CORELEONI – GOTTHARD BY LEO

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Deux ans après ce qui semblait, à première vue, ne constituer qu’un projet parallèle éphémère, Leo Leoni, virevoltant guitariste de Gotthard, revient en force avec une deuxième salve de (g)riffs acérés. Toujours flanqué de Ronnie Romero (Blackmore’s Rainbow, Lords of Black) à ses côtés, mais aussi de Hena Habegger (Gotthard), Jgor Gianola (U.D.O., Jorn Lande) et Mila Merker (Soulline), le Tessinois fait rugir ses Gibson comme jamais, donnant à d’anciens titres de Gotthard une seconde vie. Plus brute, plus intense, plus colorée. Plus rock, quoi. Comme si le félin était devenu fauve et que le fauve avait été lâché dans la nature. Le guitariste à la crinière royale ne s’appelle pas Leoni pour rien.


Tant sur le compact que sur vinyle, quatorze titres pêchés dans le vaste répertoire de Gotthard ont été réarrangés, revitalisés, reboostés. À noter deux inédits co-signés par Steve Lee («Queen of hearts» et «Don’t get me wrong»), un joyau du controversé «Open» («Cheat and hide») et une version survitaminée d’un classique de John Lee Hooker hantée par Leo himself.

À deux mois du lancement d’une tournée européenne (Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Hongrie et Slovaquie) qui passera notamment par Lausanne (Salle Métropole) le 7 décembre, Leo Leoni s’est confié sur les raisons de cette démarche dans un long entretien, lové dans un fauteuil du lounge de l’hôtel Hilton Airport de Zurich.

Qu’as-tu spontanément envie de dire à nos lecteurs à propos de ce disque?
Si vous aimez le rock’n’roll, c’est le disque qu’il vous faut acheter. Il arrive à point nommé après presque deux ans à donner des concerts ici et là. Je dirais qu’il est plus varié que notre premier album. Il est plus mûr, il y a davantage de couleurs. En fait, nous voulions l’appeler «Greatest tits» (ndlr: «Les plus beaux nénés»), mais notre maison de disques n’a semble-t-il pas trop aimé l’idée.

Dommage, une pointe d’humour n’aurait fait de mal à personne, d’autant plus que Gotthard a très souvent joué cette carte de manière assumée («Dial hard», «G.», «Open», «Made in Switzerland», «Lip service»).
Oui, et sur le projet original de la pochette, les deux seins étaient très discrets. Dans le monde de la musique, pas mal d’artistes se permettent de dire n’importe quoi, notamment dans le hip-hop. Alors les petits Suisses craignent de provoquer un scandale. L’artwork de la pochette (ndlr: qui a été réalisée par Ekaterina Bosova, la chérie de Leo) et du livret est très réussi, c’est particulièrement visible sur le vinyle. Chaque membre du groupe y est présenté avec la moitié d’une tête de lion. Tout a été dessiné à la main. Pourquoi le lion? Mais je m’appelle Leoni!

Quand tu as publié le premier album de CoreLeoni, pensais-tu déjà lui donner une suite?
Quand je commence un projet, je ne sais jamais comment cela va se terminer. On a commencé par un petit rêve et on a pris un jour après l’autre. Beaucoup de gens nous ont dit aimer ce que nous faisons – et pas seulement des fans de Gotthard de la première heure. Nous essayons de faire du rock à la fois vintage et moderne. Nous sommes heureux d’en être là et de débuter la tournée. Au début, c’était un projet, mais maintenant nous sommes un vrai groupe qui interagit avec son public. Les fans sont là et nous donnent une belle énergie.

Vous vous inscrivez gentiment dans la continuité.
Oui, nous ne sommes pas là pour le business, mais pour le plaisir de faire de la musique, pour le plaisir de défendre un genre musical qui n’est pas vraiment à la mode. Réenregistrer ces morceaux qui ont été écrits il y a de nombreuses années, c’est une forme de respect. Nous ne sommes pas un groupe de reprises, nous sommes un vrai groupe qui utilise, c’est vrai, des titres qui sont à disposition depuis longtemps. L’idée est de donner une seconde vie à ces chansons. Notre démarche est tout à fait honnête.

