Tous les deux ans, le festival Label Suisse investit Lausanne pour trois jours de concerts gratuits afin de célébrer la musique et les artistes nationaux. Au total, ce sont une soixantaine de concerts offerts dans tous les coins de la capitale vaudoise. Outre les salles habituées aux concerts comme les Docks ou le Romandie, les prestations débordent dans des endroits insolites comme l’église St-François. L’offre est tellement riche que les concerts se chevauchent souvent. Impossible de tout voir donc, du coup j’ai dû faire une sélection.
Le premier jour, j’ai débuté la soirée par l’Eglise St-François pour le concert intimiste de The Two format duo. Les deux musiciens assis devant l’autel avec leur guitare sèche et un parterre impressionnant de gens assis aussi. Le pasteur, pas jaloux de voir autant de monde en un soir que sur toute une année, les a chaleureusement introduits. Faute d’amplification, difficile de bien entendre à l’arrière du bâtiment, mais la prestation était plaisante avec deux musiciens sympas et talentueux, tout étonnés du contexte et de la foule présente. Personnellement, c’était bien la première fois que je m’agenouillais dans une église, certes pour prendre des photos, mais cela faisait bizarre.
Quelques mètres plus bas, KT Gorique a ensuite enflammé le Romandie avec son flow imparable devant un public conquis. Accompagnée de deux MCs et d’une danseuse, la rappeuse romande a bien tenu la scène confirmant ainsi son ascension fulgurante. Le show était un peu brouillon mais l’énergie déployée a largement compensé.
Sur la grande scène, à 23.00 heures, premier gros événement pour les fans de Metal avec la venue de Zeal & Ardor, le groupe suisse dont on parle beaucoup à l’extérieur de nos frontières depuis maintenant deux ans grâce à son black metal teinté de gospel. Leur show est bien rôdé après un été à tourner ce deuxième album et cela a été sans comparaison avec le concert un peu emprunté de Rock Oz’Arènes l’été passé. Avec deux hommes pour les chœurs et son très propre, le rendu était optimal. Difficile de dire si Manuel Gagneux et ses musiciens ont réussi à convertir de nouveaux fans. Le public présent semblait déjà bien au fait du parcours de Zeal & Ardor, mais on a également vu de nombreuses personnes sans les codes vestimentaires du genre dans le public qui semblaient apprécier. Soirée de contraste donc puisqu’après avoir débuté celle-ci dans une église, elle a pris fin avec une heure d’ode au démon en plein centre-ville.
Samedi, le festival commence en famille dans le public sur la place centrale à 17.00 heures pour revoir The Two, cette fois en version les copains à bord. Beaucoup d’enfants sous le soleil pour assister à cette prestation, dont les miens. Mon fils de 3 ans a beaucoup aimé ce qui devait être son premier concert, mais il a surtout retenu la grosse trompette qui jouait « très très fort ». Très à l’aise sur scène, les musiciens invitent le public à chanter avec eux et assurent un show familial, idéal pour une fin d’après-midi ensoleillée. Ce n’est pas pour rien que ce groupe, qui a largement écumé les scènes chez nous, s’est vu confier deux créneaux sur les trois jours du festival. Totalement mérité.
Le soir, direction les Docks d’abord pour la prestation d’ Aliose, de mémoire le seul groupe présent en 2016 (c’était au D ! sauf erreur) à revenir en 2018, preuve là aussi de son statut de groupe incontournable après de nombreuses dates dans les salles et festivals du coin. Les Docks sont pleins lorsque le duo prend possession de la scène avec ses musiciens. La setlist se concentre sur le répertoire un peu plus rythmé du groupe et c’est tant mieux. Alizée, la chanteuse a un peu moins de voix que d’habitude ce qui s’entend un peu après quelques morceaux. On me dira après qu’elle était un peu malade. Bravo à elle car elle a bien assuré. Pas le temps de tout voir car il faut remonter au centre-ville. Au passage, on relèvera la navette old school, le rétrobus, qui faisait gratuitement l’aller-retour vers Sévelin.
Sur la grande scène, il y avait donc Pegasus, un groupe qui cartonne outre-Sarine et que j’ai découvert en live avec un chanteur un peu exubérant mais qui a tenu le public dans sa poche avec une aisance folle. Le biennois assure le show avec son français teinté d’accent suisse-allemand entre les morceaux et n’hésite pas à vanner ses musiciens moins polyglottes que lui. Entre deux blagues, on a droit à des chansons étonnamment biens, qui rencontrent un beau succès sur une place centrale archi-comble. Même le pont qui longe la place centrale était plein. Lorsque j’arrive, des membres du groupe quittent la scène pour aller se placer au milieu du public tout en jouant et chantant. Pas un hasard non plus si la grande scène a été confiée à Pegasus, que l’on n’a pas fini d’entendre et de revoir à mon avis.
