ENTREVUE AVEC OLIVIER FAUBERT : UN AN DEPUIS LA SORTIE DE SON PREMIER ALBUM

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Le 22 mars 2024, l’auteur-compositeur-interprète pop et indie-rock Olivier Faubert lançait « Pour ne pas mourir en hiver », son premier album complet. Nous l’avions qualifié de disque qui vaut le détour d’un bout à l’autre. Un an plus tard, le Daily Rock Québec a rencontré Olivier dans un petit café de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie pour discuter, entre autres, de son parcours de la dernière année et de son spectacle anniversaire prévu le 16 avril prochain à l’Escogriffe, où il soulignera la sortie du vinyle.

Daily Rock Québec : Depuis la sortie de ton premier album complet, tu as parcouru plusieurs vitrines, comme des concours et des festivals (Festival international de la chanson de Granby, 31e édition de Ma première Place des Arts, Rythmes et courants à Lavaltrie, etc.). Quels sont les apprentissages acquis au plan personnel, professionnel ou artistique dans la dernière année?

Olivier Faubert : Dans la dernière année, j’ai vraiment appris le métier. Au départ, je faisais de la musique pour le plaisir, pour véhiculer une émotion et pour vraiment parler de moi. Au cours de la dernière année, en faisant des festivals, des shows que je produisais, d’autres concours, des premières parties, j’ai vraiment appris le métier d’artiste-entrepreneur. Puisque je suis autoproducteur, que je n’ai pas de maison de disques, que je n’ai pas une grosse équipe, je dois apprendre par moi-même. J’apprends la gestion et l’entrepreneuriat et tout le côté paperasse du métier. La dernière année fut une évolution pour me sentir mieux au travers de la musique, car je me suis mis beaucoup de pression pour que cet album-là fonctionne. Je pense que je suis maintenant en paix avec les résultats, que je me concentre un petit peu plus sur mon cheminement personnel là-dedans. […]

Daily Rock Québec : Le lancement de l’album du 27 mars 2024 au Ministère – qui était salle comble – fut fort mémorable. Je me souviens d’un public attentif et investi durant le spectacle. Que retiens-tu de cette soirée?

Olivier Faubert : C’était une soirée qui était vraiment émotive pour moi parce que je n’aurais pas pensé dans ma vie être capable de me rendre à sortir un album. Je pense que c’était même au-delà de mes rêves les plus fous de penser à en arriver là. Tu sais, je partais de loin, surtout de mon passé un peu plus complexe de consommateur de drogues fortes. Et puis à tout perdre jusqu’à tout gagner, puis être capable de me produire sur une scène devant une salle complète d’environ deux-cents personnes, je pense que c’est un sentiment de fierté et de réussite qui est indescriptible. Je pense que c’est mon spectacle préféré parmi tous ceux que j’ai fait dans ma vie, jusqu’à maintenant.

Daily Rock Québec : C’est un fait, la musique se consomme principalement sur les plateformes de diffusion en ligne. Qu’est-ce que cela signifie pour toi de publier une édition vinyle de l’album, un an après sa sortie initiale?

Olivier Faubert : Ce n’était pas prévu. C’est quelque chose qu’on m’a proposé. Je pense que l’album a été assez bien reçu pour que quelqu’un qui l’a beaucoup aimé veuille en produire. D’abord pour que j’en ai une copie physique en vinyle, puis pour lui aussi. Je pense que Benoît Hamel de Projet Particulier tenait beaucoup à avoir sa copie vinyle. Puis, pour cette raison, on ne pouvait pas en faire juste un, donc on en a fait fabriquer cinquante. Il y avait aussi une demande. Je pense qu’il y a toujours des gens qui veulent s’en procurer, puis cinquante copies, ce n’est pas un gros risque, donc on y va pour une quantité vraiment limitée. Je pense aussi que, pour moi, c’est de laisser une trace de ma musique sur cette planète-là et pas juste être sur un cloud virtuel. C’est de la mettre sous forme tangible. Benoit Hamel de chez Projet Particulier a fait des vinyles pour Antoine Corriveau, pour Vanille, pour pataugeoire et pour des artistes de la relève, pour ceux qui sont un peu dans la marge ou qui n’ont pas la chance d’être sur une maison de disques qui voudra en produire. Sinon, c’est aussi pour des artistes qui n’ont pas l’argent pour un tel risque financier de trois-cents vinyles à environ six-mille dollars. Je crois qu’il veut rendre service.

Daily Rock Québec : La chanson-titre « Pour ne pas mourir en hiver » est singulière dans ton répertoire. Tu exploites toutes les nuances de ta voix, celle d’un interprète remarquable. Elle semble à la fois exigeante et salvatrice à chanter. Par la gamme d’émotions et la technique vocale requise, lui donner vie sur scène représente-t-elle un défi?

