Si jeune et déjà tout d’un grand, comment expliquer l’engouement qui entoure Regarde Les Hommes Tomber ?

Antoine : L’engouement c’est un peu compliqué à expliquer car le groupe marche bien et a toujours bien marché. Alors qu’on a eu des groupes, avant, et ça n’a jamais autant décollé. Peut-être qu’on a été là au bon moment. Beaucoup de gens nous l’ont dit tout à l’heure en séance de dédicace, on a réussi à allier la musique avec un concept sans être un truc chiant tiré par les cheveux, un truc simple avec une musique, une ambiance et des visuels .

Jean-Jérôme : On a joué dans des groupes auparavant, mais je pense que ce groupe-là, c’est le premier groupe qu’on a pris au sérieux nous-mêmes. On s’est dit : on va bien travailler les textes, on va bien travailler la musique, les visuels et du coup, on est arrivé à quelque chose de cohérent. Et il est vrai qu’au moment où on est arrivé, il n’y avait pas beaucoup de groupes de Post-black. Il y a un historique Black Métal en France , on a rien inventé on est loin d’être les premiers. Mais mélanger le Black avec tous ces styles, je pense qu’on a été les premiers à faire ça.

Antoine: Oui et puis on n’a pas fait ça volontairement. On n’a jamais cherché à avoir ça quand on a monté le groupe. J.J composait les morceaux, on faisait ça pour le plaisir. Et on s’est dit la musique est mortelle et on a réfléchi à lui apporter du visuel. Mais franchement moi Post black, j’aime pas trop cette étiquette, jamais, jamais on a monté ça en se disant on va faire ça.

Jean- Jérôme : C‘était quand même bien inspiré Black Métal mais le but du jeu n’était pas de faire un groupe de Black, on a été catégorisé comme ça mais c’est vrai que c’était pas voulu.

Comment résumer le parcours effectué depuis la création du groupe ? Votre évolution dans la manière de composer par exemple.

Antoine:  Déjà je pense que par rapport aux débuts du groupe; on a changé notre manière de jouer. On jouait moins vite, on était moins extrême, et au fur et à mesure, à force de se retrouver sur des concerts avec des groupes plus extrêmes, on a commencé un peu à jouer plus vite mais pas au détriment de l’atmosphère…

Jean- Jérôme : Je me permets de temporiser. En fait on aborde nos concerts différemment que ce soit en plein air comme ça ou en salle. En plein air comme les concerts qu’on a donnés au Hellfest ou au Sylak, ce sont des festivals métal, on va avoir tendance à jouer vraiment métal, à jouer très vite et à enchaîner les morceaux. Par contre en salle on va plus poser les ambiances, jouer plus lentement, plus lourd. On s’adapte. mais c’est vrai que depuis qu’on fait des concerts, depuis 2012 on a tendance à accélérer le tempo (rire).

Antoine : C’est vrai qu’on commence à se rapprocher du Métal extrême, à rajouter du blast et tout, mais jamais au détriment de l’atmosphère. ….

Jean- Jérôme : D’autant plus qu’il y a eu une certaine évolution entre le premier et le deuxième album.  Le premier était plus lourd, le deuxième… (réflexion…. les influences Black sont beaucoup plus présentes , les morceaux sont beaucoup plus rapides . En composant le deuxième album, en répétant, naturellement on a accéléré et on a aussi accéléré les morceaux du premier album.

Antoine: Si tu veux, le deuxième album est vraiment à l’image de nos concerts. tu vois le premier était plutôt issu de nos répétitions, le deuxième on avait plus d’expérience, on avait plus affiné notre style. Tiens, un truc à la con: le premier on l’a enregistré au métronome le deuxième on l’a fait en live. Et ça change tout !!

« Exile » a connu un vif succès depuis sa sortie, quel est la force de cet album ?

Jean-Jérôme : Comme je te l’ai dit, déjà il y a plus de maturité. Le premier album je l’ai composé quasiment tout seul, les gars sont arrivés après, on n’a quasi rien changé. Le deuxième, c’est l’album d’un vrai groupe on l’a fait tous ensemble. C’est beaucoup plus propre, beaucoup plus riche, beaucoup plus travaillé.  Quand on est sorti du studio et qu’on l’a entendu on était réellement content du rendu, on savait qu’on pouvait faire quelque chose, sans penser que ça prendrait ces proportions.

Antoine: Je crois que j’ai rien à rajouter. Il colle plus à ce qu’on aime faire maintenant en concert. Et tu vois le premier j’arrive plus à l’écouter.

Jean-Jérôme: Pour finir sur ta question, là où on a réellement pris conscience qu’on avait fait un bon album et qu’on s’est prit une claque, c’est au Hellfest. Quand on est monté sur scène, quand on a vue la tente pleine à craquer, on s’est dit qu’on avait quelque chose de bien.

Sur vos deux pochettes d’album, on a deux bâtiments au centre des illustrations. Quelle est leur signification ?

Antoine: Moi je tiens cette phrase du film de Jacques Audiard et j’ai trouvé que ça correspondait bien à la musique que composait JJ. Ensuite il fallait développer un univers cohérent, donc on s’est rapproché de tout ce qui est punition divine. Ce que je trouve intéressant c’est d’avoir des paroles ésotériques dans un groupe de Black. Pour moi un groupe qui ne parle pas d’ésotérisme, de nature ou de spirituel, ben c’est pas un groupe de Black Metal. Babel c’est un clin d’oeil à plein de trucs en définitive. Pour le deuxième, on a eu l’artwork  avant d’avoir le nom du deuxième album. Perso j’ai eu l’idée du nom « Exile » mais ça n’a strictement rien à voir avec l’artwork, je peux pas te dire à quoi ça correspond, mais ça n’a rien à voir.  Mais « Exile » se rapporte tout de même aux thèmes abordés dans l’album, l’ancien testament, l’exode des Hébreux…

Jean-Jérôme: Les textes sont dans la continuité du premier album.  Quelque part sur l’artwork du premier album, quand tu vois ces gens qui se battent en bas de la tour de Babel, ben l’exil qu’on relate sur le deuxième album c’est la suite de cette bataille.

