Avec le temps, la musique de la fratrie Followil avait semblé se figer dans une forme proprette sans relief. Son rock était bien loin de ses premiers efforts, de ces rythmiques vives envoyant au charbon des guitares rugueuses et la voix cassée de Caleb. Elle était l’incarnation parfaite de la résignation en matière d’écriture, l’image d’une industrie qui pousse à faire et à refaire ce qui est censé plaire aux fans. Mais avec la sortie du single « Mustang », cette frilosité à défier les codes semblait avoir été dépassée. Rythmique saccadée, guitare cabossée, texture poisseuse, avait-on enfin retrouvé ce combo qui ne visait pas que les audiences des grands stades ? Surtout il y avait ce titre d’album en forme de pointe de frustration. Restait à savoir comment les musiciens allaient s’y prendre pour s’amuser. Alors ce n’est sûrement pas en cherchant à user des vieilles formules, mais bien en osant le contre-pied, les fêlures, la tension sous-jacente. Les plus d’une minute trente sans le moindre coup de batterie de « Ballerine Radio » en sont un premier exemple probant. Il y a aussi cette volonté souvent affichée de refuser que le tempo s’accélère, préférant la moiteur et les enluminures boisées (« Actual Daydream »). Si les guitares sont parfois plus coulantes, les mélodies moins racoleuses (« Split Screen ») le groupe travaille avec une classe cette retenue. Et il y a ces arrangements décalés qui ouvrent le champ des possibles, comme les textures synthétiques pales de « Rainbow Ball » qui vont fort bien à leur teint buriné du Tennessee. Et là où le groupe semble le plus prendre du plaisir c’est à chambouler les habitues d’écoute. Fini l’ordre établi de ces albums qui vous en mettent plein la vue dès le départ et s’écrasent piteusement dès l’inspiration primale évaporée. Ce n’est bien qu’en deuxième partie d’album que les guitares osent les lignes tendues et le chant se lancer dans une mélodie fiévreuse. Cela ne dure qu’un instant, et c’est bien ainsi. [YP]
Note: 3.5/5