Olivier Faubert : Oui au début, c’en était un. Puisque c’est une chanson tellement personnelle, je pense qu’il fallait quand même que je me détache un petit peu de l’émotion brute qu’elle évoque. Je ne voulais pas rentrer moi-même dans l’émotion nécessairement en l’interprétant, puis de me perdre là-dedans et de me mettre à pleurer. C’est quelque chose qui vient me chercher à chaque fois. Le plus difficile, c’est de la présenter avant de la jouer parce que je deviens un peu émotif. J’ai toujours cette impression-là en me livrant, en voyant les gens m’écouter, et ça m’émeut beaucoup. Avoir la chance de partager ça avec les gens qui m’écoutent, c’est comme la plus belle chose. Sinon au niveau vocal, quand je compose des chansons, je ne vais jamais au-delà des limites de ce que je suis capable de faire. J’essaie d’interpréter de façon juste. Parfois, c’est plus compliqué que d’autres. À la base, quand j’écris une chanson, contrairement lorsque j’interprète celle d’un autre, elle est automatiquement dans mon range. « Pour ne pas mourir en hiver », je l’ai écrite pour être capable de la chanter sur scène. À chaque fois, je pense qu’il y a toujours des nuances dans la façon dont je l’interprète sur scène.

Daily Rock Québec : Quel accueil reçoit-elle de la part de ton public en général?

Olivier Faubert : Je ne pense pas que je suis conscient exactement de ce qui se passe quand les gens m’écoutent au moment où je la chante en temps réel. Je ne le vois pas et je ne l’entends pas. Je pense qu’il y a le bout où ça se met à se brasser un petit peu plus que là, je ressens une émotion. Ça m’arrive de la faire tout seul de façon acoustique, lors de shows solos, et j’ai l’impression qu’elle est moins divertissante, mais plus émotive et captivante. Je pense qu’à ce moment-là, je sens que le public la reçoit un peu plus comme une charge d’émotion. Lorsque je la joue avec mon band au complet, puis qu’on réussit à faire les punchs avec les guitares électriques et tout ça, là, j’ai l’impression de transmettre un peu plus une énergie, une espèce de défoulement. Je crois que les gens embarquent aussi encore plus. C’est juste différent. Aussi, j’ai vraiment l’impression que tout le monde peut s’identifier à cette chanson-là. Ce n’est pas tout le monde qui a eu des problèmes de consommation, mais c’est tout le monde qui, je pense, a eu envie que leur souffrance et l’hiver [au sens métaphorique] cessent. C’est aussi la chanson dont on me parle le plus après celle que j’ai faite avec thaïs (Mercure) parce que, naturellement, c’est la plus écoutée [sur les plateformes d’écoute en ligne], mais aussi parce que c’est celle que les gens me disent : « Ah oui, j’écoute ta musique et ma chanson préférée sur ton album, c’est “Pour ne pas mourir en hiver” ». Je crois que les gens l’aiment beaucoup parce qu’elle est authentique et que c’est la plus real de toutes mes chansons.

Daily Rock Québec : Récemment sur les médias sociaux, tu as montré une photo de toi en studio en indiquant travailler sur de nouvelles chansons. À quoi peut-on s’attendre? Qu’as-tu envie de nous dévoiler?

Olivier Faubert : Je travaille actuellement sur un deuxième album. Je vais commencer à l’enregistrer officiellement cet été. L’album est écrit, mais je continue à peaufiner les chansons. Tant qu’on n’est pas en studio, il n’y a rien de scellé. Ce que je peux dire, c’est que je vais encore plus, selon mon impression, dans les extrêmes, autant dans des chansons très calmes à des chansons vraiment plus heavy. Jusqu’à maintenant, on a fait trois maquettes qui sont complètement différentes les unes des autres. Justement, on va les faire en show mercredi prochain. Ça a quelque chose d’un peu plus pop et d’un plus facile à comprendre pour tout le monde. Les textes sont légèrement moins imagés, même j’ai de la misère à ne pas écrire de façon imagée. Je pense que cet album-là va me raconter encore plus même si je n’irai pas dans des trucs aussi deep que « Pour ne pas mourir en hiver ». Il y aura une chanson sur mon chien, des chansons dont je suis encore plus fier. Elles sont plus travaillées et plus complètes car je passe plus de temps à composer, comparativement au précédent album.

Daily Rock Québec : Une majorité des artistes québécois de la jeune génération tendent à incarner l’auteur-compositeur-interprète entier et absolu en visant la maîtrise de toutes ces fonctions. De ton côté, ton processus créatif est axé sur la coécriture. Pourquoi ce choix à contre-courant?

