Il est amusant de constater que, même après les extravagances pop des Beatles et autres Kinks , le rock’n’roll à papa n’a jamais disparu. Attention, quant je parle de rock’n’roll à papa, je ne parle pas des déflagrations rythmiques d’ACDC , ou du blues graisseux de ces bons vieux ZZ Top, mais bien de la matière brute maniée par Chuck Berry , Eddie Cochran , et Elvis période « Jailhouse Rock ».
A cette époque, le rock ne cherchait pas l’originalité, il était l’originalité, et pouvait donc se permettre de balancer une musique furieusement basique et sans compromis. Cette période d’innocence , beaucoup ont tenté de la faire renaître avec plus ou moins de succès. Creedence Clearwater Revival pariait sur un son très puriste, et parvenait à décrocher la timbale au milieu des pompeuses mélodies psychédeliques. Quelques , années plus tard, les Stray Cats firent encore mieux, se permettant d’arborer la banane, et jouant le rockabilly le plus basique. Mais ils n’étaient plus dans l’air du temps, leur nostalgie collant parfaitement avec un mouvement punk qui, en fin de compte, n’exprimait rien d’autre que cette envie de revenir à la formule orgiaque des débuts du rock’n’roll.
Jim Jones est le digne descendant de ces groupes, et a touché le graal en jouant en première partie du maître Chuck Berry avec la Jim Jones revue. Sans doute trop fin pour se contenter d’une formule aussi limitée, il met fin à ce premier groupe , et forme Jim Jones And the Righteous Mind en 2014. On passera sur la sortie du premier disque, en 2017, qui fut aussi acclamé par la critique qu’ignorer par le grand public, pour en venir directement à ce ‘Collectiv’ sorti cette année.
Partagé entre la chaleur des usines de Detroit des années 60-70 , et le rock brute de pomme qu’il a toujours défendu, ‘Collectiv’ est l’œuvre de tacherons ayant trouvé les clefs du rock abrasif et sans concession. Placé en ouverture, « Sex Robot » vient se frotter aux joyeuses orgies sonores des Stooges, avec un riff agressif que n’aurait pas renié les frères Asheton. On change ensuite de registre , « Satan Got His Heart On ou » s’insérant dans la tradition des grand blues libidineux , les guitares en ruts lançant leurs coups de boutoirs sur un rythme lascif , pendant que Jim Jones hurle avec la virilité d’un Muddy Water .
Et puis on repart dans un rock crasseux , qui se teinte parfois d’un psychédélisme sombre à faire pâlir les Cramps. « Attack of the Killer Brain » a des airs de bad trip sous acide , les guitares hypnotiques semblant dévorer le cerveau de l’auditeur , avec un Jim Jones toujours impeccable dans ce blues psychotique. Puis les guitares s’emballent de nouveaux, ressuscitant le rock hargneux du MC5 , pendant que Jones hurle au milieux de la tempête.
Alternant accalmie hypnotique et décharge stoogienne, Jim Jones reprend sa plus belle voie de crooner, pour un meth church aux allure de cérémonie voodoo. Il flotte toujours, au milieux de ce grand défouloir garage rock, une ambiance insouciante, servie avec une énergie sans concession. Quand ‘Collectiv’ flirte avec le psychédélisme , c’est un psychédélisme sombre , entre blues sous acide (« Dark Secret) et chant de crooner viril (‘Meth Church’), la tension pesante de ses mélodies subversives permettant de calmer le jeu sans relâcher la tension .
Et que dire encore de ce « I find a Love » , qui nous donne l’impression d’entendre un Eddie Cochran jouant au milieu des Stooges lors d’une soirée sous speed.Il n’en fallait pas plus pour symboliser l’apothéose d’un disque qui sonne comme une claque furieusement rock.
« C ollectiv » est irrésistible parceque Jim Jones a compris que, pour durer , il vaut mieux balancer la sauce avec la conviction du premier communiant ,que chercher des formules alambiquées , qui sont souvent juste bonnes à diluer l’énergie qui est au cœur du vrai rock’n’roll.