DRF : L’année 2017 commence avec une nouvelle tournée, comment ça ce passe ?
Julien : Le week-end dernier on a fait Nantes et Orléans. Du coup, comme c’est un peu la deuxième partie de la tournée, l’album a déjà plus d’un an, le buzz est un peu passé, mais il y avait des coins que l’on n’avait pas encore fait donc on est sur les routes mais doucement. On n’a rien en mars et on reprend en avril.
Medhi : On a une quinzaine de dates pour finir l’année et la promo de « This Is », et exposer aussi les morceaux enregistrés sur un split avec un groupe japonais, qui sort début du mois de mars.
DRF : L’accordage, la lourdeur, la lenteur sont les marques de fabrique du groupe. Le choix du matériel est-il aussi quelque chose de primordial pour avoir le son adéquat ?
Julien : Carrément, tu vois pour cette tournée, on est content car on a réussi à emmener tout le matos qu’on a en répète. Et c’est important pour nous car ça fait partie de notre son, de notre marque de fabrique. On est obligés de jouer avec ces types d’amplis, de jouer fort. Même sur scène, ça habille le truc ….
Medhi : Tu vois, ça fait partie de notre travail quotidien. On n’est pas des « geeks » du son non plus, mais on est des passionnés. On se voit souvent, on parle souvent de son et de matériel. On achète beaucoup de nouveau matériel, on récupère des vieilleries, on teste, on s’essaye. On explore énormément là-dessus. Avant tout, la base c’est l’exploration, avec du nouveau matériel en repère. Même si on enregistre chez le même gars, qu’on garde les mêmes formules, les mêmes peaux, avec l’évolution de notre matériel et la manière dont on l’exploite, ça donne de la nouveauté tout de même. C’est à chaque fois enrichissant.
DRF : Aujourd’hui vous sortez un split… Enfin hier quoi. Déjà, quel est le titre ? Parce que là… je ne suis déjà pas très fort en anglais, alors en japonais…
Julien : Bon, Greenmachine ce n’est pas trop compliqué, mais les écritures en dessous en japonais, ce n’est pas très compliqué c’est le nom des deux groupes en japonais.
DRF : D’ailleurs vous sortez deux supports différents : format cd au Japon, format vinyle en France.
Medhi : Ben c’est comme ça que les labels l’ont dealé. Ici, MusicFearSatan a décidé de le faire en format vinyle, et au Japon en version CD car ce format est plus vendeur là-bas. Nous, on est content comme ça, ça fait deux formats différents. J’espère recevoir les pressages japonais, tu en as déjà acheté ? C’est génial car il y a toujours un livret cartonné avec le nom en japonais. C’est le petit folklore qu’on aime bien, et ça fait un bel objet pour les collectionneurs.
DRF : Ce split album sort avec un groupe japonais, Greenmachine. Vous sortez de la zone Europe après avoir collaboré avec deux groupes français et un groupe Belge/Hollandais, et vous changez aussi de style de collaboration, d’habitude c’est plus doom sludge, et là c’est hardcore. Est-ce que «de la différence naît la richesse de l’objet» ?
Julien : Ce n’est pas vraiment hardcore non plus, ils ont quand une bonne consonance stoner…
Medhi : Tu sais, dans les années 90, ils ont été un peu précurseurs du sludge japonais, un peu comme Iron Monkey le précurseur européen/anglais, le Eyehategod anglais. Du coup ils ont été un peu le porte-drapeau du sludge hardcore. Là, en plus, pour l’enregistrement de ce morceau, c’est vraiment un retour dans ce qu’ils faisaient dans les années 90. C’est vraiment classable dans du sludge plus que du hardcore. Mais bon le choix ne sait pas fait là-dessus.
DRF : Pourquoi le choix de ce groupe pour ce split ?
Julien : La connexion s’est faite pendant une de tournée avec Arkangel. On croise un mec avec un T-Shirt de Outlaw Order, groupe qui n’a rien à voir avec les types qui venaient à un concert de hardcore. On passe la soirée avec lui et on avait avec nous des disques promo de «This is not». Le mec nous dit «oui je connais un mec de Greenmachine, c’est mon super pote, donne moi en d’autres, je leur filerai ». Les gars ont kiffé. On s’est contacté par Facebook, et de là est née une petite connexion avec le Japon. On leur a proposé de sortir un split. Les gars ont de suite été chauds. Vu qu’ils se reformaient, ils commençaient à avoir de l’actualité ça les arrangeaient aussi.
Medhi : Et ça leur faisait aussi une petite actualité en Europe, et nous ça nous ouvre des portes vers le temple du japonais.
DRF : On y trouve quoi concrètement sur ce split ?
