Que d’événements majeurs dans le monde du Blues ces derniers jours dans l’Est de la France. Après une remarquable prestation de Robert Cray à la Rodia de Besançon, pleine de sincérité et de générosité artistique, c’était au tour de Joanne Shaw Taylor et de Fred Chapellier de faire pleurer la six cordes, jeudi soir du côté de Colmar.
En effet le Grillen qui figure parmi les bastions emblématiques de la région Alsace accueillait deux pointures modernes du Blues. Et c’est vers 21h que la belle britannique monte sur scène, accompagnée de son batteur et de son bassiste. Ballerines rouges au pied, Telecaster puis Les Paul autour du coup. C’est parti pour une heure d’une déferlante sonore qui n’a que pour mission d’aller se loger dans les oreilles des spectateurs venus en masse ce soir.
« Mud Honey » pour ouvrir. Un single imparable qui met en évidence la technique indéniable de la mademoiselle, qui a pu parfaire son jeu ses derniers temps aux côtés de bonhommes comme Bernie Marsden, guitariste fut un temps d’un petit groupe nommé Whitesnake.
Plus tard, l’inévitable « Jealousy » me remettra les frissons que m’avait laissé la prestation de Joanne en octobre dernier du côté de Bartenheim. L’émotion est incontestablement là et le job est fait dans les règles de l’art. « Time has come », un slow blues qui rappelle que les titres les plus efficaces s’écrivent en plein chagrin d’amour ou pas loin, pointe le bout de son nez en fin de show et finit de conquérir une foule qui n’a dieu que pour la blonde à la voix rauque.
Trop court est le temps pour dire à quel point le travail de Joanne Shaw Taylor est intéressant, plein de suptilité et de finesse. L’artiste roule sa bosse dans le domaine du blues et du rock, en le sublimant un peu plus à chaque fois que sa main touche le manche de la guitare et que sa bouche s’approche d’un micro. See you soon & thank you.
Place à Fred Chapellier qui fait depuis des années l’unanimité du public et des artistes du registre, de Tom Principato à Neil Black avec lesquels il a eu l’occasion de partager l’affiche et la scène.
Le musicien, même après plusieurs Bercy avec Dutronc, Mitchell et Hallyday, ne se la joue pas vieille canaille. Et c’est sous un tonnerre d’applaudissement qu’il prend possession de la scène pour la seconde partie de soirée.
Il se place sur la droite de la scène et laisse la place centrale à Charlie Fabert, remarquable guitariste âgé d’à peine 26 ans qui trace la route avec son maître à penser depuis maintenant des années. Denis Palatin et Abder Benachour clôture le quartet, qui démarre à toute allure.
D’ « Electric Communion » aux premiers morceaux qui remonte à plus de dix ans, le set laisse également la part belle à la nuance. De purs blues en mode shuffle à fond la caisse à des rythmiques et sonorités made in Memphis, le guitariste régale. La cohésion est totale avec son jeune comparse à qui il laisse plus de quelques mesures pour délivrer des phrasés inspirés. L’élève a retenu la leçon. C’est ma foi bien beau à voir et le public le ressent comme une invitation à festoyer. Aussi, il n’y a pas de gros efforts à fournir pour que ce dernier participe en tapant en rythme sur les parties instrumentales ou fredonne la mélodie. Le blues est encore une fois très bien défendu. Sa mort, ce n’est toujours pas pour ce soir.
C’est en tout cas une bien belle soirée à laquelle j’ai pu assister du côté du Grillen de Colmar. Un son de façade aux petits oignons aura magnifié la soirée qui artistiquement parlant, jouait avec le plafond stratosphérique.
Toute démesure mise de côté, Joanne Shaw Taylor, Fred Chapellier et leurs musiciens ont montré que le Blues Rock continue sans cesse de se renouveler, en inspirant des talents émergents et en enchantant toujours l’âme des vieux briscards.