne dans une danse macabre, une symphonie de ténèbres empreinte d’une étrange douceur.
Et enfin, le dernier titre résonne, « Une Absolue Présence », enveloppant l’auditoire dans une atmosphère d’antagonismes. À travers chaque note, chaque mot, chaque coup de pinceau, je suis emporté dans un tourbillon d’émotions contradictoires, me laissant submergé par la magie noire et envoûtante de De L’Abîme Naît L’Aube.
Alors que les dernières notes s’évanouissent dans les ténèbres, je ne peux que m’incliner devant la grandeur de cette expérience. Mon voyage dans leur univers m’a fait vibrer d’une intensité insoupçonnée, m’arrachant à ma torpeur pour me plonger dans une transe captivante.
Bravo, De L’Abîme Naît L’Aube, pour avoir éclairé les recoins les plus sombres de mon âme et m’avoir fait ressentir, ne serait-ce qu’un instant, la vivacité de l’existence dans toute sa splendeur macabre.
Sébastien le chanteur me raconte : J’ai beaucoup fréquenté la Vidondée dans d’autres cadres. Cette salle a toujours eu une forte attraction sur moi. C’est un sanctuaire, et je suis honoré d’avoir pu mener ce rituel dans ce lieu sacré.
Maintenant le concert de Nature Morte commence.
Nature morte a pris possession des lieux dans une configuration close, presque repliée. Les lumières donnent une impression de sphère d’énergie, les flammes posées au sol percent comme un éclairage à la bougie dans une chambre sombre. Le son qui s’échappe est un mur, tout semble se mélanger, entre douceur et violence, bruit et mélodie. On s’échappe, on plane, mais on n’en sort pas indemne. La setlist présente beaucoup de morceaux de leur dernier album Odity qui porte bien son nom; l’expérience offerte nous porte ailleurs, dans un étrange espace-temps.
Texte : Juan Pablo L’Huillier
Photos : Michela Liberale Dorbolo