Medhi : Deux nouveaux titres à nous, on les a enregistrés chez Fred Duquesne en juin de l’année dernière, où ça nous a permis d’explorer un nouveau studio. On était un peu en quête d’un nouveau studio, pour sortir de notre confort, pour sortir aussi un peu de chez Francis Castes où on a toujours tout enregistré. On voulait s’essayer ailleurs, se tester ailleurs. Du coup on a enregistré deux nouveaux titres, on avait dit à Fred qu’on allait les sortir sur un split avec des japonais. On a donc essayé de bosser avec lui et ça s’est super bien passé. On a aussi enregistré un morceau chez notre ingé Sylvain Masure à Reims, on l’exploitera aussi certainement. Tu vois, on compose tout le temps, toute l’année, et on voulait vraiment essayer de bouger de studio et on est parti avec Fred.
DRF : Qu’est-ce que ça apporte de changer de studio de partir de chez Francis Caste?
Medhi : Ben ça permet de sortir d’un cadre habituel. Ça permet de voir certains problèmes que tu ne vois pas quand tu es enfermé dans un cadre. On voulait aussi travailler avec des gens qu’on connait, qui ont déjà enregistré de bonnes choses avec d’autres groupes, on cherche une bonne production. L’idée était d’essayer ces deux-là et ça a vraiment été de belles collaborations.
Julien : Chez Francis, on avait aussi eu un peu l’impression de tourner en rond, d’avoir fait le tour de tout ce qu’il pouvait nous proposer, et nous aussi on avait besoin d’aller voir ailleurs, pour voir si on pouvait faire mieux ou pareil. On ne savait pas en fait. Et ça nous a permis de nous rendre compte qu’on est très bien chez Francis, car on est habitué à sa méthode de travail. Mais il fallait franchir le pas pour voir comment ça travaille aussi à côté.
Medhi : C’est vrai que c’était un bon test, ça fait 15 ans qu’on enregistre chez lui. C’était une très bonne expérience, mais rien n’est décidé encore pour le prochain album.
DRF : Il y a un genre de malaise quand on regarde la pochette, autant la guillotine est assez explicite autant on ne voit pas bien à quoi se raccroche cette fille, et on ne sait pas si elle prend du plaisir ou si elle est morte en fait. L’ambiguïté, l’interrogation de l’auditeur en ayant l’objet était-il quelque chose de recherché ?
Julien : En fait elle est accrochée à une seringue. En ce moment, on travaille avec un illustrateur espagnol qui s’appelle Paul, de chez Branca Studio. On a commencé à faire des tee-shirts avec lui, il a un goût qui nous ressemble, il aime bien ce qu’on fait aussi. On lui a parlé un peu des thèmes qu’on aborde, le suicide, la drogue, un peu de sexe aussi, d’amour, et il nous a pondu ça.
Medhi : Tu vois, il n’y a pas vraiment de message en fait. C’est vraiment un truc esthétique. C’est un univers qu’on cultive. On essaie de choquer, on garde une imagerie très colorée, mais avec un thème sombre, c’est juste une esthétique en fait, mais sans chercher particulièrement de message, et je trouve ça intéressant que ça vienne de ta part. Qui demande qu’est-ce que c’est cette nana etc …
Julien : mais tu n’avais pas vu la seringue (rire)
DRF: Vous avez réédité Hope/Dope/Rope avec des titres issus des splits précédents. Doit-on quand même voir un lien entre le discours tenu dans le titre éponyme, avec le premier morceau Bonus « I am The Problem » ?
Julien : Oui, c’est parti un peu de ça. Le discours de Joe Coleman inspire aussi un peu certaines de nos paroles et le « I’m The Problem» part un peu de là. Par contre, tu vois ces trois morceaux ont été enregistrés à l’époque de Hope/ Dope/Rope, mais ils ne collaient pas avec l’ambiance du vinyle. Pour la réédition en version CD, il nous fallait quelques petits bonus de plus et on les a rajoutés ici. Ça fait parti du même ensemble musical, de la même session d’enregistrement, en définitive.
Medhi : Là ça marche bien avec la réédition. On les avait sortis dans un split album avec Acid Death Trip, mais c’était un tout petit tirage, donc on est contents de pouvoir les remettre sur un nouveau support et les rendre disponibles.
DRF : En définitive, vous sortez un split, vous rééditez un album avec des titres supplémentaires, je me dis : pourquoi ils n’ont pas fait un album complet ?
Julien : parce qu’un album c’est tout réfléchi. Un album ça ne peut pas se faire avec des brics et des brocs, c’est tout un concept. Nous on le voit comme une entité, comme un tout. Notre prochain album il sera réfléchi, il faut qu’il y ait la pochette de faite et tout.
Medhi : Pour un nouvel album, il faut qu’on passe à autre chose. On est direct dans un autre univers. Ce sont des morceaux qu’on avait avant. Je te disais qu’on passe notre temps à composer. On a pratiquement notre prochain album de prêt. On a déjà le truc, on arrive avec quelque chose de complet, pas de réchauffé pas de hors d’œuvre, direct le plat de résistance.
DRF : Vous n’avez pas chômé depuis un petit peu plus d’un an et demi. Un album, deux splits, et je suppose que vous avez déjà des trucs dans les tuyaux. L’actu c’est bien, mais il va y avoir des gens qui vont vous attendre au tournant. Je m’explique. Être trop prolifique entraîne souvent une perte de qualité et d’imagination, ou alors au contraire celle-ci permet au groupe de sublimer son son. Comment voyez-vous la charge de travail et le résultat obtenu ?
