Salut Philippe, comment vas-tu?
Exténué. Transpirant… C’est le métal underground. Nous sommes dans un retour aux vraies valeurs. Première fois que nous jouons dans le Calvados. Très content de revenir en Normandie.Nous y jouons très rarement.
Et comment je vais ? Je vais très bien. Nous avons sorti notre nouvel album hier. C’était très compliqué car tout ne s’est pas passé comme je l’aurais voulu mais le disque physique est sorti. Donc, c’est formidable.
« Alpha X Omega » est donc sorti. Quel ressenti sur son possible accueil?
Je suis un peu en avance par rapport au public donc je sais comment la presse spécialisée va l’accueillir. Je suis ravi pour être honnête. C’est, parait-il, un disque qui va marquer l’histoire.
Dixième album. La rumeur veut qu’on soit le premier groupe de métal extrême français à sortir dix albums de suite sans interruption. Donc, petit record personnel. Ça fait plaisir. C’est d’ailleurs pour ça qu’il s’appelle, en sous titre : « Le magistère de l’abnégation ». Parce qu’on a fait ça. On a été jusqu’au-boutiste. Sans avoir de vrai succès commercial ou populaire, on a toujours avancé. On a toujours sorti des disques. On a toujours composé.
Quand j’avais 16/17 ans, j’écoutais les premières démos d’Agressor, Loudblast ou Massacra. Ils ont montré la voie au niveau français. J’ai fais mon petit bonhomme de chemin. Avec mes moyens, de la persévérance et une abnégation totale. J’ai toujours voulu être musicien et ce que je ressens pour « Alpha X Omega » : c’est vraiment un disque de musique et j’en suis ravi.
Le line-up est stable depuis 2002. Cela a-t-il contribué au fait que ce dernier album se fasse plutôt facilement et rapidement?
On a enregistré « AEnigma Mystica » en 2010 pour une sortie en 2013. Ça a fait une longue période où on n’a pas composé parce que c’était compliqué à l’époque. Et puis cet album était le neuvième, position pas terrible dans une vie d’artiste. Et surtout, il est arrivé après « IrréméDiable ». Un concept album artistique sur la vie et l’oeuvre de Charles Baudelaire pour lequel nous avions complètement changé notre façon de composer. Un seul sujet abordé et les morceaux qui s‘enchainaient. Il ne parlait même pas de notre concept sur Alceste et Misanthrope. On a eu beaucoup de mal à revenir sur ça, ce qui explique le temps qu’il nous a fallu entre l’enregistrement et la finalisation de cet album.
Et puis, on a enchainé plusieurs dates, puis trois festivals : le Summer Breeze, le Helffest et le Brutal Assault en République Tchèque. Le mécanisme de composition s’est ré-enclenché. On était bien. On avait le niveau et, sans penser à rien, on a fait « Alpha X Omega » .
« Alpha » : le commencement de toutes choses. « Omega » la fin et la chute de leurs dieux et « X » en chiffre romain pour dixième album.
Concernant tes textes, d’où te vient cette maîtrise de la langue française?
Un truc que je n’ai jamais dit à personne. Je suis né à Saint Denis dans le 93. J’ai grandi à la Courneuve et je suis allé au lycée à Livry Gargan où une prof m’a dit : « t’auras jamais ton BAC, dégage… » J’ai été viré en seconde. Quand on te dit ça… Bah voilà.
Maintenant, j’ai quarante-sept ans, j’ai dû vivre avec ça. J’ai eu mon BAC. Je suis capable d’écrire en français et il parait que c’est super. Donc : « Fuck You !!! ».
C’est très personnel. C’est très très personnel. C’est une violence l’écriture. Ça vient d’un travail hors du réseau scolaire. C’est une volonté, pas une passion, une volonté…
Ton chant, sur « Noyade Abyssal » et « La Fabrique du Fataliste », semble plus dark, voir plus haineux. Es-tu d’accord avec cette impression?
Oui, tout à fait, il est vénère. L’adjectif qui me plait, en ce moment, c’est vénère… Je suis, dans la vie, un garçon relativement gentil, parait-il. Mais pour Misanthrope, je deviens Dark Vador. C’est mon côté obscure qui ressort. De toute façon, tout le concept Misanthrope est de fantasmer un personnage littéraire, inventer un délire fantasmagorique et lui insuffler une vie. Je m’en sers personnellement. Ce n’est pas une psychanalyse mais un « défouloir » contrôlé.
Ces deux morceaux sont assez puissants mais il y a beaucoup de choses sur « Alpha X Omega ». C’est un album très très varié. Il y a de tous les styles, beaucoup de chants clairs, une balade (« Vénus Callipyge »), des voix parlées, des voix théâtralisées.
Le travail sur les voix death et les growls, j’aime ça. Et avec l’âge et le poids, on a cette chance nous les garçons, plus on grossit, plus on a une grosse voix.
Penses-tu que « Alpha X Omega » soit une première partie du testament de Misanthrope ou d’une certaine façon l’album d’une vie?
Oui. Je l’appelle, d’ailleurs, l’album d’une vie parce que, pour moi, il contient énormément de choses. Il est très abouti, très mature.
Je suis fier de dire que ce disque de métal extrême a été fait par plusieurs quarantenaires, c’est hyper important pour moi, pour montrer à la jeunesse, et je n’ai rien contre la jeunesse, qu’elle ferait mieux d’écouter ce qui se passe.
C’est important, pour nous, de faire quelque chose d’extrêmement virulent, sévère, puissant et varié en étant ce qu’on est. Avec les moyens, l’âge et la forme physique que l’on a. De montrer que c’est possible. Je ne voulais pas décevoir. Tu sais, on a rien à gagner. Que à perdre. Donc, il fallait faire un putain de skeud.
Misanthrope arrive toujours à toucher le plus grand nombre grâce à ses productions.
Il faut déjà que les gens nous écoutent et puissent nous écouter. On compte sur vous les médias. On est très content du disque. On veut le partager. Il faut écouter les groupes. C’est ça la culture et c’est pas Old School.