Le 5 avril dernier, Décorum se produisait au Petit Campus pour célébrer la sortie de Touche du bois, leur dernier album lancé en septembre 2024. Ce concert marquait leur retour à Montréal après quelques mois d’absence, leur dernier datant d’octobre, lorsqu’ils avaient assuré la première partie d’un hommage aux Colocs au Club Soda. Les amateurs de folk étaient au rendez-vous, curieux de découvrir un nouveau groupe, tout en étant fébriles à l’idée de retrouver les têtes d’affiche. En ouverture, Dany Nicolas, originaire de Tadoussac, et Homebrew Remedy, formation montréalaise, ont lancé les festivités, préparant ainsi le terrain pour une soirée musicale électrisante.

DANY NICOLAS: une ouverture brute et poétique
Le spectacle a débuté avec Dany Nicolas, auteur-compositeur-interprète, accompagné de son batteur Sébastien Collin. Ensemble, ils ont offert une prestation grunge et intense, mêlant des mélodies folk minimalistes à des textes poétiques et revendicateurs. Le batteur, toujours souriant, débordait d’énergie et ponctuait l’ambiance d’expressions faciales amusantes. Dany, quant à lui, arborait une mine narquoise, un brin cynique mais sympathique. Son talent résidait dans sa capacité à créer une connexion immédiate avec l’auditoire, transformant la salle en un rassemblement amical. Musicalement, la guitare était abrasive et distordue, soutenue par une batterie martelée qui renforçait l’esprit grunge. Parmi les moments forts, J’veux la lune, Tomber du Bund et Le soleil se touche ont suscité une vive réaction des spectateurs. La voix ébréchée du chanteur, accompagnée d’onomatopées, a marqué l’empreinte de cette performance, le tout soutenu par un joual assumé. La guitare artisanale qu’il a sortie pour Le chien ne ment jamais a particulièrement résonné dans la salle, provoquant un enthousiasme général.

HOMEBREW REMEDY: swing, chaleur et complicité
Après la prestation intense et folk de Dany Nicolas, l’atmosphère, déjà vibrante, a basculé dans une chaleur plus swing et festive avec l’arrivée de Homebrew Remedy. Dès leur entrée en scène, le quintet a offert un contraste saisissant. La mise en scène simple et soignée mettait en valeur chaque membre du groupe. Les arrangements organiques et traditionnels ont encouragé une interaction naturelle entre les spectateurs et le groupe, soutenant un ton participatif. L’éclairage orangé et les projecteurs à motifs intensifiaient l’atmosphère, tandis que la chaleur ambiante se faisait de plus en plus palpable. Le premier morceau, impressionnant et rythmé, plongea immédiatement le public dans une ambiance de cabaret. Le public, emporté, s’est mis à danser, captivés par les rythmes swing, en particulier sur Milkman. Homebrew Remedy s’est distingué par son habileté à réinterpréter le ragtime de manière moderne, offrant une touche personnelle à des classiques comme The Entertainer de Scott Joplin et Son of St. Louis, tout en respectant leur essence et créant une légèreté qui rappelait l’univers des Looney Tunes. Acclamé, le groupe a répondu avec enthousiasme à la demande de rappel, satisfait de la réception du public.

DÉCORUM: entre mosh pit et poésie
Après avoir été réchauffés par Homebrew Remedy, les spectateurs étaient prêts à tout donner avec Décorum, dont l’énergie communicative a immédiatement fait sauter les barrières de la salle. Leur prestation s’est distinguée par des morceaux aux structures progressives et festives, mêlant cajóns (percussions péruviennes au timbre unique), instruments à cordes (violon, guitares) et de l’harmonica. Les spectateurs, particulièrement réceptifs, se sont laissés emporter par des encouragements, des offrandes alcoolisées, du surf de foule et des mosh pits sur des morceaux endiablés comme Rédemption ou Bleue Dry. Décorum a secoué la foule avec un concert néo-traditionnel, un langage brut et sans compromis, tout en offrant des morceaux plus poétiques, comme Kaléidoscope. Leur maîtrise instrumentale a laissé une impression durable, et leur son semblait parfaitement adapté aux festivals. Le public, composé de fans de longue date et de nouveaux venus, a été conquis. Cette «pépite », pour reprendre les mots de Pier-Luc Diamond, chroniqueur au Daily Rock Québec, est assurément une formation à suivre de près sur la scène québécoise. Leur capacité à rassembler et unir les gens est l’une de leurs plus grandes forces. Une anecdote cocasse : le spectacle s’est terminé sur Il faut que tu rentres. Le groupe a habilement joué avec l’ironie de ce morceau, soucieux de finir avant la fermeture du bar. Une fin savoureuse et bien pensée.
Dans l’ensemble, la soirée réunissant des artistes aux univers variés mais complémentaires s’est écoulée rapidement et fut très divertissante. Dany Nicolas a ouvert la soirée avec une interprétation brute et authentique, Homebrew Remedy a instauré une atmosphère festive et entraînante, et Décorum a clôturé le tout en beauté, déchaînant la foule avec leur fusion de styles. Ce concert a été une rencontre musicale riche en émotions et en découvertes, confirmant que la scène musicale québécoise regorge de talents à surveiller de près. Au final, ce concert a été bien plus qu’un simple événement musical: c’était une véritable célébration de la scène québécoise, où chaque artiste a su toucher le cœur du public à sa manière, créant une soirée inoubliable de danse, de musique et de partage. tage.
Photo: Sarah Rudge & Pier-Luc Diamond