Il était temps pour Emilie Zoé – cette compatriote neuchâteloise qui, depuis des années, écume les scènes d’ici et d’ailleurs, notamment en tant que musicienne de l’autre helvète bien aimée Anna Aaron – de sortir son premier album solo, lui permettant de sortir de l’ombre. Il y a bien eu un EP autoproduit en 2013 portant le nom ‘Empty’, mais un premier album, ce n’est pas la même chose, c’est plus personnel, et l’on y donne le meilleur de soi de la manière la plus intense possible : c’est ainsi que ‘Dead-End Tape’ voit enfin le jour en 2016. Sous la houlette de Louis Jucker (membre du combo germano-suisse The Ocean) et sorti chez Hummus Records, Emilie présente enfin un produit qui devrait en ravir plus d’un. Le premier constat que l’on fait en pressant la touche ‘play’ de son lecteur préféré, c’est qu’on a affaire ici à un tout autre type de production. Contrairement à son prédécesseur au son et à la configuration rock (et plus si affinité), ce ‘Dead-End Tape’ semble plus spontané, intimiste et brute de décoffrage, d’une certaine manière. En effet, l’enregistrement est principalement constitué de guitares, de voix, avec des ajouts ponctuels de quelques claviers, percussions et autres gadgets faisant divers petits bruits étranges pour agrémenter les titres. L’ambiance qui ressort de ces quelque 38 minutes – parsemées ici et là de légers buzz de guitares et autres chutes d’ordinaire retirées du décor – est particulière et assez rare : on a l’impression à l’écoute de cet album studio d’être plus proche de la chanteuse que si on la voyait en live. Le secret de cette recette magique? Les onze titres ont été captés en quelques jours sur un enregistreur quatre pistes à bande ; en ressort donc un grand cru sans artifice qui accepte les défauts et les embrasse avec amour, avec un petit grain lo-fi supplémentaire qui porte la touche finale à ce tableau étrange et envoûtant. En somme, ‘Dead-End Tape’ est une bouffée de fraîcheur sobre et élégante dans l’univers saturé des productions semi-pro, misant plutôt sur l’émotion pure et intimiste que sur la surproduction clinquante, un peu à l’instar du cinéma indépendant face à de plus grosses sorties souvent insipides. On touche ici à l’essence d’une artiste véritable, et Dieu sait comme ça fait du bien par où ça passe. Avouons-le tout de même, l’attente en valait la peine.