Ce vendredi 29 mars 2019, les Docks accueillent le groupe slovène Laibach pour une des dernières dates du Sound Of Music Tour.
Il arrive souvent que l’on ait droit à de la musique d’ambiance avant les concerts, généralement des vieux classiques dans le genre musical qui va suivre, mais ce soir c’est un peu spécial. Avec Laibach, ce n’est pas juste une expérience musicale, mais un concept qui s’exprime de plusieurs manières.
Emanation du NSK (Neue Slowenische Kunst, le nouvel art slovène), Laibach est surtout connu pour ses disques, mais c’est avant tout une constellation d’artistes qui s’expriment dans d’autres domaines également : la video, l’animation, le graphisme et même la façon de communiquer. C’est d’ailleurs probablement un des seuls groupes dont un membre fondateur, Ivan Novak, participe à la tournée sans avoir de rôle sur scène pendant le concert.
Tout cela pour dire que la musique d’ambiance fait partie du show et que pour entrer dans la thématique de l’album, nous avons d’abord droit à une bonne heure de bruits d’animaux, majoritairement des vaches, comme si vous passiez votre weekend à la ferme.
Comme d’habitude, pas de première partie, principalement car le groupe trouve cela humiliant pour les artistes amenés à ouvrir la soirée. Le concert de Laibach débute avec un peu de retard vers 21.10 heures. La scène est occupée par 6 musiciens qui arrivent à tour de rôle sous les applaudissements de la salle. Milan Fras est bien entendu vêtu de sa coiffe, mais aussi de grands habits blancs qui détonnent un peu avec son style habituel. Il est accompagné par le même groupe de musiciens que lors de la tournée précédente, ce qui est une bonne nouvelle car ils avaient été excellents à la Dampfzentrale l’an passé. A ses côtés, pour la première fois depuis longtemps, ce n’est pas Mina Spiler (congé maternité), mais Marina Martensson qui avait participé à l’enregistrement de l’album. Pour ma part, elle m’a scotché ce soir avec une voix très pure, qui a permis de rendre bien meilleures les versions studios trop kitsch de The Sound Of Music. Les échanges de voix entre Milan et Marina sont fluides et le résultat est excellent. Boris Benko de Silence, qui avait aussi participé à l’enregistrement, n’est en revanche pas là. Il apparaît épisodiquement en projection et sur bande sans que cela ne soit gênant.
Incroyable mais vrai, la RTS est venue avec une caméra faire quelques captations live pour accompagner une interview d’Ivan Novak filmée plus tôt dans la journée. Il est prévu que cela passe au journal télévisé de 19.30 heures du lendemain, ce qui me semble inimaginable, mais tant mieux pour cette exposition au grand public. On sera ainsi peut être plus nombreux la prochaine fois car ce soir c’était malheureusement à moitié rempli.
En 40 minutes, Laibach a joué la totalité de l’album dans l’ordre, dont une belle version de ‘Maria/Korea‘ et une magnifique interprétation de ‘Sixteen Going On Seventeen’ qui me donne envie de redonner une chance à ce disque.
Le set est ensuite coupé en deux avec un intermezzo dont la projection annonce un compte-à-rebours de 15 minutes avant la reprise.
Comme promis, cela repart mais dans une toute autre direction. Désormais retour aux racines industrielles pour un contraste complet. Comme pour l’illustrer, Milan Fras a troqué le blanc pour le noir et les projections video sont également beaucoup plus sombres. Bruits de machines, vacarme de rouages métalliques et rythmiques lourdes, le tout avec un niveau sonore bien plus élevé. C’est anxiogène et oppressant. ‘Smrt Za Smrt’ se révèle incroyablement puissant, tout comme la première face de ‘Nova Akropola’, dont le fameux ‘Vier Personen’ qui a mis en valeur des musiciens capables de reproduire le bruit d’usine avec leurs instruments. Cela se termine de la meilleure des manières avec le plus beau moment du concert : ‘Ti, Ki Izzivas‘, morceau grandiose qui n’aurait jamais dû sortir de la setlist et sur lequel Mina Spiler apparaît en projection avec son mégaphone.
Après ce grand écart, il y aura évidemment un rappel, mais je ne vois pas comment suivre un passage aussi intense.
Le groupe revient sur scène avec Martina complément transformée physiquement pour une version joyeuse de ‘Sympathy For The Devil‘ dont elle fait les Woohoo avec le public. Pas la meilleure des reprises faites par Laibach mais le public a l’air d’avoir besoin de décompresser un peu après l’agressivité de la seconde partie du set.
S’ensuivent deux morceaux inédits, ‘The Coming Race’ et ‘Surfing Through The Galaxy’, vraisemblablement un avant-goût de la musique du film ‘Iron Sky 2‘. Sur le dernier titre, Milan Fras ajoute un chapeau blanc de cow-boy par dessus sa coiffe tandis que Marina s’empare d’une guitare. On frôle la country ainsi que le ridicule, mais c’est manifestement assumé. Même la video se met à faire n’importe quoi avec en arrière-plan des images de jeux video dignes de la première Nintendo sur lesquelles on voit Milan chevaucher un missile.
Belle démonstration de la richesse du catalogue de Laibach, avec un concert en trois parties très distinctes. Et encore, il n’y a pas eu de partie avec les hits les plus connus. Décidément, ces slovènes sont uniques et j’attends déjà avec impatience leur prochain projet, ainsi que le fameux coffret ‘Laibach Revisited’ que l’on nous promet depuis des mois.
Atterrissage en douceur ensuite avec une after party emmenée par le binôme Katzenschrei et ses disques pour ceux qui voulaient prolonger la nuit.