Retour aux Docks pour le concert que j’attendais le plus de la soirée de samedi, avec Samael. Deuxième soir et deuxième concert de Metal déjà, chouette programmation ! En partenariat avec le festival BDFil qui a lieu en même temps que Label Suisse, un artiste était invité à faire une animation graphique pendant le concert. Après quelques dates dont le Wacken Open Air ou plus modestement l’Octopode, le groupe arrive rôdé avec un nouveau bassiste déjà bien intégré. J’avais pas fait attention, mais c’est Pierre Carroz, le guitariste d’Herod qui a pris le poste. Les Docks sont moins pleins que pour Aliose, mais il y a du monde pour les vétérans valaisans. On patiente avec du Laibach dans la sono avant que les musiciens ne débarquent sur scène. Si la setlist ce soir est parfaite, le son était moyen à mon goût avec une voix à peine audible. Dommage, d’autant plus qu’entre les morceaux on entendait très bien Vorph lorsqu’il communiquait avec le public. Maléfiquement bien quand même.
Dimanche, déjà le dernier jour et on se pince pour y croire : Coroner sur la grande scène à 20.30 heures. Cela semble juste inimaginable surtout que le groupe ne tourne qu’occasionnellement et que sa carrière discographique a pris fin il y a belle lurette, malgré des promesses de nouvel album depuis des années. Certes, cela reste un groupe culte, mais de là à le mettre sur la grande scène dans un festival tout public, il y a un pas qu’il fallait oser faire. Bravo aux programmateurs d’avoir eu le courage de les faire jouer et plus généralement d’avoir invité des groupes de Metal pendant les trois jours. Il faut dire qu’en Suisse on est relativement gâtés dans cette catégorie musicale et il est donc logique de retrouver quelques groupes de ce style dans un festival qui se veut représentatif. Retour à Coroner, on voit des musiciens appliqués, surtout Tommy, l’unique guitariste, pour un show néanmoins très réussi. Certes c’est un peu statique et plusieurs morceaux datent un peu. Mais dans l’ensemble, on se rend surtout compte que ce groupe avait des années d’avance avec sa musique. De nombreuses chansons envoient encore parfaitement bien en 2018, notamment « Grin » et Ron, le chanteur-bassiste a fait régulièrement l’effort de parler en français entre les morceaux. Une heure de concert très agréable. On en redemanderait volontiers, mais il n’y aura pas de rappel.
Pendant Coroner, petite pause pour aller jeter une oreille au D ! Club voisin afin de voir un bout du concert d’Evelinn Trouble, toute fraîche lauréate du prix suisse de Musique. La Zurichoise sobrement vêtue d’un leggings Toutankhamon a l’air bien motivée pour retourner le D ! Les deux morceaux que j’ai vus étaient sympas, mais, comme lors de son concert en ouverte de Blonde Redhead aux Docks l’an passé, il manquait encore un petit quelque chose pour que cela prenne bien, du coup retour sur la place centrale pour voir la fin du set de Coroner.
A peine terminé, retour au D ! pour apercevoir un petit bout de Danitsa que j’avais encore jamais vue en concert. Son DJ fait monter la sauce pendant plusieurs minutes avant qu’elle ne débarque micro en main. Comme avec KT Gorique la veille, le public est acquis à sa cause et le club est plein à craquer. La voix est impeccable et les quelques titres que j’entends fonctionnent bien. Elle est super pétillante et donne envie de la réentendre prochainement.
Dernier concert sur la grande scène de la Place centrale avec Kadebostany, qui fait son retour dans la ville d’origine de son président. Pour ceux qui ont déjà vu le groupe encore par le passé, on se rend vite compte du chemin parcouru et du changement de statut acquis par celui-ci. Le light show est au point, le son est parfait et surtout le répertoire regorge de tubes désormais. Kristina, la nouvelle chanteuse guitariste est là depuis maintenant 2 ans et elle a bien réussi à s’intégrer. Sa voix est superbe et c’est surtout elle qui fait le show, que ce soir en jouant de la guitare en se roulant par terre ou en descendant sur le petit podium au pied de la scène pour s’approcher du public. Là aussi, la place est noire de monde et à entendre les applaudissements nourris entre chaque chanson, on se dit que décidément on a de la chance d’avoir un festival pareil absolument gratuit sur trois jours et qui plus est sur le weekend du Jeûne fédéral.
Seul regret, ne pas avoir eu le courage de remonter au Bourg pour voir un bout du concert de Sandor. Trois jours à courir d’une scène à l’autre, c’est fatiguant.
L’édition 2018 avec sa programmation de qualité et ses températures agréables restera dans les mémoires un certain temps des presque 90’000 personnes qui en ont profité. Rendez-vous dans deux ans, même place, même endroit.