Plus de 40 années que Hubert-Félix Thiéfaine nous distille sa poésie musicale, retour sur sa carrière.
DRF : Hubert-Félix Thiéfaine vous fêterez vos 40 ans de carrière l’année prochaine. Parfois vous regardez en arrière et vous méditez sur ce que vous avez accompli ?
Hubert Felix Thiéfaine : J’ai fêté mes 40 ans en 2013. J’ai commencé à la sortie de la fac. A ce moment-là j’ai décidé de vivre de ma musique. Je me suis aperçu qu’on n’en vivait pas, mais ça ne m’a pas empêché de continuer. Donc dans deux ans on fêtera la sortie de mon premier album effectivement.
DRF : Vous jouez avec votre fils, il a un sacré talent, est-ce que de la jeunesse dans un groupe cela apporte un souffle nouveau aux compositions ?
HFT : Lucas a complètement retranscrit ce que je voulais faire passer dans la musique. Il a saisi la couleur des chansons. Je suis enthousiasmé par son travail notamment sur « En Remontant le Fleuve ». Là j’ai un arrangeur qui s’appuie sur le texte et non sur la musique. Il a vraiment cerné le texte et, en tant que réalisateur, il a poussé plus loin sa recherche du son parfait. Moi je lui ai laissé les pleins pouvoirs pour travailler, je lui ai laissé les clefs. J’ai une confiance totale en lui, il a de très grande capacité ce môme et puis je le connais contrairement à un autre réalisateur.
DRF : La médiocratie : l’art de vivre à la française ou un art de vivre mondial ?
HFT : Houlà, j’ai eu l’a chance de connaitre l’Amérique profonde. En France, la France profonde c’est des prix nobels. C’est international malheureusement, le problème n’est pas franco-français.
DRF : Je travaille avec des personnes âgées et les plus jeunes de mes résidents parlent de vous comme l’un des derniers grands chanteurs français surtout le dernier grand parolier, d’après vous la chanson à texte comme la vôtre est bel et bien sûr le déclin ou il y a encore quelques valeurs sûres en France ?
HFT : J’en ai rien à foutre de la chanson à texte moi je suis chanteur. J’ai décidé d’être chanteur à 12 ans et à 12 ans tu ne trouves pas de parolier pour écrire tes textes ou composer ta musique, alors tu fais tout toi-même. Je ne suis pas un chanteur à texte, je suis un chanteur, pour faire une chanson il faut de la musique et des textes. Moi je ramène tout chez moi et je fais ma mixture. J’y peux rien si y a une décadence dans la langue française au point de vue des textes, mais les Anglais c’est un peu la même chose, y a pas de Nick Cave, de Lou Reed. Le rôle du chanteur c’est de chanter des textes justes sur des musiques, moi c’est ce que je fais et j’essaie de le faire le mieux possible.
DRF : En parlant de groupes français, il y a un groupe qui dernièrement t’a fait de l’effet en l’écoutant ? Tu t’es dit « tiens enfin quelque chose de potable » ?
HFT : Non mais j’ai des idées de ce que pourrait être l’avenir. J’ai des idées pour créer des choses. Quand je compose un morceau, j’écris la musique que j’aimerais entendre et actuellement là je suis alaise y a pas beaucoup de chose que j’aimerais entendre qui sont joués. Sinon, quand je vais à ma salle de sport j’entends des trucs à la radio, mais y a pas grand-chose qui me transcende.
DRF : On vous a vu il y a quelques semaines aux Eurockéennes. Qu’est ce qui t’a fait accepter le duo avec Skip the Use, vos deux groupes étant aux antipodes musicalement.
HFT : J’ai toujours pris des risques et notamment sur le plan musical. J’ai fait un certain nombre d’albums qui sont des albums expérimentaux. Je vous disais que j’avais envie d’écrire la chanson que je veux entendre et qui n’existe pas. J’ai rencontré Math le chanteur de Skip The Use. Et je lui ai demandé de composer la mélodie de « Médiocratie ». Il m’a invité sur la carte blanche de Skip The Use aux Eurockéennes et on a fait la « Fille du Coupeur de joints » en version punk. J’en ai fait une tripotée de reprise du coupeur, mais là je ne pensais pas qu’une version du coupeur était possible en punk… et c’était très bien.
DRF : On voit sur le net des groupes s’intituler « Thiéfaine le poète maudit » tu as cette impression-là ?
HFT: Oui longtemps il y a eu un côté maudit, du fait que j’ai été victime d’une censure sans être censuré. En fait je n’ai pas bénéficié de la publicité de l’objet censuré comme l’a eu Baudelaire avec Les Fleurs du mal ou Gainsbourg avec « Je t’aime moi non plus » dans certains pays. On m’a censuré mais sournoisement notamment en ne me passant pas dans les médias.
Maintenant disons qu’il y a une caractéristique du poète maudit qui traine sa misère toute sa vie. Moi j’ai un public qui a su me garder en état de marche et qui m’a permis de vivre et d’exister. Donc oui au début c’est chaud mais merci à eux.
Merci à Christophe et la dame travaillant avec HFT pour l’opportunité, merci à Eric pour les photos.