Au fil du temps, la salle des Docks s’offre de plus en plus comme une alternative crédible à ses contreparties alémaniques. J’en tiens pour preuve l’alléchante affiche exclusivement finlandaise de ce vendredi 19 mars, qui mettait à l’honneur les maîtres actuels du death mélodique – Insomnium et Omnium Gatherum – ainsi que la figure de proue du folk, Ensiferum. Un sans-faute façon « metal », un 6-6-6 : chacun de ces groupes a très exactement six albums à son actif… Coïncidence ? Je ne crois pas !
D’emblée, Omnium Gatherum vient donner le ton avec son pêchu ‘New Dynamic’ ; la bête est lâchée. Le public déjà bien garni s’agite et répond avec plaisir aux nombreuses sollicitations du chanteur, Jukka Palkonen. ‘New World Shadows’ (2011) et l’exceptionnel ‘Beyond’ (2013) sont mis à l’honneur grâce à un son particulièrement clair. Jukka et sa gestuelle un peu gauche et excessive a le don d’en exaspérer plus d’un, ce qui n’empêche pas de regretter la fin trop rapide d’un set aussi énergique que divertissant.
Dans un style un peu moins onirique, Insomnium s’empare de la scène, prêt à défendre sa dernière mouture, le mitigé ‘Shadows of the Dying Sun’. Le public – encore chaud bouillant de la prestation d’Omnium Gatherum – se lance dans un wall of death sur la quasi-ballade ‘The Promethean Song’, sous les yeux ébahis du groupe ! Leur set souffre pourtant d’un son un peu garage et d’une redondance que le dernier album n’arrange pas. Mention spéciale, tout de même, pour Markus Vanhala, guitariste à la double casquette (il assure avec panache la guitare chez Omnium et Insomnium). Quant à Ville Friman, l’autre guitariste, il s’est vu remplacé sur cette tournée par Kari Olli, qui officie chez Pressure Points. Ce dernier remplit parfaitement son rôle, aussi bien à la guitare qu’à la voix. C’est même un plaisir que de le voir occuper la scène, habitués que nous sommes à un Ville beaucoup plus discret. Il s’offre le luxe d’introduire seul au chant et à la guitare le très bon ‘Where the Last Wave Broke’. Entre son jeu de scène et celui de Markus Vanhala, Insomnium gagne donc en charisme ; espérons qu’ils retrouvent alors vite la voie de la créativité !
Avec Ensiferum, plus de nostalgie ni d’effets dramatiques : on entre dans l’arène des héros en cottes de mailles et aux épées en mousse. Le concert de ce soir a toutefois une allure unique, suite à l’absence de la pianiste Emmi, remplacée par Netta Skog – ex-Turisas – qui reprend les parties d’Emmi… à l’accordéon digital. L’avantage : un élément perturbateur de plus qui profite largement de sa liberté de mouvement pour venir taquiner le public de ses sourires charmeurs. L’accent est bien sûr mis sur le dernier opus – ‘One Man Army’ – pensé pour le live, avec un résultat plutôt réussi, bien qu’on puisse regretter le manque de prise de risque (‘Heathen Horde’ et son refrain chanté en chœur entendu mille fois). ‘One Man Army’ est un album maîtrisé, qui sonne bien, mais comme un prototype du son estampillé ‘Ensiferum’. La maîtrise parfaite de leur genre rattrape pour certains le manque d’originalité ; pour d’autres, la lassitude l’emporte. Je fais partie de ces incorrigibles qui défendent le mal-aimé ‘Unsung Heroes’, avec son tempo plus lent, son ambiance plus sombre et son résultat plus mature. En live, nous aurons droit à ‘Unsung Heroes’ et à l’excellent ‘Burning Leaves’, point d’orgue du concert.
L’approche de la fin du set signe aussi l’arrivée des moreaux légers d’Ensiferum, à l’image de la reprise de ‘Bamboleo’ de la tournée précédente. Cette fois, nous avons droit à un passage disco très Boney-M sur ‘Two of Spades ‘ et à une reprise de ‘Breaking the Law’ de Judas Priest où les musiciens s’échangent les instruments. On a donc pu apprécier le headbang de Sami à l’accordéon et constater que Janne Parviainen est aussi expressif quand il joue de la batterie que de la guitare ! Netta Skog, elle, s’est éclatée tout du long – peut-être plus que jamais elle ne l’avait fait avec Turisas ! – et apportait un peu de fraîcheur au set. On regrettera simplement qu’ils n’aient pas profité de sa présence pour jouer ‘Neito Pohjolan’, une ballade chantée en finnois, sur laquelle elle posait déjà la voix en studio. Il est à parier qu’Ensiferum ne voulait pas trop s’éloigner de ce qui fait sa force (les morceaux catchy, rapides et puissants), déjà affaibli par la réception mitigée d’’Unsung Heroes’. Au final : trois concerts de bonne qualité, avec une mention spéciale pour Omnium. Insomnium et Ensiferum, quant à eux, maîtrisent parfaitement leur affaire, mais leurs sets souffrent de leurs derniers albums respectifs, souvent trop répétitifs. Il ne reste plus qu’à attendre la suite !
[Chiara Meynet]