Chaque fois qu’un groupe revient après une longue période d’absence, on ne peut s’empêcher d’avoir une certaine appréhension. Surtout quand on parle d’une formation comme Europe qui, sans conteste, se fondait dans le style de cette époque où régnaient les cheveux longs permanentés, le kitsch et les synthés. Ces éléments ont fait partie intégrante de leur musique jusqu’à leur séparation, qui marquait aussi la fin de cette période. Quelle surprise donc de les voir se reformer, 12 ans plus tard, dans ce nouveau siècle qui n’a laissé que peu de place au bon vieux rock d’antan. Mais l’anachronisme redouté n’a pas lieu. Graphiquement, « Start From the Dark » montre bien le sentiment général qui se dégage de ce nouvel opus : sombre et sobre. La photo en quatrième de couverture de ce Europe version 2004 nous fait tout de suite comprendre que le style a changé. Les cheveux ont raccourci et, surtout, plus rien ne brille. Ces changements se ressentent aussi sur leur musique. Elle a mûri, elle s’est adaptée à ce nouvel âge, tout en conservant un certain style propre. Malgré son atmosphère lourde et noire, on reconnaît sans peine les teintes mélodiques qui caractérisaient la formation suédoise. Le clavier, quant à lui, a presque disparu, pour laisser plus de place au duo batterie/guitare (qui se retrouve à nouveau dans les mains expertes de John Norum). Un son plus brut d’une manière générale, mais très travaillé quand même. Les compositions, plaisantes à écouter, font preuve de nombreuses qualités. On retrouve les douces ballades auxquelles le groupe nous avait habitués (« Hero » est magnifique, peut-être le titre qui se rapproche le plus des anciennes compositions), accompagnées de titres plus dures, plus hard rock (dont les accrocheurs « Flames » et « Wake up call »). Quant à Joey Tempest, sa voix n’a rien perdu de son charme. On remarque qu’il cherche davantage à la maîtriser, à moins la laisser partir dans les aigus. On retrouve donc le même Europe, avec un côté plus adulte, plus sûr de lui, moins extravaguant aussi. On est plus proche de Bon Jovi que de The Darkness. Je ne pense pas qu’il faille crier à la trahison, ce CD marque juste un nouveau départ – le titre de l’album étant très révélateur de ce sentiment – et une adaptation à son époque. Je l’avoue, il m’a particulièrement plu. Je pencherais donc pour le retour réussi et pour une vision d’évolution du groupe plutôt que de perte d’identité. Comme ils le disent eux-mêmes dans les premières secondes : « Something has changed since I’ve been away ». Cela, les membres d’Europe ont eu l’intelligence de le comprendre ; même si tous leurs fans n’adhéreront pas à ce parti pris.
Label : Sanctuary Records