La musique est une formidable compagne de route pour plusieurs personnes. Et de la route, l’auteur-compositeur-interprète et camionneur Dominique Godin en a parcouru, lui qui exerce le métier depuis quinze ans. Le cinquantenaire publie son tout premier mini-album Ma vie sur la route le 28 février 2025.
Artiste comme routier, ces deux métiers impliquent un mode de vie qui requiert ténacité et passion, qui peut user de manière insidieuse, tant le corps que le cœur. Dominique Godin en témoigne à travers cinq chansons country carburées d’histoires personnelles et de confidences. Il a confié la réalisation au jeune chevronné Gab Bouchard. L’enregistrement a eu lieu au studio de ce dernier à Saint-Prime avec, notamment, la participation de son père Pierre Bouchard (Gros Mené) à la batterie, Zachary Boileau à la guitare, Pierre-Olivier Gagnon à la basse, sans oublier Mathieu Quenneville au piano et à l’orgue : le rock n’est jamais trop loin.
Sans détour, l’artiste de Saint-Jean-sur-Richelieu ouvre son carnet musical par la pièce-titre qui démarre avec dynamisme sur des guitares folk-rock. Il y décrit une journée typique de travail dans les couplets soutenus d’un refrain où il extériorise son envie de trouver l’amour. Aussi personnelle soit-elle, cette affirmation reflète le cœur de celui qui – amateur de course à pied – décrit avec classe et finesse son attirance pour une amie coureuse dans la pièce Ma main frôle la sienne. Il aborde aussi l’amitié et le soutien moral sur Allons prendre un verre en duo avec l’unique Mara Tremblay. De cette collaboration naît une chanson accrocheuse aux qualités dignes d’un standard de karaoké en couple.

Derrière leurs phares, les camionneurs camouflent parfois, malgré eux, leur solitude et ses effets négatifs sur leur vie personnelle. La liberté de la route comporte ses plaisirs et ses risques. C’est dans cette direction que l’auteur-compositeur-camionneur se distingue, inspiré par les nombreuses conversations entendues de ses collègues. Lui-même père de famille, il choisit le rôle de conteur, au ton sombre à la Johnny Cash, dans la pièce Il prie pour qu’elle revienne. Il illustre un chauffeur qui, aliéné par son travail, s’enlise sur la route pour surmonter son inconsolable rupture avec la mère de ses enfants. Les couplets et leurs arrangements donnent un aspect nocturne et cinématographique à la chanson :
« Quand les panneaux deviennent
De moins en moins clairs
Quand ses yeux se démènent
Sous ses lourdes paupières
Il cherche un truck stop
Pour manger, prendre une douche
Une fois repu et propre
C’est en pleurant qu’il se couche »
–Il prie pour qu’elle revienne
Dans la ballade À l’autre bout de ton ciel, il traduit la mélancolie reliée au dilemme des responsabilités professionnelles à celle de la situation conjugale. Qu’il chante l’amoureux ou le truckeur, Godin exprime certaines réalités du métier par ses chansons qu’il signe en entier. Son écriture soignée, aux thèmes traditionnellement associés au country, ne tombe jamais dans les clichés faciles. Elle dégage une profondeur qui transcende la simplicité de leur forme : Godin étudie l’humain derrière le volant du camion poids lourd. Surtout, il nous touche par sa qualité d’interprète et sa voix feutrée imprégnée d’un vécu : un atout pour incarner l’âme de la musique country. Il n’y a rien d’étonnant pour cet ex-concurrent de La Voix 2023 et, particulièrement, ce participant à la revue musicale Cowboys – De Willie à Dolly.
C’est un départ réussi pour le camionneur cinquantenaire dont le premier disque autoproduit, sans subventions, fait émerger un artiste country déjà remarquable. Dominique Godin confirme son talent d’auteur-compositeur-interprète autant par sa maîtrise indéniable du style que pour sa capacité à définir son identité propre. Entraînant et éloquent, son mini-album Ma vie sur la route, un peu à la manière de Du diesel dans les veines, essai complémentaire, brille de sensibilité et de pertinence au nom des surnommés « nomades des temps modernes ».
Crédit photo : Camille Gladu-Drouin