Peut-on imaginer dans le futur vos propres compositions?
Tout est envisageable, mais nous avançons pas à pas. Cela signifierait que le groupe prendrait une autre direction que celle prise au début. Certains titres de cet album ont été complètement réarrangés. Donnez-nous du temps, on verra bien où notre démarche nous mènera. Mais nous voulons éviter de tomber dans la routine de la plupart des groupes, qui composent dix chansons pour ne jamais jouer la plupart d’entre elles sur scène.

Alex Solca

De quelle période datent les deux titres inédits, «Queen of hearts» et «Don’t get me wrong»?
Ils datent de la période de «Lip service» et «Domino effect», mais ne cadraient pas bien avec ce que nous cherchions à faire à l’époque. Ils ont été co-signés par Steve et j’aurais bien voulu les sortir avec lui. Mais cela ne s’est pas fait. Alors nous les sortons aujourd’hui et faisons du neuf avec du vieux: vintage et moderne, comme je le disais tout à l’heure. Et nous avons joué et enregistré ces morceaux ensemble, pas question de s’envoyer des fichiers.

Existe-t-il d’autres titres de Gotthard encore inédits à ce jour?
Bien sûr, il reste des titres inédits de toutes les périodes de Gotthard, y compris du tout premier album. Des chansons qui n’ont jamais été terminées. Il s’agit de les terminer et de choisir le bon moment pour les sortir. Il existe même un album complet qui n’a jamais été publié et qui date même d’avant le premier. Le seul titre de cet album qui a atterri sur «Gotthard», c’est «Downtown». Pour le moment, je me contente parfois de l’écouter ou de le faire écouter à des copains. Ce n’est pas le matériel qui manque, mais il s’agit de garder un certain respect par rapport à ce qui a été fait dans le passé et d’éviter de faire de mauvais choix.

Reprendre «Boom boom» de John Lee Hooker, est-ce une manière de rappeler aux fans de hard rock que cette musique est issue du blues?
C’est la toute première fois que je chante sur un album. C’est un titre que j’ai toujours aimé et qui a été repris par AC/DC ou ZZ Top. Comme Chuck Berry, John Lee Hooker a été un pionnier du blues, qui constitue la racine du rock’n’roll. «Boom boom» n’est pas une chanson sérieuse, mais fun. Il existe pas mal de versions de cette chanson, mais aucune ne ressemble à l’autre. J’avais en tête de l’enregistrer depuis longtemps et de la chanter. Je me suis dit que si Keith Richards et Joe Perry peuvent chanter, alors je le peux aussi.

Que pensent Nic, Freddy et Marc de ce projet parallèle?
En fait, c’est une longue histoire. J’avais ce projet à cœur depuis 1999, mais il a toujours été reporté, à chaque fois pour diverses raisons. A la fin de la tournée «Need to believe», il était question de s’atteler à un «Defrosted II». J’ai donné mon accord, mais avec la condition de prendre une pause de deux ans, le temps pour moi de donner vie à CoreLeoni. Et puis il s’est passé ce qu’il s’est passé. Encore une fois, j’ai dû le reporter. Les membres de Gotthard comprennent ce que je veux faire exactement: il n’y pas de soutien, mais pas de problème non plus. Ils voient que je suis heureux de faire ce que je fais et l’acceptent. Pour les fans aussi, c’est intéressant: il y a un programme plus soft (Gotthard) et un programme plus heavy (CoreLeoni). Un programme pour les femmes et un programme pour les buveurs de bière! Il n’y a aucune concurrence entre les deux formations, cela est même inspirant pour Gotthard. Je joue dans deux groupes et je donne tout ce que je peux dans chacun d’entre eux.

Tu as côtoyé en 27 ans de carrière de nombreux excellents chanteurs. Qu’est-ce qui a fait que tu as particulièrement craqué sur Ronnie Romero?
D’un côté, je suis content d’avoir dû ajourner le projet, car cela m’a permis de rencontrer Ronnie Romero. Je l’ai entendu la première fois pendant un soundcheck il y a quelques années. Il chantait «Neon nights» de Black Sabbath. Cela m’a immédiatement rappelé le jour où j’ai entendu Steve Lee chanter pour la première fois. Cela m’a ramené à mes débuts, j’ai vécu comme un flashback. Je lui ai dit que peut-être un jour j’aurais besoin d’un chanteur comme lui. Il m’a répondu qu’il était disponible. À ce moment-là, il n’était pas encore très connu. Puis j’ai entendu dire qu’il avait été recruté par Ritchie Blackmore. Deux ans après, j’ai pris contact avec lui, nous nous sommes rencontrés et avons commencé à apprendre à nous connaître. Non seulement il est un chanteur très talentueux, mais c’est aussi un super mec. A chaque fois qu’il chante, la magie opère, il est incroyable. Il n’est pas le seul, Nic aussi est un grand chanteur, ce sont deux styles complètement différents. Mais là, Ronnie est le chanteur idéal pour ce que je veux faire avec CoreLeoni. Je suis content de l’avoir rencontré.

