Suite à la sortie d’un opus plus organique, moins rock, mais toujours enivrant, rencontre au calme avec le corps et l’âme de ce groupe qui n’en est pas vraiment un, Michael Sele.
Comme pour beaucoup de vos précédentes œuvres, ‘Flying with the Owl’ traite de solitude, de mélancolie et d’autres sujets sombres. Est-ce que vos musiques et vos paroles relatent votre environnement, à Sargans, vos expériences personnelles ou bien est-ce votre imaginaire ?
Je pense que c’est important de trouver un bon équilibre entre les pensées, la personnalité et les expériences personnelles, mais aussi avec une forme d’imagination, car je suis aussi un narrateur. ‘Flying with the Owl’ est un album très personnel et je parle beaucoup d’expériences très personnelles, mais à la façon d’un narrateur et je pense que c’est important de donner la possibilité aux gens de s’approprier cette musique, d’amener leurs propres références. Peut-être ai-je construit une maison, mais les chambres, ce sont les auditeurs qui doivent eux-mêmes les fabriquer.
Bien que The Beauty Of Gemina ne soit pas un projet solo, c’est clairement votre travail. À quelle hauteur contribuent Mac, Andi et Ariel ?
Ce n’est pas un groupe au sens habituel du terme. Parce que je suis le compositeur, j’écris tous les morceaux moi-même et cette fois juste avec un micro, une guitare et ma voix. J’ai pas écrit dans le studio, mais j’ai enregistré sur mon téléphone pendant des semaines et des mois et après j’ai commencé à écrire les paroles. C’était important de finir les chansons de façon solitaire, puis après ce processus, je suis allé en studio pour réfléchir à quel genre d’instruments j’avais besoin. Je fais la guitare, le piano, je peux jouer de la basse et faire le programming. Je travaille depuis longtemps avec un vieil ami, Philippe Kung, un excellent musicien, un bassiste aussi. On a essayé ensemble de trouver des solutions, on a improvisé, on a parlé des lignes de basse, etc. Là ça devient réel, les musiciens apportent leur expression. Après j’ai commencé à jouer avec le violoncelle, qui est vraiment important dans cet album. Justement, c’était intéressant de travailler avec le violoncelliste Raphael Zweifel, qui vit à Nice. On a beaucoup bossé ensemble live, je l’ai appelé pour qu’il vienne au studio. Il connaissait pas du tout les morceaux, alors on a commencé à enregistrer. Je lui ai donné des petits passages à jouer dans chaque morceau : « essaie d’amener une mélodie ou une harmonie avec le violoncelle » et c’était une aventure très intéressante. C’est essentiel d’être entouré de musiciens au moment des arrangements de la musique. Je voulais pas amener le groupe rock de Beauty of Gemina avec guitare, basse, batterie… je voulais être plus libre, ouvert d’esprit… certaines chansons sont très minimales, avec seulement violoncelle, guitare, voix ou violoncelle, piano, voix. Il fallait pour moi trouver comment ne pas amener trop d’instruments, d’être dans la surproduction, mais plutôt dans un son minimal, qui révèle le morceau lui-même.
Il n’y a quasiment pas de synthés sur ce nouvel album. Ça ne vous manque pas, les bons vieux beats de synthie wave, comme on pouvait entendre sur ‘Victims of Love’ ou plus récemment ‘Endless Time to See’ ?
Oui je suis d’accord, il n’y a pas tellement de synthé dans l’album. Je ne voulais pas travailler avec des ordinateurs du tout, je voulais que ce soit très organique. J’ai joué de vieux harmoniums, un peu de piano, voire des piano rhodes dans certains morceaux. Ça ne m’a pas manqué, parce que je voulais plutôt amener des instruments organiques, je pense que l’énergie est toujours là, c’était juste pas nécessaire cette fois, mais ça veut pas dire que pour le futur je n’en utiliserai plus jamais. ‘Flying with the Owl’ est un album organique, réduit au minimum, le violoncelle et la guitare devaient dominer le mix.