Julien : Ce n’est pas une charge de travail. Pour nous c’est continuel. Et un album par an ce n’est pas la mort, c’est rien du tout.
Medhi : Nous on en sort tous les deux ans. Avant on était moins entourés on faisait tout de A à Z. On mettait déjà un an pour l’enregistrer et une deuxième année pour le sortir. Maintenant qu’on s’est entouré de gens compétents, on a plus de temps pour composer. On a réussi à se dépêtrer de choses qui ne nous incombaient pas. On passe vraiment à l’essentiel, on compose. Et ce qui s’est passé depuis «This Is», depuis qu’on est entourés, c’est qu’on est beaucoup plus épanouis.
Julien : Et tu vois, il y a des périodes comme en ce moment où on est prolifiques. Je ne sais pas si on a déjà été comme ça. Il y a 3 ou 4 ans, on était un peu plus fainéants. On attendait plusieurs mois avant de sortir les albums. Mais là on est prolifiques. Après, on ne s’éparpille pas, on n’a tous que Hangman’s Chair, on a pas d’autres projets. On cherche toujours la qualité. On reste concentrés sur Hangman et c’est tout.
DRF : Est-ce qu’on peut avoir un peu d’infos sur votre prochain effort ?
Medhi : Je ne peux pas t’en donner des masses, je peux t’en donner sur la composition. On est presque aux ¾ de l’idée, on a déjà la pochette, on a déjà le concept, on voit bien où on veut en venir. Pour ce qui est concret, label etc… pour l’instant on est chez MusicFearSatan c’est donc lui qui le sort. On a été contacté par des labels, on va leur envoyer du son et voir ce qu’ils proposent. Nous, avec MusicFearSatan c’est réglo, il sait que si un jour on a une proposition intéressante, la porte est ouverte. Il en serait même heureux.
DRF : Quels sont les expériences que vous aimeriez tester pour repousser les frontières de la musique et du son Hangman’s chair ? Des choix d’instruments supplémentaires, changement de cadre d’enregistrement pour une autre acoustique… ou, vous qui revendiquez vos origines parisiennes, pourquoi pas une collaboration entre un écrivain et la mise en musique d’un bouquin sur Paris ?
Julien : Faut tomber sur la bonne occase. On ne pourrait pas être à l’origine d’un projet comme ça. Nous on est des musiciens, si on nous le propose on y réfléchira. Nous, tout ce que tu nous dis, on le fait déjà. Essayer de progresser, pas vers le plus haut, tu vois, mais d’être différent, à chaque fois on le fait.
Medhi : Ca va de la quête du son, de la conception, de morceaux, de l’inspiration, à notre image. On arrive toujours, c’est toujours frais. On ne ressortira pas un nouveau «This Is not». Après, on est des passionnés, donc si un jour on nous propose un truc, on pourra envisager quelque chose.
DRF : Au moment où vous avez changé de chanteur, vous avez évolué musicalement. A force de travail et de persévérance, est-ce que cela vous a ouvert des portes ou au contraire mis des barrières ?
Julien : Ça nous a ouvert des portes du point de vue de la musique. Car il a une palette de voix beaucoup plus étendue que notre ancien chanteur. On a pu explorer des ambiances plus acoustiques, on a pu élargir notre musique. On part même dans des ambiances presque Goth tu vois. Et c’est vrai que quand on lui demande de nous sortir telle ou telle note, il le fait immédiatement et c’est vraiment bien.
DRF : Vous qui êtes des collectionneurs de faits divers passés afin de construire vos albums, quelle est l’histoire la plus tordue ou la petite anecdote qui vous a le plus marqués ?
Medhi : Y’en a pas mal mais en sortir une comme ça c’est compliqué.
Julien : En lisant pas mal de faits divers, tu te rends compte que c’est cyclique. Les gens revivent les mêmes traumatismes. Et les faits divers d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux d’avant.
Medhi : Un psychopathe du siècle dernier est le même aujourd’hui. Il a exactement les mêmes soucis, les mêmes visions – c’est beaucoup une histoire de vision, et de vision de génie parfois – qu’aujourd’hui. Ce sont des faits d’époques qui tournent. C’est intéressant là-dessus.
Julien : Après je ne trouve pas qu’on les retrouve dans nos paroles, mais on s’en inspire dans notre univers, dans notre ambiance et même dans nos propres vies. C’est pour ça que parfois on a le son froid, glacé. On s’en inspire aussi sur nos visuels.
DRF : Quel est la question qu’on vous pose le plus ?
En cœur : Présentez-moi le groupe.
DRF : Quelle est la question que vous auriez aimé qu’on vous pose ?
En cœur : Ben pas celle-là. (rire général)
DRF : Je vous laisse conclure.
Medhi : Merci à toi, en espérant que le public du sud soit réceptif. Le split est là, bientôt, et en fin d’année il y aura le nouvel album avec une tournée. On espère revenir ici vous voir en 2018.