Est-ce que parfois il t’arrive, en entendant chanter Ronnie, d’entendre Steve?
Il y a des similitudes. Cela se passe avec Nic aussi. Chacun a son propre caractère: Ronnie c’est Ronnie, Nic c’est Nic et Steve, c’était Steve. Il m’arrive parfois d’entendre Steve. Cela arrive par hasard, ce n’est pas voulu. Ni Ronnie ni Nic ne cherchent à reproduire cet effet. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir rencontré ces chanteurs sur ma voie. Cette similitude provient en partie du fait qu’ils ont écouté les mêmes chanteurs dans leur jeunesse. Ils viennent de la même école. Ce que je fais actuellement avec CoreLeoni correspond peut-être davantage à ce que j’aime faire. Avec Steve, j’avais tendance à me placer en retrait. Là, je peux me lâcher complètement, comme tout le groupe d’ailleurs. Nous n’avons pas de limites, pas de compromis, nous donnons toute l’énergie que nous avons, parfois même à la limite de l’agressivité. Avec Gotthard, il a souvent fallu faire des compromis dans le but de passer en radio.

Photo taken in Lugano (Switzerland) on 02/28/19.

Peut-on dire que Gotthard est ton épouse et CoreLeoni ta maîtresse?
Je ne peux pas te répondre: je n’ai jamais eu d’épouse et je n’ai jamais eu de maîtresse (rires). Si on utilise une métaphore, on peut dire que Gotthard est une limousine et CoreLeoni un cabriolet (rires).

Y a-t-il des groupes actuels que tu trouves intéressants ou restes-tu plutôt orienté vers le passé?
Je n’ai pas beaucoup de temps pour me tenir au courant de l’actualité musicale. Il y a un foisonnement de musique, de groupes, d’artistes. Il y a à mon avis autant de bonne musique que de médiocrité. Il est toujours plus difficile de trouver de l’authenticité, car il est devenu difficile d’être original. La rébellion ne s’exprime bientôt plus que par le hip-hop. Plus que des groupes, j’écoute des morceaux. En Italie, Vasco Rossi est immense: c’est le seul artiste au monde à pouvoir se produire devant 200’000 personnes qui chantent toutes ses chansons, mot à mot, pendant tout le concert. C’est absolument incroyable. Il sait communiquer avec son public, comme Dylan ou Johnny Hallyday. De tels artistes, il y en a peu aujourd’hui. Je trouve que Nightwish est un groupe incroyable et que Pink est une artiste époustouflante, que j’adore et respecte. Slash aussi a trouvé sa voie et continue à être intègre dans ce qu’il fait. J’espère que c’est mon cas aussi, à la différence près que nous, nous avons perdu un chanteur. Il est arrivé ce qui est arrivé. Mais nous avons eu la chance de trouver un autre chanteur. Nic est le chanteur qu’il fallait à Gotthard. Il fait un super job.

As-tu des projets que tu n’as pas encore réalisés jusqu’ici?
Bien sûr que j’ai des idées plein la tête. Malheureusement, certaines collaborations ne verront jamais le jour, parce que les musiciens auxquels je pense ne sont plus là. Je continue sur la voie de la musique et j’espère que j’aurais encore des surprises. Je ne sais pas ce que demain va m’apporter, mais en tous cas il y aura toujours quelque chose à faire.


CoreLeoni, «II», distr. Musikvertrieb.
En concert le 1er décembre à Soleure (Kofmehl), le 3 à Rubigen (Mühle Hunziken), le 4 à Pratteln (Z7), le 6 à Lyss (KuFa) et le 7 à Lausanne (Métropole).

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