Upp Records
De ce gars-là on connaît surtout les lignes de basses, brutales, percutantes, pierre angulaire du son de Wire depuis bientôt cinquante ans. Il y a aussi son timbre, grave, devenu avec le temps un baryton posé, qui par ses deuxièmes voix donne de la profondeur au post-punk du combo britannique. Certains de ses copains d’études dans le textile se rappelleront sûrement l’avoir croisé dans les couloirs de la Middlesex Polytechnic de Londres qui l’avait conduit initialement à se diriger vers la mode, avant qu’au contact de cette école d’art ses futures expériences musicales n’y trouvent leur terreau. Et pour ceux qui l’ont suivi en marge de l’aventure Wire, ils sauront raconter les effluves synthétiques et urbaines déjà arpentées dans le travail du duo Dome ou en solo.
C’est bien dans cette ligne que l’on retrouve le musicien aujourd’hui. Et si c’est pourtant une guitare distordue qui nous accueille, les chœurs christiques et la construction rythmique synthétique qui l’accompagnent établissent sans hésitation une base franchement loin d’un rock tapageur. La couleur dominante est donnée par la voix, qui balance entre parlé et mélodie, et fait tour à tour plonger dans des abysses sombres avant de remonter vers la lumière. Lewis traverse les territoires de l’électro à la manière d’un explorateur à l’affût de toutes les surprises possibles. Il scrute en direction de l’orient avec des cordes chaudes, défie la froideur métallique de la ville en s’appuyant sur une rythmique plombée, traverse de larges plaines luxuriantes chevauchant un tapis de synthétiseurs volants. Lorgnant toujours un peu en direction de la pop, ses compositions en évitent pourtant systématiquement les structures trop codifiées et imposent une désorientation sensorielle. Mais il en conserve toujours la mélodicité et l’envie de raconter sa vision du monde, souvent pessimiste, toujours passionnante. [YP]
Note: 4/5