Olivier Faubert : Parce que les tounes sont meilleures lorsque je les écris avec quelqu’un d’autre! Il y a beaucoup de personnes qui disent faire ça toutes seules, mais, au fond, elles finissent par travailler avec d’autres gens. Les réalisateurs finissent par aider, à faire un peu de songwriting avec ces personnes. De toute façon, tu finis toujours par avoir l’avis de quelqu’un d’autre lorsque t’arrives en studio avec un réalisateur. Donc, aussi bien faire ce travail-là d’avance avec des gens en qui tu as confiance. Je fais beaucoup de coécriture, mais en ce moment, j’ai un peu plus de contrôle sur ce qui s’en vient sur l’album. Dans ce sens, je suis un peu, genre, pas control freak [rires], mais je prends toutes les décisions. Chaque mot, je les analyse. J’ai plus confiance en mes moyens, contrairement à l’autre album où j’avais plus confiance envers les moyens des autres pour m’accompagner à rendre mes chansons meilleures. Maintenant, je sais que, au bout du compte, je suis capable de le faire tout seul. Dans le précédent album, il y a même une chanson où je n’avais aucunement composé la musique, que c’était Julyan qui l’avait composée au complet. Je n’avais écrit qu’une partie des paroles, j’avais changé un peu de truc dans la mélodie. Cette fois-ci, les chansons partent 100% de moi. On est vraiment sur un autre level. Je n’ai pas peur de le dire que je coécris, que je travaille avec du monde. C’est comme n’importe quoi, si on est plusieurs à faire quelque chose ensemble, ça va être mieux que de le faire tout seul.

Daily Rock Québec : Sur cet album, tu as publié quatre vidéoclips, tous réalisés par le réalisateur Benoit Massé, à la fois ton coauteur et ami, avec l’aide de Guillaume Rousseau. C’est une chose rare pour un jeune artiste québécois indépendant. Qu’aimes-tu de cette méthode de promotion?

Olivier Faubert : Le fait de faire autant de vidéoclips, c’est aussi un peu pour rendre service au réalisateur. Il a besoin de se promouvoir, de travailler et d’avoir des projets artistiques en dehors de sa job de tous les jours, comme Benoît et Guillaume, les deux personnes qui ont réalisé les vidéoclips. Je pense qu’on se rendait service les uns les autres. En même temps, c’était pour le plaisir. Puis, moi, ça me drivait. Je trouvais ça incroyable de pouvoir mettre des images sur des chansons. C’est dommage qu’on ait plus MusiquePlus, ou des postes de télé, pour diffuser ces clips-là. Actuellement, on les met sur YouTube, on paye des pubs, on paye pour avoir plus de vues, mais, dans le fond, qui regarde les vidéoclips? Personne ne les regarde! Les gens sur Instagram regardent une petite version de 30 secondes. Je pense que l’on continue à en faire parce que ça aide avec la promotion, puis avec tout en général, dirais-je. Je t’avouerai que je ne pense pas refaire autant de vidéoclips pour le prochain album. Je pense que ça va être sous d’autres formats. Ça va être quelque chose d’un peu plus simple. Il y aura moins de vidéoclips complets, car c’est beaucoup de job et ça coûte cher.

Pour conclure l’entrevue, nous avons demandé à Olivier comment il envisageait son avenir artistique. Sa réponse fut sincère et modeste, reflétant l’homme sensible et introspectif derrière l’artiste.

Daily Rock Québec : Que souhaiterais-tu idéalement pour ta carrière artistique dans la prochaine année? Sinon, as-tu des défis particuliers que tu voudrais relever? Quelles sont tes ambitions à moyen ou à long terme?

Olivier Faubert : Je compte vraiment prendre mon temps pour sortir de la musique et faire les choses comme il faut. Aussi, réduire mes attentes par rapport à la sortie des chansons, puis par rapport au succès que ça pourrait avoir, puis vraiment me concentrer sur le chemin plutôt que sur la destination. C’est vraiment quelque chose qui est devenu important pour moi, pour ma santé mentale et pour mon bien-être. Donc, j’essaie d’y aller une journée à la fois. Un peu comme quand j’ai arrêté de consommer, il y a quelques années : c’est vraiment ce qui m’a sauvé la vie. Puis, en ce moment, ce qui me fait le plus de bien c’est de ne pas me faire trop d’attentes, de ne pas avoir trop de grandes ambitions, mais plutôt de me concentrer sur une chose à la fois. Puis, là, en ce moment, c’est d’écrire les meilleures chansons possibles pour mon deuxième album.

Olivier Faubert lancera le vinyle de « Pour ne pas mourir en hiver » lors du spectacle anniversaire à l’Escogriffe, présenté par Projet Particulier, le 16 avril prochain. L’autrice-compositrice-interprète Karolan Boily assurera la première partie. Vous pouvez acheter vos billets en cliquant ici. Pour voir les autres dates de la tournée, consultez l’affiche ci-dessous.

Photos : Marine Meunier

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