Ça va faire maintenant deux ans que vous défendez votre dernier album «Exile», quand comptez- vous vous mettre à composer le suivant ?

Jean-Jérôme: Ben on arrive à la fin des concerts avec cet album. On va faire une tournée avec Der Weg, il nous restera encore deux trois concerts et après on arrête, on travaille, on travaille, on travaille.

Antoine: J’ai énormément de respect pour les gens qui arrivent à composer en même temps qu’ils font des concerts. Là on a travaillé « Exile » les week ends et on a pris notre temps. Ben là on a bien envie de faire la même chose et de prendre notre temps et c’est ce que tout le monde nous incite à faire.

Quand on sort deux albums de très haute teneur, comment on envisage l’écriture du prochain, il n’y a pas trop de prise de tête sur la compo ?

Antoine: C’est horrible, c’est atroce. Pour « Exile » on a passé 4 à 5 mois, et on en a chié. C’était du travail très intense, on s’est complètement mis dedans. Mais tu sais, chez nous, quand on a réussi à composer un bon morceau on est content. Je pense que dans le groupe chacun a un regard différent sur le groupe. Le morceau est bon s’il y a l’unanimité. Satisfaire tout le monde, c’est compliqué, et il faut également que le morceau vive en répète.

Jean-Jérôme : Si nous on n’a pas des frissons en jouant, c’est que c’est pas un bon morceau pour nous !! (rire)

Pour accentuer le sentiment de dépression, de lourdeur de votre son, que seriez-vous prêt à faire de plus ?

Antoine : Sur le premier album on avait loué un hangar gigantesque pour faire les prises de batterie et avoir une réverbération naturelle. Mais malheureusement c’est pas ce qui marche le mieux en termes de son.

Jean-Jérôme : Après je ne pense pas que ça puisse dépendre d’un lieu d’enregistrement, je pense que ça dépend plus de nos sentiments au moment où on compose. De ce qu’on a nous, de ce qu’on ressent, des émotions sombres. Tu vois quand j’ai composé le premier album c’était surtout pour mettre en musique les choses que je n’arrivais pas à mettre en mots. Si la musique qu’on fait est comme elle est, c’est parce que nous sommes comme ça, c’est ce que nous sommes, ça vient des tripes.

Est-ce que Regarde les Hommes tomber pourrait être un groupe instrumental ?

En choeur : Ça a failli l’être.

Jean-Jérôme : Au début on s’est énormément posé la question car on ne ressentait pas vraiment le besoin de mettre du chant. Les instruments étaient déjà  très travaillés, les ambiances étaient très présentes. Mais ce qui s’est passé, c’est que vu qu’on est des amoureux du live, on s’est dit qu’en live il faut qu’on ait de l’impact …

Antoine : Rappelle- toi au début JJ, on disait : oui peut-être ou pas, et si on en met ce sera l’un de nous, comme ça on continue à privilégier les atmosphères et on en place de temps en temps. JJ avait testé (rire général). Après on s’est dit « il faut un chanteur », mais il ne faut pas que ça soit lui qui soit en avant. Mais maintenant à force d’évoluer en live on se rend compte qu’on est content d’avoir Thomas. Il arrive à incarner la pesanteur, le côté malsain du truc et Thomas est vraiment capable d’incarner la musique.

Jean-Jérôme: C’est vrai qu’il vit le truc en live, ça va parfaitement à l’imagerie.

Est-ce que Regarde les hommes tomber pourrait faire soit du Post soit du Black ?

Antoine: Ça doit être possible. Toi tu peux composer pas mal de truc post-Hardcore et moi me charger des trucs de Black.

Jean-Jérôme: Mais jamais tu auras un vinyle avec un coté Black et un côté post. L’identité du groupe c’est le mélange de ces influences.

Vous partez sur les routes d’Europe avec Der Weg Einer Freiheit , c’est vous qui décidez de monter cette tournée ou c’est eux qui vous invitent sur ces dates ?

Jean-Jérôme: C’est le chanteur du groupe qui est fan de ce que l’on fait et qui nous a invité. Et ils ont pas encore une grosse renommée en France, plus en Allemagne mais pas chez nous. Nous en France je pense qu’on est pas mal maintenant , donc il devrait y avoir du monde, et ça permettra de donner de la visibilité aux deux groupes.

Quel est votre plus vieux souvenir musical ou sonore ?

Jean-Jérôme: Moi ce serait mon grand frère qui me fait écouter Bohemian Rapsody quand j’avais 9 ans.

Antoine: Mon père qui me fait écouter Hendrix à Woodstock. Je me souviens de l’hymne américain c’était énorme.

Le premier album que vous avez achetés :

Antoine: Slayer – Gods Hates Us All

Jean-Jérôme : Le troisième album de Machine Head, celui avec la reprise de Police.

Finissez-moi cette phrase: « Je l’ai jamais dis à personne mais … »

Jean-Jérôme : Personne ne le saura.

OK, je vous laisse le dernier mot !

Antoine: Ben merci à toi déjà, et après écoutez la scène française. Nous on a eu du bol mais il y a plein de groupes qui méritent également d’être écoutés, il y a plein de choses près de chez vous.

Merci à  Jean-Jérôme et Antoine , Merci à Blandine (Les acteurs de l’ombre)

 

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