À l’inverse, certaines de vos mélodies sont suffisamment complexe pour pouvoir être interprétées par beaucoup d’instruments (violon, violoncelle, guitare… comme sur « The Myrrh Sessions ») tout en restant accessible et touchantes. Avez-vous envisagé de composer des versions plus orchestrales ou de collaborer avec un ensemble ?
Travailler avec un orchestre, bien sûr, ce serait un rêve ! Cette fois, c’était la première fois que j’écrivais des notes sous forme de partition avec la guitare et le piano, c’était un challenge. J’aime écrire de cette façon. Peut-être que la prochaine étape serait d’écrire des partitions pour un ensemble d’instruments à cordes, un basson, des cornemuses, clarinettes… il y a tant d’instruments fantastiques, bien sûr que c’est un rêve de pouvoir en faire une musique, et j’aime aussi ressentir ce style de musique. Jouer pour un groupe de rock, c’est cool, mais tu as beaucoup de limites et de cadres, qu’il est bon d’outrepasser… ce que j’ai fait avec ‘Flying with the Owl’.
Les répétitions sont proéminentes dans vos chansons. Ce n’est pas très surprenant en soi, mais est-ce qu’elles jouent rôle rhythmique ou onirique lors de la composition ?
Je pense que c’est les deux. Ça doit sonner bien, d’abord, mais si vous écoutez une musique et entendez des mots, il y a une deuxième partie… ça fait apparaître des images, ça vous ouvre l’esprit et vous commencez votre propre voyage avec la musique. Je ne pourrais jamais chanter des paroles qui n’ont pas de sens musical. Elles doivent être très proches de la mélodie ou du chant. Si je travaille en anglais, il y a beaucoup de mots qui ouvrent des portes, par exemple la pluie (« the rain » en anglais) ne sonne pas aussi poétique en allemand (« das Regen »), et ça forme des images différentes de la nature : la pluie, une rivière, la neige… Sinon je répète certaines lignes de chant, bien sûr, mais le résultat est musical. Comme à l’opéra, où vous ne pouvez pas dissocier les paroles de la musique, comme des frères et sœurs très proches.
Vous avez shooté quelques vidéos en Italie. Avez-vous un lien particulier avec ce pays ?
En effet on a fait « Crossroads » à Venise. Il y a une autre vidéo faite en Sicile, mais ce n’est pas officiel. Il se trouve qu’elle a été réalisée par des fans pour When we know’. Évidemment, l’Italie est un beau pays qui apporte de l’inspiration. Mais pour moi, ça se situe aussi plus au Nord, en Angleterre, en Écosse et ces pays-là. Ça m’inspire plus, j’y retourne tous les ans, et j’aimerais bien y faire une vidéo, mais ce n’est pas facile à réaliser, avec la technique que ça requiert. En termes de musique classique et de poésie par contre, l’Italie fait ressortir des émotions et des sentiments qui ouvre le cœur des gens. C’est peut-être une raison pour laquelle j’aime voyager, travailler et tourner en Italie. Ça et sa bonne nourriture aussi, bien entendu !
Et… quand est-ce qu’on pourra réentendre votre voix en Suisse romande ?
Oui, j’aimerais beaucoup revenir en Suisse romande. Je pense qu’il y a beaucoup de gens très ouverts à la musique qui écoutent The Beauty Of Gemina. C’est dommage qu’on n’y ait pas fait plus de concerts qu’à Nyon et Lausanne… seulement deux ou trois shows ces dix dernières années. Je ne sais pas, c’est pas facile de trouver des bons promoteurs, de les motiver, de trouver le bon endroit, mais je suis le premier à vouloir revenir en Suisse occidentale. Peut-être l’année prochaine. J’espère, en fait, parce que j’ai de très bons souvenirs des concerts qu’on y a donnés ! [AZ]
FICHE CD :
Flying with the Owl
Ambulance Recordings
Note : 4,5/5
Auteur : Alain Foulon