Quelques jours précédant le lancement du nouvel album tant attendu du groupe de La Baie Orloge Simard, le Daily Rock s’est entretenu avec le chanteur Olivier Simard afin d’en apprendre un peu plus sur les motivations derrière la Culture du Culte. Le lancement ayant lieu au Club Soda vira en un énorme festin orgiaque et déjanté. Orloge Simard passe plus de deux heures sur scène. La première partie fut consacré aux nouvelles pièces alors que la deuxième aux succès qui ont fait leur renommée.
D.R. : Votre style musical est relativement difficile à définir. Ce n’est ni tout à fait Punk ni tout à fait Rock, et c’est encore moins de l’Indie malgré les claviers. Au final la question est : faites-vous de l’humour avec des instruments? Est-ce que vos influences sont plus du coté de Dead Kennedys ou de Weird Al’ Yankovic? De GG Allin ou des Chick and Swell?
O. S. J’aime tes comparaisons. Je te comprends, c’est difficile à définir. Dans le sens large du terme, on essaie de faire du Rock ‘n Roll. On fait du Rock ‘n Roll saguenéen, avec tout l’humour que ça comporte. Avec toute l’authenticité et l’originalité de nos couleurs à nous autres. Évidemment, il y a un côté humoristique qui est bien présent, avec des propos trash mais ce n’est pas juste ça non plus. Ce n’est pas toujours nécessairement drôle.
D.R. : Dans tous les cas la prédominance des textes joue un rôle essentiel dans votre proposition artistique. Avez-vous donc plutôt tendance à écrire les textes en premier plutôt que la musique? Comment se déroule le processus créatif, est-ce que ça se produit plutôt de façon solitaire ou bien en groupe?
O.S. :En fait, sur Culture du Culte on est vraiment dans un processus de groupe. Le bassiste Guillaume Bouchard a composé la majorité des structures de chanson sauf exception. En général, je partais de ses structures à lui pour les modifier un peu et en arriver à trouver où je pourrais placer les refrains par exemple. Donc, pour cet album les textes ont vraiment plus été écrits après la musique. Mais c’était diffèrent sur les albums précédents. Les deux premiers albums ont été composés à partir de structures de chanson que j’avais faite en solitaire. C’est plutôt à partir du troisième album Beuvez toujours, ne Mourez Jamais que la formule s’est transformée avec Guillaume qui a commencé à composer de plus en plus. Ça me sort de ma zone de confort et j’aime ça.
D.R. : J’ai posé cette même question à Mononc Serge il y a quelques mois au sujet d’une de ses nouvelles pièces intitulé « Vendeur de bière » dans laquelle il stipule en fait que son rôle en tant qu’artiste se résume pas mal à faire vendre de la bière. Je crois que la question est tout aussi pertinente en ce qui vous concerne. Est-ce qu’Orloge Simard assume ce rôle de vendeur de bière ou au contraire, est-ce que c’est un rôle dans lequel vous êtes maintenant enfermé et duquel vous tentez de vous libérer? Et de façon plus générale, quel est le rôle de l’artiste en 2022?
O.S. : On ne s’en cache pas, vendre de la bière c’est vraiment une grosse affaire. C’est une grosse industrie pour les salles de spectacle, pour les festivals, pour les bars. Ils nous accueillent mais ils savent que ça va vendre en masse et que ça va consommer. On assume ce côté-là à 100%. Quand il y a des records de ventes on est hyper fier. Mais en tant qu’artiste il faut toujours tenter de créer une œuvre qui va nous ressembler le plus possible et qui va ouvrir d’autres horizons. Le but premier est toujours de rester authentique.
D.R. : Même si vous tentez souvent, par tous les moyens, d’être loufoques et vulgaires, on retrouve par moments des pièces de votre répertoire qui sont plus sérieuses comme Moto à vendre ou Casino. Ce sont des morceaux qui témoignent de malheurs bien réels comme la pauvreté ou la dépendance. Est-ce que tu crois que c’est une direction que votre groupe pourrait prendre dans les prochaines années? Est-ce que dans 10 ans, avec l’âge et l’expérience, le public en arrivera à vous percevoir comme un groupe social?
O.S. : Je ne sais pas. C’est difficile à prévoir. Pour Culture du Culte on a vraiment décidé de s’éclater. Mais, j’ai toujours aimé les chansons plus sérieuses. Et effectivement, ce sera un défi que je vais m’imposer pour les prochains albums. On essaie à chaque parution de faire quelque chose d’un peu différent pour ne pas se répéter. Donc, oui, il y aura des pièces plus sérieuses et même des pièces plus expérimentales. C’est possiblement une direction pour l’avenir. On essaie de jouer sur les deux niveaux, le côté burlesque et vulgaire et parfois le côté plus sérieux.
D.R. : Il y a aussi parfois, et surprenamment, beaucoup d’allusion politique dans vos textes. Vous parlez de Maurice Duplessis dès l’ouverture du nouvel album, vous avez mis de l’avant l’expression « Saguenay Libre », etc. Sentez-vous l’obligation de faire réfléchir tout de même entre deux pièces grivoises? En d’autres mots, êtes-vous des clowns brillants et tristes avec des diplômes en Sciences Po?
O.S. : Ça c’est drôle! Non, on n’est pas des clowns tristes, on est juste vraiment fier de notre culture saguenéenne. On a toujours considéré qu’on faisait de la musique régionaliste qui parle de notre coin. On invente des histoires qui tricotent à travers ça, on cite des lieux, des personnages, et des expressions de la région. On ne se le cache pas, nous sommes très indépendantistes. Et effectivement, dans Culture du Culte c’est plus perceptible. Nous n’étions pas vraiment allés sur ce terrain-là dans le passé mais on trouvait ça très intéressant d’apporter ce côté à notre nouvel album.
D.R. : Personne ne s’en cache, Orloge Simard est un groupe controversé. Plusieurs de vos spectacles ne se sont d’ailleurs pas terminés dans l’allégresse. Même dans vos propres communications vous ne semblez pas tellement vouloir cacher cette controverse. Ça ajoute à la légende du Culte j’imagine. La gauche vous trouve misogyne alors que la droite vous trouve juvénile. Vous en aurez même écrit une chanson intitulée Antifa. Comment négociez-vous avec cette controverse?
O.S. : Ça fait partie de nous. On ne s’en cache pas et on aime jouer avec ça. Ça peut nous fermer des portes, on le sait très bien. On a appris au fil du temps à s’en foutre un peu plus. On a appris à moins vouloir tout contrôler, à moins vouloir contrôler notre image. On a lâché prise et on fait ce qu’on veut. À long terme, c’est juste d’avoir un projet artistique authentique. Mais, oui, on boit énormément. Certaines fois tout se passe super bien, d’autres fois il y a des petits accrochages mais qui ne sont jamais très graves. La controverse nous suit mais ça fait notre charme aussi. Il y a des gens qui carburent à ce genre de projet artistique.
Photo : Jay Kearney