Fear Inoculum: la vieillesse est un naufrage.

Quand un album se fait attendre 13 ans, le fan fantasme 13 années de perfectionnement obsessionnel dans un studio obscur; le fan attentif sera déçu. Tool revient à la va-vite, peu inspiré, vieilli. Fear Inoculum se place entre les débuts pré Aenima et l’ambition d’un Lateralus, sans la fougue ni la maîtrise intellectuelle et animale qui nous poussèrent à la transe 15 ans durant.

Pourtant, les premières minutes de la pièce éponyme nous promettaient les territoires infinis chers à Tool, comme si chacun reprenait sa place après cette longue pause. Très vite on déchante tant l’ensemble sonne daté, la faute partagée entre des idées poussives et une production écrasée peu à même de libérer l’espace.

D’un groupe toujours en avance sur son temps ne reste qu’un humour potache coincé dans les années 90. En témoignent les quatre dispensables interludes coincées dans cette même décennie. On est loin des respirations galactiques de Lateralus ou des rythmiques fantasques, précises et rigoureuses de 10.000 Days, mais parfois même proche d’un jam maladroit et indigeste.

Danny Carey en met partout, y compris à côté, empêtré dans un excès d’enthousiasme que ne saurait compenser le manque d’inspiration de son binôme rythmique. La basse est globalement muette, peut-être perturbée par les arpèges limites mauvais-goût et les mélodies plutôt simplistes d’Adam Jones. L’équilibre si particulier de la section à cordes fait défaut. Qu’ils aient souhaité jouer différemment n’est pas un reproche, encore fallait-il peut-être prendre le temps de le faire. «Lol».

Plus c’est long plus c’est… long.

Habitué aux formats à rallonge, Tool n’a pas laissé en paix le chronomètre — rien en bas de 10 minutes. Mais la longue patience méthodique et maîtrisée des LPs précédents s’est muée en exutoire plutôt fourre-tout. L’effet hypnotique si cher au groupe — et à nous, pauvres fous — est relégué au rang de souvenir par des structures pas vraiment justifiées. Les plus de 15 minutes de 7empest frôlent le supplice.

C’est dur, oui. Mais Maynard lui-même n’est pas convaincu. Le vocaliste pourtant adulé pour l’implication de chacun de ses mots semble plutôt absent; pas spécialement à bout de souffle, mais peu enclin à se fatiguer. Service minimum.

Le sens mélodique est là, bien là, entêtant malgré tout. Et parce que c’est Tool on a envie d’y revenir, persuadé quelque part d’être passé à côté du Grand Œuvre. Peut-être qu’à l’instar de ses prédécesseurs, Fear Inoculum ne révèle ses merveilles qu’aux plus impétueux, décidés à s’y émerger totalement les prochaines semaines. Cette fois-ci difficile de s’en convaincre; nous le ferons sûrement quand même.

«Je ne suis pas fâché, je suis déçu.»

 

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